La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Jean Bricmont, la République des censeurs

La curiosité m’a conduit à visionner quelques vidéos de Jean Bricmont. J’avais en tête sa réputation de scientifique pourchassant les sornettes intellectualisantes, acquise lors de la publication de son livre, « les impostures intellectuelles ». J’ai été assez vite affligé par ce que j’ai pu voir – j’y reviendrai. Un ami m’a dit de ne pas me fier à ses vidéos, de lire plutôt ses livres, dont la République des censeurs. Il est exact que le livre m’a paru moins contestable que les vidéos aperçues. Mais pas au point de faire cesser mon interrogation : Bricmont sait-il quelle cause il entend servir ?


D’un intellectuel à la réputation durement acquise, on attend deux choses : que ses arguments soient d’une rigueur irréprochable, et qu’il fasse montre, lorsqu’il sort de son domaine de compétences, d’un minimum de compréhension des différents champs dans lesquels il intervient. Aucun de ces deux critères ne me paraît rempli.

Quelle est l’intention de Jean Bricmont ? Il souhaite, dans son ouvrage, défendre la liberté d’expression la plus large, et s’inquiète principalement des « lois mémorielles », ainsi, accessoirement, que des atteintes à la liberté d’expression de Dieudonné.

Ces deux prises de position sont discutables et ont une part de légitimité. Bricmont n’apporte cependant, à mon avis, aucun argument convaincant, faute, probablement, d’avoir cherché à comprendre les raisons de ses détracteurs.

Premier exemple : Jean Bricmont écrit « si la censure est utilisée pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme, quid de la lutte contre « l’islamophobie » ? Ou de celle contre la « christianophobie » ? Accepter que ces dernières « luttes » puissent être menées sur un plan légal, c’est accepter la mort de la laïcité. »

Il semble ainsi refuser l’idée que les chrétiens, ou les musulmans, qui s’estiment insultés à des titres divers, puissent mener un combat sur le plan légal. On peut lire cela rapidement comme une défense de la laïcité, qui ne doit pas être remise en question. On peut cependant respecter le cadre global de la laïcité et mener des batailles judiciaires : associations catholiques contre Piss christ, contre les pubs Benetton, Islam contre caricatures de Charlie, les exemples sont nombreux.

On peut regretter ces tentatives de limiter la liberté d’expression, mais on peut aussi préférer que ces débats, qui portent sur des questions de fond, puissent rester ouverts dans un cadre judiciaire, légal, adapté.

Bricmont ne distingue d’ailleurs à aucun moment le débat législatif des débats judiciaires, ce qui est fort dommage. Irait-il souhaiter qu’une loi interdise de demander toute restriction de la liberté d’expression d’un tiers, force à une liberté d’expression absolue ? Ne serait-ce pas là une autre façon d’enfreindre la liberté d’expression, celle de protester contre ce que l’on ressent comme une agression ? Bricmont n’entre pas dans ces débats de principe, qu’il écarte en une ligne dans son premier chapitre.

Son idée principale, qui revient à de nombreuses reprises, est que l’on ne peut censurer l’expression publique, car on ne sait pas quelles sont les idées réellement dangereuses, appelant à la haine. L’état censeur est donc systématiquement amené à juger différemment, d’après lui, des situations identiques, son fameux « deux poids, deux mesures ».

L’idée est tout d’abord mal exprimée : « La principale qualité du droit, qui en est pratiquement la définition, est que la loi doit être la même pour tous. Si l’on abandonne ce principe d’égalité, on retombe dans l’arbitraire du pouvoir, contre lequel le droit est censé nous protéger. Un des arguments les plus fondamentaux en faveur de la liberté d’expression est que, si l’on peut définir assez précisément des actions illégales, la pensée humaine est bien trop souple pour que l’on puisse caractériser des pensées comme illégales tout en préservant ce principe d’égalité ».

