La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Les livres de ma vie ?

Il y a des livres qui m'ont marqué, que j'ai lus il y a longtemps, voire fort longtemps, et pour lesquels je ne saurais rédiger une fiche de lecture au format habituel.

Je vais pourtant essayer de les recenser rapidement pour en dire quelques lignes.

Elias Cannetti, Masse et puissance
Un grand livre. Je défie quiconque de rester indifférent à la lecture du chapitre "Le survivant". La mécanique psychologique et sociale y sont emmêlées de façon éclairante.

Thomas Mann, La montagne magique : les dialogues entre Naphta et Settembrini pour emporter la conviction du jeune Hans Castorp m'ont passionné - même si c'est le seul aspect du livre qui a ennuyé un lecteur pourtant très positif.

Un sac de billes
Mon premier livre "sérieux", lu à 8 ans, après pas mal de oui-oui, club des cinq et clan des sept, des tonnes de Picsou, de Pif Gadget et de bandes dessinées belges. L'escapade des frères Joffo à travers la France jusqu'à l'Italie est un témoignage à la fois poignant et optimiste. Si mon souvenir est exact, ils traversent cette période, dont on comprend qu'elle est injuste et cruelle, en rencontrant des lâches, des policiers, mais aussi pas mal de compréhension, de débrouillardise et d'humanité.

La nef et Sa majesté des mouches, de William Golding.
La Nef narre la folie douce d'un évêque constructeur de cathédrale. Sa majesté des mouches voit deux bandes d'enfants s'organiser. L'une est animée par un enfant organisateur, pacifique, rationnel, l'autre par un leader diviseur, qui soude son équipe en lui désignant des ennemis, internes et externes. Platement résumés, ces deux livres sont des anti-utopies dont je me souviens encore longtemps après.

Le Seigneur des anneaux
Pas grand chose à dire, tout le monde connaît. Autant je supporterais certainement et ai même envie de relire plusieurs des autres bouquins, autant je ne suis pas sûr pour celui-ci.

Le libéralisme économique, de Pierre Rosanvallon
L'un des premiers ouvrages de Rosanvallon. De mémoire, il y développe la thèse d'une grande proximité entre le socialisme et le capitalisme, deux idéologies du progrès par le développement de la production. Il y explicitait aussi un paradoxe important : on croit qu'un état fort crée des individus faibles, c'est l'inverse qui est vrai. Des institutions fortes sont à l'avantage des individus. Par rapport au souvenir que m'a laissé ce livre, j'ai l'impression que Rosanvallon a mis de l'eau dans son vin depuis...

Frederic II, de  Benoist Méchin
Lu à onze ans, ce livre m'a profondément marqué même si aujourd'hui je ne saurais pas dire grand chose sur Frédéric II. J'en retiens le souvenir d'un homme éclairé, rebelle, seul ; d'un enfant curieux de tout et qui, devenu roi, conserve une capacité d'étonnement, de créativité et une ouverture étonnantes.

Adam Smith: philosophie et économie, Jean Mathiot
Un très bon livre où l'on découvre qu'avant d'être économiste, Smith est un philosophe politique des Lumières, libéral qui définit sans problème un rôle positif à l'état.

Spinoza et la politique, Etienne Balibar
En France, Spinoza reste un philosophe connu pour sa métaphysique et sa philosophie athéiste. Dans les pays anglo-saxons, il est aussi connu pour être l'un des pères du libéralisme politique. Etienne Balibar s'attache à cet aspect de la pensée de Spinoza, celle qui pense des institutions politiques démocratiques.

La Peste et la Chute, de Camus. Deux très bon souvenirs, moins remplis du plaisir de la découverte que les autres, car découverts dans le cadre scolaire, mais excellents néanmoins. J'ai moins accroché à l'Etranger, dont la thématique de l'absurde cadre moins avec mon rationalisme.

Sartre, les mots et le mur.
Les nouvelles de Sartre, et spécialement, l'Enfance d'un chef, dans le Mur, sont à lire, sans ennui.

René Girard. Passionnantes lectures, de Mensonge romantique et vérité romanesque, Des choses cachées depuis la fondation du monde et la Violence et le Sacré. Des choses cacdhées est sans doute celui par lequel on peut commencer si on ne connait pas René Girard. C'est un livre d'entretiens, qui fait le tour de pas mal de problématiques de ce professeur, principalement comment on cherche toujours à se définir par rapport au regard de l'autre, et comment, ce faisant, on se plante.

Léon Chestov, Athènes ou Jérusalem. Ou comment le catholicisme en intégrant progressivement religion et science, affaiblit et foi et religion. Un très beau livre, profond.

Stefan Zweig, Erasme. Les biographies de Stefan Zweig sont souvent intéressantes, celle-ci est passionnante. On y découvre comment Erasme s'est désolé de la montée du protestantisme, tout en étant bien conscient des problèmes lourds de l'église catholique. De belles réflexions sur la fin du rêve d'une église universelle.


En écrivant, d'autres titres me reviennnent, Gatsby, de Fitzgerald ; Une prière pour Owen, de John Irving ; Chiens de la nuit, un polar de Kent Anderson ; la série des Fortune de France, de Robert Merle, le poignant Martin cet été, de Bernard Chambaz (la mort d'un fils de seize ans, racontée par son père), Un enfant sage, de Jean-Denis Bredin... J'en trouverais sans doute d'autres en cherchant, sans compter ceux que j'ai lus sans en garder de souvenir autre que leur titre et une vague impression, mais chaque fois que je repense aux livres que j'ai aimés, les titres ci-dessus reviennent immanquablement.

