La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Une communauté de nations

La communauté nationale ne pourra prendre tout son sens et toute sa portée qu’au sein d’une communauté de nations. Une communauté de nations sera l’ensemble de plusieurs nations formant un tout géographique continu et limité, ayant des qualités ethniques similaires et un patrimoine commun, historique et spirituel à défendre.

La communauté des nations aura pour fonctions d’assurer la sécurité, la prospérité et l’épanouissement du bien commun. Cette conception, qui semble plus naturelle que celle d’un universalisme abstrait, tend à une division du monde en zones d’influences économiques. Ces zones peuvent permettre, le cas échéant, aux nations en communautés de vivre en autarcie aussi complète que possible, chacune des zones étant ordonnée au bien commun de sa communauté de nations.

 L’Europe est un ensemble de nations qui pourraient réaliser une communauté qui n’est aujourd’hui que virtuelle. Nous voulons lui donner ses institutions et ses moyens d’existence. Toute communauté comporte un ensemble d’obligations réciproques. Aussi les institutions dont il s’agit ne sont-elles viables que si les États constituant la communauté délèguent volontairement une part de leur souveraineté – non pas à un État qui exercerait une hégémonie – mais au profit d’un ordre communautaire concrétisé par des institutions fédérales. Celles-ci auront pour attributions de gérer chacun des éléments constituant la part de souveraineté déléguée.

Extrait de Vers la Révolution Communautaire, Paris, 1943


Il s'agit des actes d'un séminaire de réflexion sur l'identité nationale un ordre communautaire, réuni par le régime de Vichy.

J'ai trouvé cet extrait fort intéressant dans le livre de Bernard Bruneteau, Histoire de l'idée européenne à travers les textes.

Pas mal de choses y sont : le patrimoine spirituel de l'Europe (en 1943 on ajoutait "spirituel et ethnique", c'était plus clair ; en 2010 on se contente de vouloir renvoyer aux racines chrétiennes et de rejeter la Turquie).

Le rejet d'un universalisme abstrait, qui permet notamment d'inscrire la subordination à l'OTAN dans le texte du Traité de Lisbonne (l'universalisme abstrait devrait conduire à rejeter cette prise en compte abrupte et veule de la réalité de la supériorité américaine).

L'organisation du monde en zones d'influences économiques ressemble au protectionnisme économique qui n'est pas non plus universaliste, juste le cache-misère d'un sauve-qui-peut réactif.

Irai-je jusqu'à dire que l'Europe est un projet pétainiste ? Peut-être pas. Mais dans sa version technocrate et anti-démocratique, elle en est tout cas parfaitement compatible avec les idées du Maréchal et de sa clique modernisatrice. Ironie de l'histoire, et trop vaste sujet : sans doute écoeurés par la collaboration français au pétainisme (Uriage etc...), certains français d'aujourd'hui estiment-ils que l'Europe permet de rompre avec cet héritage funeste. Pas de bol, les pétainistes les ont précédés sur ce chemin...

Voulant me renseigner ensuite sur les participants à ces journées, je suis tombé sur un papier d'Antonin Cohen, "Vers la révolution communautaire, rencontres de la troisième voie au temps de l'ordre nouveau".

En voici la conclusion :

"bien que la cohérence des différentes positions et prises de position qui ont été les leurs ne puisse être comprise qu’au prix de la réinscription chronologique de leurs différentes significations dans leurs époques différentes, on remarquera néanmoins l’avenir improbable du cercle choisi de cette avant-garde qui transportera avec elle l’idée d’une Europe «communautaire» et « fédérale» du Mont-Dore à La Haye. Bon nombre des hommes qui ont ainsi pu se trouver dans le cercle restreint de ces sociétés de pensée qui prendront part aux différentes mobilisations en faveur d’une révolution nationale «communautaire», à la recherche d’une troisième voie, pourront en effet se compter parmi les premiers à se mobiliser à nouveauen faveur d’une «communauté européenne» au lendemain de l’Occupation, et notamment dans  le sillage du mouvement fédéraliste français La Fédération ou dans l’entourage de Jean Monnet."




Food for thought...