On peut admettre l’idée que la provocation à la haine est difficile à caractériser – une citation de Robespierre appuie cette opinion. Il y a, en effet, une part de jugement propre à chaque cas d’espèce. Mais cette incertitude est, à mon avis, la marque du droit, qui n’est pas, comme semble le croire Bricmont assez platement, une science.

Quand Bricmont souhaite que l’État (sans distinguer le Parlement, l’exécutif et le judiciaire), ne prenne pas partie dans des matières incertaines, il ne se rend pas compte que c’est l’objet même de l’action publique que de traduire en décisions contingentes, toujours susceptibles de mauvais jugement, des principes généraux.


Le « deux poids deux mesures » est, à mon sens inévitable car il n’y a jamais, dans la réalité, deux poids identiques. Pour reprendre les thèmes dont Bricmont s’est emparé, faudrait-il attendre que quelqu’un adopte un signe équivoque similaire pour pouvoir interdire la quenelle de Dieudonné ? Cela n’a aucun sens. Dieudonné est le seul en France aujourd’hui à essayer d’adopter un signe de salutation rappelant fortement le salut nazi (ressemblance que Bricmont feint de ne pas voir), il n’est pas illégitime de s’en inquiéter sans attendre que d’autres «artistes» aient des idées similaires.

Pour prendre un exemple plus récent, certains ont discuté de l’opportunité de manifestations en l’honneur des morts de janvier 2015, au motif qu’il y a des morts tous les jours dans toutes sortes d’attentats. Les manifestations du 11 janvier relèveraient donc d’un nouveau « deux poids deux mesures ». A ce compte chiffré, si un mort en vaut un autre, sans prise en compte de tout contexte, ce sont probablement les accidents de la route qui mériteraient des protestations massives...


Après avoir attaqué la loi Pleven qui réprime l’incitation à la haine raciale, Bricmont s’en prend à la loi Gayssot, qui interdit la négation des crimes contre l’humanité. De grands historiens s’y sont opposés, ou encore Robert Badinter, et, là encore, les arguments contre cette loi sont recevables. Mais Bricmont commence très mal son argumentaire, en expliquant que la loi ne vise que la contestation des crimes nazis, là où elle réprime la contestation de tous les crimes contre l’humanité.

Dans la suite de son argumentation, Bricmont, suivant en cela Chomsky, regrette les décisions qui ont frappé Faurisson, expliquant, entre autres arguments, qu’aux États-Unis la liberté d’expression est totale. Qu’il consulte donc la page USA du site de Reporters sans frontières, il constatera que l’on peut emprisonner un blogueur, avec une restriction à la liberté d’expression " Le blogueur, avait été arrêté pour “outrage au tribunal” car il avait refusé de retirer de son blog Legal Schnauzer un article jugé diffamatoire contre le fils d’un ancien gouverneur de l’ État de l’Alabama.")

Bricmont souligne un fait exact : le débat idéologique en France se judiciarise et prend parfois des formes étonnantes. Mais ce n’est pas en réclamant une abstention complète de l’État, au moment où les tensions sont exacerbées, que l’on améliorera la situation. C’est sur le terrain politique que le débat doit porter, pas sur un refus du combat judiciaire qui n’est qu’une autre façon de judiciariser le débat (tout judiciariser ou refuser complètement le débat judiciaire sont deux impasses symétriques, l’une et l’autre méconnaissant le rôle régulateur du droit).


Bricmont se préoccupe principalement des questions impliquant Israël et le conflit palestinien. Il écrit par exemple, pour le déplorer, à propos de l’affaire Faurisson, « qu’un groupe humain peut poursuivre en justice un individu parce que ses conclusions sont « blessantes » pour les membres de ce groupe, alors que l’on prétend parallèlement garantir la liberté totale de recherche à l’individu poursuivi ». C’est déjà faire beaucoup d’honneur à Faurisson que de la qualifier de « chercheur ». Ensuite, dans ses recherches, Bricmont ne cite pas, par exemple, l’interdiction, en 2005, d’une publicité jugée offensante pour les catholiques. On peut discuter évidemment de la pertinence de la décision judiciaire, mais citer ce genre d’exemple permet de ne pas sous-entendre que le droit français ne serait là que pour défendre Israël. De façon générale, s’il a l’air de connaître sur le bout des doigts un grand nombre d’ouvrages révisionnistes ou négationnistes, qu’il cite en détail, Bricmont n’a pas peur d’asséner des généralités telles que « il n’y a pas en France de tradition de défense de la liberté d’expression par principe» (Voltaire ? ça ne lui dit rien ?)


