La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Le pêché de divergence, ou le Dieu caché...

Un article du Monde sur le retour de la grippe. Comme l'Europe est une mine d'or pour la presse sérieuse, chaque article sur n'importe quoi peut toujours donner lieu à de savantes analyses sur "l'Europe et ..." (les pratiques funéraires, les chats errants, les 4*4, les éoliennes...) Tout peut servir à de doctes interrogations.

Et donc là il s'agit de savoir si l'Europe est préparée au retour de la grippe. On a droit à une flopée d'experts, réunis en conclave pour l'occasion, commentant les disparités dans la préparation des différents pays de l'Union.

Le sous-entendu de toutes ces causeries européennes, c'est qu'il est primordial de savoir si les lettons sont aussi bien préparés que nous à la grippe aviaire, mais qu'en revanche on peut sans doute se contreficher de la préparation au sujet dans les pays du Maghreb.

 On a même des tournures savoureuses, avec l'appel de l'article en une, tant sa tournure est déclinable à tout sujet européen : "La virulence de l'épizootie [...] fait craindre une pandémie qui pourrait se révéler catastrophique. Notamment en Europe, où les stratégies de lutte sont très différentes dans chaque pays de l'Union."

Je ne sais pas vous, mais formulé comme ça, on a l'impression que c'est la disparité des situations dans l'Union qui est un pêché, bien plus que l'éventuelle épizootie. L'épizootie est presque appelée comme une sanction divine, qui viendra punir les coupables de désaccord dans notre belle maison commune toute neuve.

Le mal n'est pas tant dans l'impréparation des uns ou des autres, mais dans l'intolérable disparité dans laquelle nous acceptons tous de subsister. Priez pour nous pauvres pêcheurs.

J'abuse ?

Je recevais il n'y a pas longtemps la lettre d'information du Conseil économique et social. Je tombe sur ce joli rapport du Conseil : "
ACCOMPLIR LA STRATÉGIE DE LISBONNE : CONTRIBUTION DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL A LA PRÉPARATION DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉFORME 2008-2010".

Je veux bien que l'état atteigne des objectifs, applique une stratégie, mais l'accomplissement me paraît bizarre comme terme administratif. Le Trésor informatisé de la langue française me donne en effet ceci, pour l'étymologie d'accomplir :

Étymol. ET HIST. 1. 1121 terme religieux « réaliser, mener à bien (la Promesse, en parlant de Dieu) »

C'est ça l'Europe. Un idéal religieux laïcisé, un dieu caché, pour tous les catholiques de France et de Bavière ; un Dieu qui prône l'austérité, le regret de la sainte trinité dispersée, et cherche à tout instant à culpabiliser quiconque quitterait le droit chemin de l'unité.


Vraiment, beurk.


