Commentaire sur la Possibilité d'un centre

Les fiches de lecture sont un exercice que j'aime profondément. Et ce blog m'a offert la suprise de voir des auteurs répondre aux billets consacrés à l'un de leurs ouvrages. Le dernier en date est Richard Robert, auteur de La possibilité dun centre, essai consacré au positionnement politique et à la stratégie de François Bayrou.

Avec son autorisation, je publie sa réponse.

Je ne pense pas que depuis son courriel, du 19 avril dernier, qui était resté au frigo quelque temps, la situation politique ait eu de quoi le rassurer : le PS est loin de se regrouper. En revanche, il est certain que les vieilles badernes ont quitté la dynamique Bayrou. Reste à savoir s'il y aura encore une dynamique Bayrou (cf. sondages ici).

Bonjour,

quelques mots pour vous remercier du post sur La possibilité d’un centre et préciser quelques points. Pas tous, car mes ambiguïtés demeurent : elles tiennent à la fois à Bayrou lui-même, qui ne pourrait vraiment les lever que dans l’exercice du pouvoir, et à mes propres positions – en gros, un sentiment d’être profondément à gauche mais une difficulté grandissante avec le PS. Parmi les griefs, je suis militant CFDT et au fond je crois que je n’ai jamais digéré l’attitude des dirigeants socialistes lors de la réforme des retraites en 2003. Les bêtises sur l’Europe, aussi, le marché du travail… D’où une tentation, ou en tout cas un intérêt pour Bayrou ; on pourrait dire que le bouquin est sorti du besoin de faire le point. Et le chemin n’est qu’à moitié fait : je comprends mieux ce qui me plaît et ce qui ne me plaît pas chez le candidat UDF, mais l’ensemble n’a pas encore trouvé son équilibre. Autre point, derrière Bayrou il y a aussi de vieilles badernes réactionnaires comme Charles de Courson. Et il faut voir l’UDF en province : pour une Anne-Marie Comparini combien d’André Santini ?

Bref, du pour et du contre… Je pense au fond qu’au-delà du personnel politique, les programmes PS UDF sont compatibles, mais qu’il est bon de savoir qui est qui, et surtout sur quelles dynamiques sociales s’appuie une proposition électorale. Or je crains fort que la dynamique sociale du vote Bayrou ne soit encore plus conservatrice que celle du PS. C’est là-dessus que je viens butter. Voilà donc mes vraies réserves : au fond, elles portent plus sur notre pays que sur ses représentants. Mais j’aimerais des représentants qui parlent plus franchement d’avenir. L’exercice que j’ai fait sur Bayrou, on pourrait tout aussi bien le faire sur Royal et Sarkozy (le drapeau !).

Quant au PS, j’ai aussi l’impression que l’une des stratégies de Bayrou est de contribuer à planter Royal pour faire exploser son parti et s’installer dans la figure de l’opposant n°1 ; à titre personnel, je préférerais voir les socialistes évoluer plutôt que les voir s’éparpiller. Par ailleurs, un effet pervers de la « bayrouisation » du vote utile (Cf. Peyrelevade dans Libé) pourrait bien être une petite remontée de Bayrou, une petite baisse de Royal, et le borgne qui ramasse la mise : c’est un risque déplaisant. Pourquoi pas plutôt une alliance UDF PS derrière Royal, qui reste quand même mieux placée ?

Enfin, le livre n’avait rien d’une commande et je n’ai rien à voir avec Montebourg. Mon idée était bien de faire une critique (au sens intellectuel du terme) de gauche, mais surtout pas de reprendre la « ligne officielle » de la critique PS , prise en charge par Jean-Luc Mélanchon et dont je crains bien qu'elle vise davantage DSK que Bayrou. Or, moi je me félicite du fait que la pression soit au centre et non sur les marges, cette fois-ci. Hors débat français, je m’en suis expliqué sur le site de Wolfgang Munchau du FT :

http://www.eurointelligence.com/With-Byline-Single-View.581+M5da85f4312e.0.html

Vous savez tout ! Et quant à la suite on verra bien… mais j’apprends à l’instant que Rocard lance un appel en faveur d’une alliance.

Cordialement,

Richard Robert