Autre expression à courte vue, pour s’étonner que la Suisse condamne également les négationnistes : « même la Suisse, qui n’a pas participé à la deuxième guerre mondiale… » Bricmont, s’il s’était un peu documenté, saurait que la Suisse a été impliquée dans la deuxième guerre mondiale, certes pas comme partie en guerre, mais il suffit de prendre connaissance du rapport de la commission Bergier pour se rendre compte que la neutralité ne veut pas dire absence de tout rôle.

L’approximation, l’exagération et l’hyperbole n’effraient pas Bricmont. Il écrit ainsi tranquillement que la loi Gayssot « interdit de discuter d’un événement historique », alors même qu’il cite longuement un article d’Éric Conan, dans l’Express, qui décrivait finement comment le gouvernement polonais a fait détruire puis reconstruire des éléments de certains camps, dont Auschwitz, ce qui explique que l’on visite parfois des bâtiments reconstitués.
Le livre se termine enfin par le cas Dieudonné, que Bricmont défend avec énergie. Toujours dans l’idée de dénoncer un « deux poids deux mesures », il s’étonne par exemple que l’on puisse rire à des plaisanteries de Desproges sur la déportation, mais que l’on condamne Dieudonné. C’est d’abord bien mal connaître Desproges que de le citer à cette occasion, lui qui souhaitait « rire de tout mais pas avec n’importe qui ». Desproges n’aurait pas, lui, ri de la déportation aux côtés de Faurisson.


Bricmont s’étonne aussi que l’on puisse juger une parole d’après l’intention de celui qui la prononce, c’est pourtant bien un principe évident de tout jugement, politique ou judiciaire.
Il a tendance également, un peu trop rapidement, à laisser penser que sans la loi Gayssot, il n’y aurait pas d’antisémitisme. Pour être aussi rapide que lui, après tout, Hitler a quand même précédé le procès de Nuremberg.


Attaquant le devoir de mémoire, Bricmont utilise un argument intéressant : il cite l’édit de Nantes (1598), qui souhaitait l’oubli des massacres des protestants, à titre de réconciliation. Bricmont aurait pu remarquer trois choses : il s’agissait d’abord d’un acte unilatéral exonérant les catholiques de leur responsabilité, que seul un protestant comme Henri IV pouvait imposer, c’était un acte politique, pas une décision judiciaire ; ensuite ce texte faisait défense d’évoquer les massacres, volet pour le coup légal de cet édit, mais que Bricmont, qui se pose en défenseur absolu de la liberté d’expression, devrait rejeter ; enfin, pour descendre d’une famille protestante, je peux assurer que ces massacres n’ont jamais été oubliés. Dans les familles protestantes, le devoir de cette mémoire-là est bien présent. Quatre siècles après, les quelques milliers de morts des guerres de religion sont encore, même faiblement, présents dans les mémoires. Qui peut demander qu’après cinquante années on oublie des millions de morts ?

Au final, le fond de l’argumentation de Bricmont se défend sur de nombreux points. Mais la forme de ses arguments n’éclaire rien, ou pas grand-chose.