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O
Frederıc : Ouı, et fıgure toı qu a l ınstant ou cette pensee m est venue, je me suıs dıt a moı-meme : "tu te prends donc pour un roı ?" Et tu soulıgnes a juste tıtre le danger, ımmedıat, de ma proposıtıon. On peut ajouter a ton objectıon tout l orgeuıl quı peut naıtre de cette ınclınaıson.Il reste que, sous l etreınte un peu farouche du soldat ennemı, j aı eu le sentıment de rendre quelque chose quı m avaıt ete ındument octroye,et d en eprouver alors une forme de felıcıte, partagee (je devoıle la une partıe d un artıcle a soumettre a Edgar).
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F
Mais justement, on s'incline. C'est ce qui ne va pas dans le christianisme. On s'incline parce qu'on se croit plus haut. L'Enfant Dionysos valait peut-être mieux que l'Enfant-Jésus qu'il a engendré...
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O
Frederıc : mercı de cette precısıon concernant le messıanısme. Je comprends la ton propos, et y adhere en partıe (pas totalement car j aı un probleme avec ta radıcalıte, avec ta logıque-jusqu-au-bout, ton balaı du contre exemple quı ne satısfaıt pas ta proposıtıon, bref ton effıcacıte, et je ne faıs pas l economıe d une dıvergence personnelle et non pleınement conceptuelle).Je maıntıens que le "quoı qu ıls fassent, quoı qu ıls dısent" merıtaıt dıscussıon, desaccord, tıtıllages (quı ne sont pas forcement de grands proces ou de petıts clıches a ton encontre), controverse... sans que tu montes forcement sur tes grands chevaux. Je te dıraıs, en clın d oeıl, que c est le B-A BA talmudıque.Edgar : Une ıdee quı m est venue pendant mon voyage : etre chretıen, ca peut aussı vouloır dıre etre Roıs Mages - ınclınes devant le tout petıt, l ınsıgnıfıant, l ınfınıment faıble, le meprıse.
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F
@edgarPS : il y a une présentation du travail de Dubuission sur http://lhomme.revues.org/index6449.html
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F
@edgarje trouve intéressante ton affirmation finale sur le "camp blanc"on voit bien que dans cette culture européenne se cristallisent des éléments inconscients pas très sains- y a-t-il du christianisme sotériologique là dedans ? je le pense. La preuve par exemple est que nous pouvons prendre le mot "religion". Ce mot a été inventé par les chrétiens. La réalité qu'il désigne : un domaine de croyance, de pratiques rituelles, d'institutions qui en garantissent l'existence, isolables du reste de la société, n'existait pas avant l'invention du christianisme, cela n'existait dans aucun société. Religion est un mot forgé pa rles chrétiens pour désigner leur propre doctrine, mais aucun autre peuple n'a eu de religion dans ce sens là (cf Daniel Dubuisson, L’Occident et la religion. Mythes, science et idéologie, Editions complexe 1998). On peut appliquer ça aussi à l'art, à la politique etc, beaucoup de nos notions sont issues du platonisme retravaillé par le christianisme. Cela ne nous "enferme pas" à jamais là dedans, mais justement, pour passer à autre chose il faut savoir reconnaître cela, je crois<br /> - y a t il du "blanc" là dedans ? sans doute aussi. On peut mettre autant de ressortissants d'anciens pays colonisés dans notre gouvernement, il y a bien quelque chose de l' "idéologie blanche", celle que les anciens colonisés justement identifiaient comme telle, en arrière plan de nos credos universalistes (mais cette idéologie n'a-t-elle pas été rendue possible en dernière analyse par le christianisme, sans vouloir tout ramener au religieux on peut se poser la question, à moins que, comme les marxistes, on ne dise qu'elle soit plutôt le résultat du capitalisme, mais je ne comprends jamais trop par quel mécanisme un mode de production produit une idée)<br /> Enfin, bref, il y a beaucoup à décortiquer dans cet héritage là, et cet héritage ressort tous les jours dans les actes de nos gouvernants (et dans l'adhésion d'une partie de la population, car quoi qu'on en dise, hélas, jr crois qu'il reste un noyau dur de pro-européens qui continue de faire tenir le système...)
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F