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E
<br /> les "qualités ethniques similaires" c'est pas "bien scandaleux" ?<br /> <br /> je n'ai pas écrit que tout européen était pétainiste, simplement que l'esprit européen est parfaitement compatible avec le pétainisme. c'est déjà beaucoup.<br /> <br /> <br />
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V
<br /> Une partie de l'administration de Vichy était en effet constituées d'une partie de l'élite frustrée par les échecs de la IIe République ce qui n'implique pas qu'ils adhéraient nécessairement au<br /> régime de Pétain, surtout ans sa seconde version collaborationniste. Une partie sont d'ailleurs entrés en résistance.<br /> <br /> Sur le fond, rien de bien scandaleux dans ce qui est écrit ici. Le contexte de ces lignes est finalement ton seul propos. Assimiler les pro-européens à des fascistes. Digne d'un skyblog non ?<br /> <br /> Le MFF a en effet été la branche conservatrice du fédéralisme européen. Il n'a jamais été vraiment en phase avec les principaux mouvements fédéralistes de l'après guerre, fondés par Spinelli en<br /> Italie ou Frenay en France, et donc issus de la Résistance.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Les pétainistes, les voici: http://euobserver.com/9/29426<br /> <br /> Comment appellerait-on ce monstre? L'armée bleue?<br /> <br /> <br />
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F
<br /> casque bleur quand il n'y a pas de guerre c'est facile<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Merci Olyvier ! Tu devrais faire casque bleu!<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Oui, je suis assez d'accord. L'Europe c'est de la vacuité bourgeoise. Peut-être de la moyenne bourgeoisie d'ailleurs, plus que de la grande bourgeoisie (laquelle est parfois capable de moins de<br /> vacuité du fait de sa propension à singer la noblesse). Un zeste de petite bourgeoisie aussi, mais la petite bourgeoisie se reconnaît moins dans l'Europe que la moyenne. Toutefois elle n'est pas<br /> fichue de s'unir (entre petite bourgeoisie d'Etat et petite bourgeoisie commerçante) pour redéfinir des modèles alternatifs d'Etats nations. Elle vote "non" aux référendums français, hollandais et<br /> irlandais, et puis elle rentre chez elle.<br /> <br /> <br />
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O
<br /> Je ne suis pas certain que les points de vue d'Edgar et de Frédéric D. soient si éloignés, car il me semble qu'Edgar tient moins à établir une généalogie révisionniste de l'U.E qu'à nous sortir de<br /> celle communément admise (un humanisme chrétien centriste et raisonnablement progressiste fortifié par le souvenir de la guerre et des régimes fascistes). <br /> Edgar et Frédéric nous rappellent la plasticité de la chose U.E, existant pour elle-même, progressant pour elle-même.<br /> Pour ma part, j'en suis à penser que la véritable généalogie de l'U.E tiendrait en un seul slogan : "bourgeois de tous les pays..." <br /> <br /> <br />
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F
<br /> Pas trè convaincu par ce genre de démonstration historique. On peut tracer toutes les généalogies qu'on veut suivant les points de vues. On peut faire remonter l'idée européenne à Victor Hugo ou à<br /> Pétain (ou Hitler), suivant qu'on l'aime ou pas. Surtout il y eut tellement de "d'idées à la mode" des années 30 récupérées par Vichy (comme d'ailleurs par tous le mouvements fascisants d'Europe)<br /> allant de l'ultraconservatisme à l'ultramodernisme (à peu près toutes les idées étaient solubles dans le vichysme, sauf celles qui avaient un rapport avec l'universalisme et avec la lutte des<br /> classes) qu'on peut rattacher des tas de choses à ce régime là. Ajoute à cela que l'européisme lui-même est un conglomérat de tellement de tendances contradictoires (cathos, laïcardes,<br /> islamophiles, islamophobes, libéro-modernistes écolo-passéistes etc), qu'on peut toujours trouver des tas de passerelles. J'ai plutôt l'impression que l'UE est communautariste parce que l'air du<br /> temps l'est, c'est tout. L'esprit 68ard en liquidant la foi universaliste dans le progrès a réhabilité les vieux particularismes un peu partout. Et puis, le boomerang du colonialisme y a été pour<br /> quelque chose aussi. Les arabes et noirs de notre ex empire ont cessé de se mettre au garde à vous devant le drapeau tricolore de notre gouvernement ou devant le drapeau rouge<br /> de notre PCF, tout comme les blacks des USA ont mis le feu à leurs ghettos. Tout ce passé récent a existé. Les luttes sociales (féministes, éthniques, régionalistes) sont des réalités qui ont fait<br /> leur chemin dans les programmes gouvernementaux, les institutions, dans tous les pays occidentaux. L'UE a recueilli tout ça. Une UE créée 50 ans plus tôt (en un temps où les petits flamands en<br /> belgique, les petits catalans en Espagne, les Ecossais au Royaume Uni, les Noirs dans les colonies, les femmes soumises à leur papa et leur mari, étaient priés d'oublier leurs<br /> particularismes) eût sans doute été plus jacobine. Ainsi va le monde.<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Je sais bien que cela ne se fait pas de se citer, mais il y a dans ce texte "http://www.ripostelaique.com/Le-regionalisme-breton-s-est.html" un echo à ce billet de Edgard.<br /> Il faut approfondir vers l'école d'Uriage et vers Frenay ou Beuve-Mery.<br /> Quand à Monet voir l'association Jean Monnet Spirit, rien que le derner mot sonne comme une chaine !<br /> Je ne résiste pas à cette exergue :"... trés grand banquier d'affaire chez Lazard, formidable acteur de la construction européenne ..."<br /> <br /> http://www.jeanmonnetspirit.com/accueil.html<br /> <br /> <br />
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