Bricmont n’écrit pas que des choses fausses, exagérées ou partiales. Il a quelques formules justes pour dénoncer la moraline de la « gauche stalinienne », celle qui est prompte à diaboliser tout adversaire, en dehors de cela il n’y a guère de recherches (j’ai bien aimé l’édit de Nantes, quelques citations de Robespierre, une citation délirante de BHL attaquant la raison), aucune prise en compte de ce qu’est le Droit (aucune liberté n’est absolue, elles doivent toutes être conciliées en fonction du moment, des parties impliquées et du cas d’espèce).

Et je regrette enfin que l’argument général en faveur de la liberté d’expression trouve bien trop souvent à ne s’appliquer qu’au bénéfice des détracteurs d’Israël.

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D
Oh zut, j'avais zappé le chapitre où pour appuyer vos propos vous comparez la publication (pseudo-scientifique je vous l'accorde) d'un chercheur (pseudo-chercheur ok) avec une... publicité (j'ai envie de dire WTF??).<br /> Effectivement, vous ne pourrez pas vous comprendre car c'est contre ce fameux "Relativisme" dont vous usez (et qui cache une argumentation foireuse) contre lequel Bricmont se "bat".
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E
c'est fini ce chahut ? pendant que j'incite mon prochain à penser, à la sueur de mon front et tout ça gratuitement, y'en a qui se dissipent. ça va pas.<br /> à part ça, au final, votre remarque ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick : le point commun entre une pub et bricmont c'est le procès.
D
Et l'érudit, dans sa plus grande abnégation accepta d'être trainé dans la boue pour atteindre l'objectif qu'il s'était fixé : inciter son prochain à penser. Merci! Bon on peut rire un peu quand même :)<br /> Non au fond on s'en fout pas de la prétention. C'est elle qui nous incite à affirmer, plutôt que nuancer, douter.<br /> Bonne continuation.
E
je n'avais pas compris sur quoi portait votre question, je n'avais pas compris que le chercheur c'était bricmont, d'où mon ?, peut être trop rapide. pour ce qui est de la prétention, on s'en fout, au fond. si mes idées vous énervent ou vous incitent à penser, contre ou avec, tant mieux. qu'elles viennent d'un trou du cul, quelle importance ?
D
Si vous me trouvez pénible ça ne me ravit pas, mais ne doutez pas de ma sincérité.<br /> Sur votre position "je n'ai rien à gagner", je vous invite à relire vos cours de philo du bac sur la notion de "gratuité" (http://cafes-philo.org/2011/02/lacte-gratuit-existe-t-il/). Oui je vous l'accorde, c'est moi qui devient arrogant, mais vous me tendez des perches aussi!<br /> Et oui le "web est grand" mais vous comprendrez que répondre à vos lecteurs par un dédaigneux "?" peut engendrer chez l'autre un comportement pénible...
E
vous êtes un peu pénible. ce blog est anonyme et je n'ai rien à gagner à adopter une posture d'intellectuel. aucune télé n'invitera jamais edgar sur un plateau, ni aucun éditeur ne me publiera. le web est grand, si ma posture vous défrise, translatez-vous ailleurs. ce qui est comparable, ce n'est pas le travail d'un pseudo-chercheur et une publicité, c'est le fait que ces deux publications puissent donner lieu à un procès, à une évaluation judiciaire de la liberté d'expression. ce que je dis c'est que bricmont ne laisse aucune place au débat judiciaire et au droit. si ça vous paraît prétentieux, je vais vous dire, ça me ravit.
D
"vous avez raison, on ne peut rien comparer avec rien, c'est plus simple"<br /> Tenter d'adopter une posture d'intellectuel en rédigeant cette critique littéraire, et terminer par un argument si faible (quand bien même vous seriez au 2ème degré...)... Quel dommage!<br /> Oui ce texte porte l'illusion d'une réflexion profonde et réfléchie, et uniquement l'illusion et "on ne saura pas par où commencer la critique" ;) Le plus gênant étant cette arrogance, cette prétention dans les propos (sur le fond comme sur le style) comme dans vos réponses. Cette même prétention qui ne vous fera jamais douter de vous, comme lorsque vous persistez, après ma critique, à dire que votre comparaison est parfaitement légitime (car oui cette comparaison entre bel et bien dans le domaine intellectuel du "Non mais LOOOOL"!)