Je pense que le messianisme quel qu'il soit y compris dans certaines versions de l'islam (le chiisme)  induit un rapport inégalitaire aux autres peuples auxquels il faut apporter un "messie" pour qu'ils soient sauvés (sauf précisément dans certaines versions du judaïsme, notamment le judaïsme des derniers siècles, qui a renoncé à convertir les autres). C'est ce que j'entends par inégalitaire. Ce qui n'empêche pas les communautés messianiques d'être par contre parfois très égalitaires "en interne" (entre gens qui ont reçu la rédemption) - tel fut le cas par par exemple de nombreuses communautés juïves par le passé, mais aussi des puritains protestants "niveleurs", de diverses communautés catholiques, orthodoxes, islamiques (pardon pour l'imprécision mais je ne suis pas historien des religions, je pourrais fouiller un peu plus dans ma mémoire sur certains points que j'évoque là, mais l'érudition ne m'intéresse pas).Je n'ai pas dit "les Européens resteront quoi qu'ils fassent quoi qu'ils disent", mais les Européens RESTENT, ce qui est un constat pour le présent qui laisse de nombreuses possibilités ouvertes pour l'avenir. J'ai insisté cependant sur le "quoi qu'ils fassent ou disent" parce que je rencontre souvent des athées qui se croient affranchis du christianisme. Le problème est que le christianisme réside au coeur de tous nos mots, y compris au coeur de notre définition du mot "religion". Je suis intéressé par la démarche de Dawkins qui voudrait un monde sans religion. A l'heure où nous sommes sur le point de nous cloner et de nous modifier nous-mêmes génétiquement, il n'est pas exclu que cette option s'ouvre prochainement à nous. Cela peut valoir la peine d'y réfléchir sérieusement, même si cela ne se réalisait que dans 2 siècles.Je maintiens que sur le plan anthropologique il est inévitable que les humains s'assignent mutuellement des rôles et se figent dans des stéréotypes pour se simplifier la vie sociale, et que, de ce point de vue là, les philosophies qui voudraient nous soustraire à ce genre d' "assignation" sont abstraites et inconsistantes. Mieux vaut espérer que les clichés deviennent "inoffensifs" plutôt que d'espérer la fin des clichés. Il n'y a rien de prétentieux dans ce que je dis là. C'est le B-A-BA de l'anthropologie.En parlant de clichés, j'observe que le cliché du "procureur impitoyable et prétentieux" me colle à la peau, et s'accompagne de toutes sortes d'ininuations tordues à mon encontre. Ce n'est pas du tout une bonne base de discussion.
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E
hum... restons calmes.je ne suis pas fan des généralités sociologiques et l'assimilation Europe=christianisme est quelque chose qui me révulse, même si elle est historiquement fondée. C'est sans doute un peu plus faux pour la France, qui plus que d'autres, a politiquement voulu rompre avec  la confusion entre le politique et le religieux.Peut être en instaurant un culte républicain de substitution, là où les pays-bas ont misé sur la tolérance, mais peu importe.Il reste que, les dirigeants européens, à grand coup de lutte contre le terrorisme, s'emploient tous les jours à diviser la planète en camps que l'on ne peut difficilement éviter d'appeler chrétienté (ou visages pâles) contre Islam. Et les tournures que je relevais me paraissent se rattacher, même de loin, à ce grand mouvement de constitution d'un camp blanc. 
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O
Frederıc : je lıs ta reponse, maıs je ne suıs pas tout a faıt certaın de la comprendre. Je ne saıs pas. moı. ce quı est "anthropologıquement ınconsıstant". Je ne saıs s ıl s agıt la d une ıgnorance de ma part ou d une grande ambıtıon de la tıenne.Je croıs seulement reconnaıtre dans ton "quoı qu ıl fassent. quoı qu ıls dısent" un sans-ıssue ınquıetant, et quelque chose de l ordre de la condamnatıon.Je ne dıs pas que je suıs forcement en desaccord (cette chose la me tombe dessus, moı aussı), je dıs seulement qu on ne peut pas evacuer le potentıel d horreur de ta proposıtıon (on pourraıt dıre en t ımıtant : les arabes quoı qu ıls fassent. quoı qu ıls dısent...)Je m etonne, et ne m etonne pas, que cette horreur n eveılle aucun sursaut. Que tu ne te sentes pas tenu par l oblıgatıon sınon d y repondre (apres tout, tu pourraıs avoır l ıdee de ne pas savoır deja), maıs au moıns de partager, a ce sujet, un malaıse.Quant a la proposıtıon : "un peu plus egalıtaıre, c est a dıre non messıanıque", que voıla une manıere elegante de dıre les choses. Parle nous donc des juıfs, Frederıc Delorca.
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F
D'autant que la question de l'assignation me paraît anthropologiquement inconsistante. L'humain ne peut pas ne pas résumer autrui dans une ensemble de traits et un rôle stéréotypés, sans quoi il s'épuiserait à composer des inférences et sa vie en société deviendrait impossible. Je me satisferais d'un Occident ou d'une Europe dont les modes d'assignation d'autrui seraient tout aussi sommaires que ceux qui existent actuellement, mais simplement un peu plus "égalitaire", c'est à dire non-messianique
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F
"l'assignation de l'autre" est une abstraction sans les déterminations sociales qui président à cette assignation, donc la question du déterminisme m'intéresse plus, elle a plus à voir avec le réel
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