La lettre volée

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Portrait d'une crise

La crise financière se poursuit et atteint l'Europe. Comme chacun j'essaie de comprendre ce qui pourrait se passer. Et je suis tombé sur un bon papier de l'un des principaux conjoncturistes de Morgan Stanley, Stephen Roach (Pitfalls in a post-bubble world).

Assez pessimiste, comme à son habitude (il faut porter à son crédit le fait qu'il souligne depuis fort longtemps le caractère insoutenable des déficits américains.)

Quelques points clés de son raisonnement :

1. aux Etats-Unis, c'est la fin d'un modèle de croissance fondé sur l'endettement. De 1997 à 2007, l'endettement des ménages américains est passé de 93% à 133% de leur revenu disponible. Ceci leur a permis d'atteindre un taux de consommation de 72% du PIB contre 67% en moyenne sur les années 1975-2000 (il faut garder en tête que 5% de consommation en plus dans le PIB américain c'est environ 700 milliards de dollars).

2. Pour la Chine, qui connaît un taux de croissance des salaires de 15% par an, cela peut être le moment de ralentir la machine économique. Pour le Japon, l'impact du ralentissement américain sera plus dur. Pour l'Europe, il ne l'évoque pas, mais l'impact sera sans doute entre la situation chinoise et celle du Japon...

3. Les modalités de propagation de la crise seront en trois temps, et ce sera long. Et là c'est intéressant de conserver cela en tête, pour éviter d'annoncer la fin de la crise tous les jours pendant trois ans. Ce sont d'abord les sociétés financières qui sont touchées, et il estime au doigt mouillé que 65% de la crise est passée. Ensuite, ce seront les autres sociétés qui vont être heurtées. Et là, ça n'a pas vraiment commencé pour lui (80% est à venir, toujours au doigt mouillé). Enfin, la crise se fera sentir à l'extérieur des Etats-Unis (pour lui toujours, 90% reste à venir de ce côté)... En Europe, les effets sur le secteur financier sont déjà là, mais nul ne doit douter que le reste va arriver.

4. Dans les crises antérieures, lorsque l'économie américaine est touchée, on baisse les taux, le dollar baisse, l'export repart et tout va bien. La difficulté aujourd'hui, toujours selon Roach, est que les emplois qui sont partis en Chine et en Inde ne peuvent pas revenir (en ce sens, voir aussi Paul Craig Roberts, toujours). Ca va donc patiner au redémarrage bien plus longtemps...

5. Note finale : les réactions n'ont pas l'air à la hauteur des événements, pour lui. Les USA n'ont pas pris conscience de la nécessité de rééquilibrer leur modèle de croissance, et la Chine veut conserver son rythme de croissance à presque deux chiffres. Ca n'est pas conséquent, ni responsable, d'aucun côté.

Bon, note personnelle pour finir. Quid de l'Europe dans tout ça ?

Quatremer se réjouit du rôle stabilisateur de l'euro. C'est exact pour l'aspect monétaire de la crise. Mais ce n'est qu'un aspect particulier du problème. On constate d'abord que les marchés ne cessent pas d'évaluer séparément les politiques économiques de la zone euro, et que les différentiels de taux d'intérêt sur les dettes publiques, qui restent nationales, sont en forte hausse (avec l'Italie très touchée, la France au milieu et l'Allemagne en valeur refuge). C'est aussi un facteur potentiel d'éclatement de la zone euro...

La grande question, même si la zone euro reste unie, est de savoir si les états européens sauront assouplir les règles du pacte de stabilité face à la crise, ou s'ils s'entêteront dans des règles automatiques totalement inadaptées... Dans ce dernier cas, l'euro survivrait, mais pas forcément l'économie européenne...

 

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G
Le pacte de stabilité est déjà mort avec l'annonce du budget français 2009 : qui, globalement, renonce aux réformes structurelles (notamment celles des politiques d'intervention) et renonce pareillement à l'objectif de stabilité à horizon 2012 sans provoquer le moindre reproche de Bruxelles.Nous verrons donc bien dans les cinq ans à venir ce que vaudront les prévisions des monétaristes (pour ceux qui n'étaient pas convaincus : en ce qui me concerne, l'étude des données économiques américaines 2003-2007 m'aura suffi à me faire mon opinion)
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F
Concernant le "modèle de croissance américain fondé sur la dette", je partage l'avis que c'est le coeur du problème - les USA ne s'en sortiront pas simplement en baissant leur monnaie, mais plutôt, à mon avis, en vendant leurs actifs et en particulier une partie de leur territoire.On a également beaucoup écrit que le rôle particulier du dollar dans l'économie mondiale créait pour les Etats-Unis la tentation de vivre ainsi à crédit.Mais j'en profit pour ajouter que :1- une cause du déficit, c'est qu'on dépense plus qu'on ne peut produire, quand on consume une grande partie de ses ressources dans des guerres improductives (pour ne parler que de leur dimension économique),2- ce n'est pas la politique "américaine", c'est la politique "Bush" père et fils. L'administration Clinton a massivement désendetté les États-Unis, voir par exemple http://www.lavf.com/archives/La_course_au_desendettement-2875.La_cou.htmlMais en 2001… 
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E
M. d'Here. Quand j'ai mis mon commentaire le vôtre n'y était pas !Par ailleurs, le différentiel que vous mentionnez concerne le marché du neuf, Chevallier relève les prix de l'occasion...
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S
Qui est social libéral sarkozyste?
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E
Vous êtes bien confiants chez les sociaux libéraux sarkozystes...
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S
Le graphique de chevalier sur les bons du trésor ne veut pas dire grand chose. Lorsque la France emprunte, son surcout d'intérêt par rapport à l'Allemagne tourne autour de 7 ou 10 points de base (0,07 ou 0,1%). Pas vraiment significatif.
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M
Sans doute l'Europe saura assouplir les règles du pacte de stabilité. Je ne pense pas qu'elle reste dogmatique dans une période comme celle-la.
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