E
vous avez raison, on ne peut rien comparer avec rien, c'est plus simple.
D
Ou plutôt devrais je dire "comparaison n'est pas raison". On ne peut pas comparer une publicité avec avec le "travail" d'un historien pour étayer un propos sur l'égalité de traitement, ça n'a plus aucun sens. C'est d'autant plus navrant que vous vous faîtes à longueur de phrase le défendeur du raisonnement rigoureux.<br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Relativisme
E
?
D
Bonjour,<br /> Merci pour ce compte-rendu.<br /> Il y bien des points sur lesquelles vous n'argumentez pas plus que Bricmont, par ex. pourquoi permettre de lutter contre la Christianophobie tuerait l'idée de laïcité? ça vous semble sûrement évident mais pas pour moi malheureusement.<br /> Mais ce qui m'étonne le plus c'est que personne ne s'indigne de l'existence d'un texte de loi pour dire l'Histoire. Et c'est bien son existence même qui est remise en cause par Bricmont, pas son contenu. et c'est justement pas parce qu'il est d'accord avec son contenu qu'il doit être d'accord pour légiférer dessus. <br /> Quant à faire du relativisme en tentant une comparaison entre le nombre de tués sur la route et l'attentat de Charlie Hebdo. Nul doute ici que vous faîtes semblant de ne pas comprendre. Il est très difficile de débattre devant de la mauvaise foi, vous me l'accorderez ;)<br /> Merci,<br /> Denis
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E
"pourquoi permettre de lutter contre la Christianophobie tuerait l'idée de laïcité? ça vous semble sûrement évident mais pas pour moi malheureusement." c'est une citation de bricmont, pas de moi !<br /> <br /> le texte de loi ne dit pas l'histoire, il interdit de la falsifier sur un point précis. bricmont lui-même cite des tas de publications autorisées qui discutent du nombre de décès dans les camps etc.
D
Mon cher Edgar, je pense que Bricmont butte sur un problème classique dans le débat sur les libertés. Dès lors qu’on décide que la liberté d’expression n’est pas absolue, qu’elle doit être limitée, la question qui se pose est bien entendu quelle est l’autorité légitime pour décider des limites, et sur quels critères. Or la réponse à cette question est très loin d’être évidente.<br /> <br /> Notre tradition juridique nous dit que nos libertés ne sont pas absolues, qu’elles s’exercent dans les limites fixées par des lois dont l’objectif est de concilier l’exercice des différentes libertés entre elles. On ne peut donc en théorie limiter la liberté d’expression que lorsque cette limitation est nécessaire pour permettre l’exercice d’une autre liberté de même niveau. Ainsi, par exemple, la liberté d’expression ne doit pas permettre de troubler le déroulement du culte religieux – et c’est pourquoi la Femen qui a mimé pendant une messe de noël un avortement à l’église de La Madeleine a été, fort justement, condamnée – puisque la liberté d’expression et la liberté de culte ont la même valeur constitutionnelle. C’est cet équilibre entre des libertés qui peuvent être contradictoires qu’on décrit sous la formule très générale de « ordre public ». Mais ce dispositif implique nécessairement de faire confiance au système, au Parlement d’abord et aux tribunaux ensuite, pour distinguer ce qui est dangereux pour les libertés de ce qui ne l’est pas. C’est un arrangement imparfait, certes, mais on voit mal comment faire autrement.