La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Colonialisme pas mort

Cette citation d'Orwell me paraît encore valable, au regard des critiques portées sur le régime chinois, par des pays dont les sociétés sont largement implantées en Chine. La seule différence est que la droite a rejoint la gauche dans le grand concours d'hypocrisie...

"Tous les partis de gauche dans les pays industrialisés reposent fondamentalement sur une hypocrisie, car ils affichent de combattre quelque chose dont, en profondeur, ils ne souhaitent pas la destruction. Ils ont des objectifs internationalistes, et en même temps ils sont bien décidés à maintenir un niveau de vie qui est incompatible avec ces objectifs. Nous vivons tous de l'exploitation des coolies asiatiques, et ceux d'entre nous qui sont éclairés soutiennent que ces coolies devraient être libérés ; mais notre niveau de vie et donc aussi notre capacité de développer des opinions "éclairées" exigent que le pillage continue. L'attitude humanitaire est nécessairement le fait d'un hypocrite, et c'est parce qu'il comprenait cette vérité que Kipling possédait ce pouvoir unique de créer des expressions qui frappent. Il serait difficile de river le clou au pacifisme niais des Anglais en moins de mots que dans la phrase : "Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil".

Georges Orwell, cité par Simon Leys, in Orwell ou l'horreur de la politique
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E
Frédéric, dans mon esprit cette citation d'Orwell s'applique particulièrement bien à RSF, à Dany Cohn Bendit et à tous ceux qui ont fustigé la Chine pour ensuite ne pas s'indigner du commerce que nous entretenons avec elle.SAV, oui, bien sûr. Je constate que l'Union européenne ne demande rien de tout cela et se satisfait de gesticulations pseudo humanitaires. 
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S
Ceci dit, Edgar, la Chine pourrait mettre en prison moins de prisonniers politiques, mater moins violement les manifestations paysannes, ça n'empècherait pas ses usines de fabriquer des lecteurs DVD et autres.
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F
qui critique le régime chinois ?
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E
Oui, enfin, quand on critique le régime chinois il faut être sûr de ne pas avoir chez soi un lecteur de DVD, une télé, une console de jeu, un appareil photo ou autre appareil Made in China, dans des conditions inconnues en réalité.En sens inverse de ma phrase précédente, je garde toujours en tête une citation de Joan Robinson : <br /> It's a terrible thing to be a worker exploited in the capitalist system. The only worse thing is to be a worker unable to find anyone to exploit you.<br />
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F
oui ça semble raisonnable, "tout dépend"je veux bien croire que l'esclavage en Amérique a contribué à dégager des fortunes par le commerce sucrier au 18 ème siècle, et enrichir la bourgeoisie portuaire occidentale (de Bordeaux à Liverpool), et que cela est devenu moins rentable au siècle suivantque les Anglais aient gagné à exploiter les Indes c'est probable aussi, surtout on a le sentiment que le profit du colonialisme consiste dans leur cas à avoir ouvert de gros marchés asiatiques par le biais de la conversion forcée au libéralisme (la guerre de l'opium, l'imposition du textile britannique à l'Inde)un intellectuel anti impérialiste connu, scientifique célèbre, me disait il y a 3 ans qu'on ne pouvait évaluer ce que les colonies ont apporté à l'europe, parce qu'on ne peut raisonner négativement : on ne peut pas savoir ce qu'aurait été l'histoire en soustrayant tel ou tel facteur, et donc la valeur de ce facteur est vouée à rester un mystèrepour la belgique il est clair que le colonialisme lui a rapporté ses plus beaux monuments, une histoire qui était déjà jugée scandaleuse à l'époque de Bertrand Russel (voyez sa brillante histoire des idées politiques au 19 eme siècle)
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S
Delorca,ça dépend des colonies : les colonies françaises étaient plutôt un fardeau pour l'économie de la métropole (pour diverses raisons, pas uniquement en termes de coût mais également de marché captif qui n'incitaient pas l'industrie française à se moderniser). En revanche, les colonies britaniques constituaient plutôt un apport pour la métropole. Le pire étant la situation dans les colonies belges, véritables pompes à fric pour les métropolitains qui les mettaient en coupe réglée. Concernant l'esclavage, l'avis de la quasi totalité des économistes est qu'il constituait un obstacle au développement.Aussi, à mon sens, Orwell se trompe : l'asservissement des uns n'est pas nécessaire au bien être matériel des autres.
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D
Je n'ai jamaistrouvé un économiste qui puisse m'expliquer en des termes clairs si les colonies ont été un fardeau inutile pour les pays développés (thèse des libéraux) ou la condition de possibilité de leur essor capitalistique (thèse des marxistes)...Je veux bien croire que le commerce triangulaire (et l'esclavage) a permis l'accumulation primaire de capital dans la première phase, transformant notre petite presqu'île asiatique sous-développée qu'on nomme "Europe" en centre de prospérité mondiale (encore que nous étions encore en 1800 industriellement moins productifs que les Chinois). Mais quid une fois que nous avons inventé la machine à vapeur ? Le coolie chinois restait-il la base de notre prospérité ? Ou bien M. Orwell, né en Birmanie, avait-il le regard faussé ?
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