<br /> <br /> Mais cette solution implique un présupposé idéologique : que l’Etat, et non l’individu ou la société civile, est le gardien des libertés. Un présupposé que beaucoup d’intellectuels, naturellement plus proches des idéologies libertaires, ont du mal à accepter. Je crains que Bricmont ne se laisse attraper par cette contradiction. <br /> <br /> Il y a d’ailleurs un deuxième problème dans cette affaire : Dans une société qui a sacralisé les libertés, la limitation de celles-ci relève aussi de l’ordre du sacré. Mettre des limites à la liberté d’expression, c’est sacraliser telle ou telle enceinte, telle ou telle « vérité ». Si l’on ne peut nier la Shoah, cela implique que la réalité de la Shoah est une vérité dogmatique, et que toucher à cette vérité, c’est toucher au sacré. Mais dans une société laïque, qui institue le sacré ? Qui décide qu’il est licite de brûler l’annuaire téléphonique mais illicite de brûler la Bible ou le Coran ?
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R
Texte ridicule à tellement d' égards qu' on ne sait par où en commencer la critique. La liberté d' expression doit évidemment être d' abord le droit de dire des horreurs , ou simplement des choses qui déplaisent à nos pouvoirs et à tous les nigauds qui semblent croire que " notre démocratie" est l' héritière de la lutte contre le fascisme.
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E
Certaines déclarations sont performatives, ce sont des actes. C'est au nom de cela que Brasillach a été fusillé. La liberté d'expression ne peut être illimitée. Si vous ne savez part quoi commencer, revenez quand vous aurez mis de l'ordre dans vous idées.
J
> Dans la suite de son argumentation, Bricmont, suivant en cela Chomsky, regrette les décisions qui ont frappé Faurisson, expliquant, entre autres arguments, qu’aux États-Unis la liberté d’expression est totale. Qu’il consulte donc la page USA du site de Reporters sans frontières, il constatera que l’on peut emprisonner un blogueur, avec une restriction à la liberté d’expression "<br /> <br /> <br /> Un autre bon exemple dans l'air du temps sont les règles que Apple qui règne en seigneur et maître sur la moitié du duopole Google-Apple sur le monde du mobile se permet d'édicter et d'appliquer à sa guise.<br /> <br /> https://developer.apple.com/app-store/review/guidelines/<br /> <br /> Á peu près autant d'interdictions que dans la Loi de Moise<br /> <br /> Dont certaines assez croustillantes.<br /> "We view Apps different than books or songs, which we do not curate. If you want to criticize a religion, write a book"<br /> <br /> qui m'a inspiré cet article<br /> <br /> https://medium.com/@jm_fayard/galileo-galilei-s-il-dialogo-rejected-from-the-holy-apple-store-33aef447128b
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O
Salut Edgar, <br /> <br /> Je ne connaissais pas Jean Bricmont et suis plutôt d'accord avec toi sur le fond (sauf sur les lois mémorielles) même si sur la forme tu vas trop souvent "chercher la petite bête" à mon goût (comme quand tu lui reproches de dire que la Suisse n'a pas participé à la 2nde GM ou quand tu confonds délit de diffamation et délit d'opinion comme dans le cas rapporté par Reporters Sans Frontières). <br /> <br /> Cependant, quelque chose m'a surpris dans ton compte rendu, c'est quand tu indiques que l'Edit de Nantes fut un acte unilatéral pour exonérer les catholiques des leurs exactions. Tout d'abord, les perdants dans l'affaire sont les catholiques ultras qui s'étaient opposés au Roi de Navarre. On voit mal le vainqueur leur faire un chèque en blanc. Les adversaires principaux d'Henri IV étaient les ligueurs (ils finirent d'ailleurs par avoir sa peau), pas les protestants. Par ailleurs, croire que les massacres ne furent que le fait des catholiques c'est oublier la moitié de l'histoire: le baron des Adrets et tant d'autres moins connus. Comme dans toutes les guerres civiles, c'est le rapport de force local qui déterminait qui était massacré et qui était massacreur. De fait, agissant comme "minorité révolutionnaire", les protestants furent souvent les premiers à enclencher le cycle de violence et, notamment avec Condé, furent longtemps tentés par un jusqu'au boutisme qui leur fut finalement fatal.
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O
Sinon, ce qui est marrant, c'est que le débat tourne un peu autour de la controverse Bossuet/Constant (unité vs. diversité); mais que là tu es du côté de Bossuet et Bricmont de Constant! Bossuet à raison: la diversité, c'est l'entropie. Vive l'UE normative!
E
au passage, odp, je ne vois pas où je prends position sur les lois dites mémorielles ?
E
ODP : tu me reproches de pinailler et tu m'expliques que je confonds délit de diffamation et d'opinion... un bon article de l'ambassade des états-unis montre bien que même là-bas la liberté d'expression n'est pas absolue (cf. notamment le paragraphe sur l'obscénité, http://iipdigital.usembassy.gov/st/french/pamphlet/2013/04/20130424146340.html#axzz3XDx8rFBL).<br /> <br /> pour la suisse, il ne dit pas seulement que la suisse n'a pas participé à la ww2, il dit qu'il est étonnant qu'elle se soucie d'interdire le négationnisme, n'ayant pas participé à la ww2. je trouve d'abord que quand bien même la suisse eut-elle été en patagonie au moment de la ww2, sans aucun lien avec les belligérants, elle pourrait déjà se soucier du négationnisme. par ailleurs, il se trouve que la suisse s'est fortement interrogée sur son rôle dans la guerre, cela aurait pu venir aux oreilles de l'auteur.<br /> <br /> tout à fait d'accord avec tes multiples nuances sur la saint barthélémy. il s'agissait juste de montrer que, alors que bricmont tenait un bon sujet avec l'espèce de "devoir d'oubli" qu'imposait l'édit de nantes, il n'en fait quasiment rien en ne creusant rien.<br /> <br /> pour le pinaillage, par ailleurs et enfin, j'ai épargné aux lecteurs pas mal de passages qui m'ont aussi fortement énervé. d'où peut-être d'ailleurs l'impression que ma critique est biaisée ou injustement à charge. par exemple, quand bricmont raconte qu'un comparse de dieudonné, déguisé en déporté, est venu remettre un prix à faurisson, il met en note de bas de page : " ce personnage était déguisé en déporté depuis le début du spectacle". comme si ce point rendait la chose plus aimable !
A
Ce billet est assez juste. On peut se demander si le petit livre en question méritait un compte-rendu aussi fouillé. Mais il est vrai que la culture Internet ayant promu tant de fausses œuvres, du coup il faut maintenant des billets sur les blogs proportionnels à l'ampleur des erreurs pour tenter de remettre les yeux des Internautes en face des trous.
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E
je n'aurais jamais écrit ce billet sans être tombé sur une vidéo de Bricmont qui est encore pire, dans le niveau, que son livre.
F
Je suis consterné par les errements de Jean Bricmont. Avec "impostures intellectuelles" il avait frappé un grand coup, et fait tomber bien des masques. Aujourd'hui il affaiblit gravement le camp rationaliste. Sur le plan strictement logique ses prises de positions actuelles n'affectent en rien son ancienne charge, mais on sait que ceux qui ne peuvent attaquer le raisonnement attaquent le raisonneur, et cela leur sera d'autant plus facile si le raisonneur se décrédibilise lui-même...
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E
bien d'accord.
N
Deux choses :<br /> 1- d'abord, il existe bien une liberté absolue, une seule : la liberté de conscience, pour la raison simple qu'elle ne concerne que son sujet.<br /> 2- Je m'étonne toujours que, lorsque l'on discute de liberté d'expression et que l'on en vient au droit, ce soit toujours sur la base des infractions d'opinion comme la diffamation ou l'injure, plutôt que sur celle de la plus dangereuse des infractions qui peuvent être commises à l'aide du discours (entendu au sens large) : l'escroquerie. C'est pourtant l'incarnation même du discours malfaisant, et pour cette raison illégal. L'escroquerie met en évidence l'interaction entre le locuteur et l'interlocuteur qui constitue l'élément fondamental de l'expression, par rapport à la conscience.
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