Je serais content de lire en commentaires, ou sur votre blog, votre liste à vous, amis lecteurs...














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E
<br /> <br /> bien sûr. le voyage au bout de la nuit m'est tombé des mains à 15 ans, je l'ai dévoré quelques années plus tard !<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Je te rassure, si on me demandait d'expliquer pourquoi tel ou tel livre a laissé une forte impression sur moi, je serais bien embarrassé... Il y a des choses que je ne m'explique pas...<br /> <br /> <br /> D'Henri Bosco, j'avais aussi lu "L'âne culotte", mais j'ignore pourquoi, le seul souvenir que j'en garde, c'est l'image d'un vieil homme jouant de la flûte à la belle étoile, attirant vers lui<br /> les animaux du bois... Un moment surnaturel.<br /> <br /> <br /> Il y a aussi des livres que je n'ai pas pu achever, livres que j'ai rouverts des années plus tard, et que j'ai pu lire jusqu'au bout. Il y a certains livres pour lesquels on est mûr, et d'autres<br /> où il faut attendre le bon moment, sans doute.<br /> <br /> <br /> Est-ce que ça t'es arrivé, à toi ?<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Merci pour cette liste. Je garde un souvenir fasciné du Malicroix d'Henri Bosco, mais je serais aujourd'hui incapable d'en dire deux phrases !<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> En vrac :<br /> <br /> <br /> Henri Bosco - L'enfant et la rivière<br /> <br /> <br /> Les nouvelles d'Alphonse Daudet, Prosper Mérimée, Maupassant, Edgar Poe, E.T.A. Hoffmann, Barbey d'Aurevilly, H.P. Lovecraft...<br /> <br /> <br /> Voltaire - Candide - Zadig - L'ingénue - Micromégas - L'homme aux quarante écus - Jeannot et Colin<br /> <br /> <br /> Diderot - Supplément au voyage de Bougainville - Jacques le fataliste - Entretien d'un père avec ses enfants<br /> <br /> <br /> Sade - La philosophie dans le boudoir - Justine ou les malheurs de la vertu<br /> <br /> <br /> Kafka - La métamorphose - Le procès<br /> <br /> <br /> Sartre - Huis clos - Les mouches<br /> <br /> <br /> Les tragédies de Sophocle (Oedipe roi, Antigone, Electre, etc.)<br /> <br /> <br /> Anouilh - Antigone<br /> <br /> <br /> Semprun - Le mort qu'il faut, Le grand voyage<br /> <br /> <br /> Céline - Voyage au bout de la nuit<br /> <br /> <br /> Cioran - Précis de décomposition, De l'inconvénient d'être né<br /> <br /> <br /> Umberto Eco - Le pendule de Foucault<br /> <br /> <br /> Liste, bien sûr, non exhaustive...<br /> <br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> <br /> Boris F.<br /> <br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> J'aime bien votre style de requête,<br /> <br /> <br /> Pour moi il est impossible de dire quelles sont les œuvres...<br /> <br /> <br /> Néanmoins, alors que citer tous les grands auteurs fournirait rapidement surnombre pour dix cases à cocher, alors même que c'est chez eux que l'on découvre, finalement parfois on reconnait, et<br /> par "chance" aussi on saisit la densité des mots, une fois donc éprouvés certains mots faits nôtres depuis la grâce de ces auteurs (qui offrent autant d'origines magnifiées à autant de mots),<br /> l'intimité du lecteur importerait qui fasse tri..<br /> <br /> <br /> Jouant le jeu de sélection, et partant consumériste comme il se doit un blog-trotter , alors me confessant, il y a un ouvrage absolument poignant qui a radicalement changé mon mode de lecture.<br /> <br /> <br /> Là, inutile d'y éprouver les phrases savamment, inutile de s'y comparer la comparaison, l'ouvrage est presque trivial:<br /> <br /> <br /> Les notes journalières du président Poincaré, 1916-17.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Une simple retranscription pour l'édition de phrases manuscrites consignées par ce président en cahiers successifs durant la "grande guerre", publiées dans l'immédiat après guerre dans une<br /> volonté de stricte information républicaine, une collection vaguement pédagogique (entre le Dalloz et le Que-sais-je? de l'époque) dont j'ai oublié le nom et malheureusement perdu l'exemplaire.<br /> <br /> <br /> Je n'ai jamais eu en main d'ouvrage aussi évident, qui confonde un auteur et un acteur très simplement avec ses mots!<br /> <br /> <br /> Depuis un aussi manifeste exercice à dire un réel monstrueux, ensuite se délecter de minuscules ou formidables descriptions comme y invite et sait faire la littérature devient autant prenant<br /> qu'un jeu d'enfant<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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O
Edgar : je ne te conseille pas forcément de commencer la lecture de Primo Levi par Si c'est un homme. Les recueils de nouvelles (je pense à Lilith et au Tableau périodique) sont formidables et permettent notamment d'aborder l'auteur en tant qu'écrivain, ce qui ne dévaluera pas, loin s'en faut, Si c'est un homme. Au contraire, ces premières lectures en restitueront toute la force ( tout comme aborder Shoah de Lanzmann en tant que film).Dans Si c'est un homme, le passage qui m'a le plus marqué est celui où un SS s'essuie la main sur Primo Levi, sur son vêtement, et où l'auteur dit que c'est à ce geste qu'il juge tous les hommes de son genre - ceux qui s'essuient négligemment sur le vêtement d'un autre, inférieur infériorisé.Je me suis depuis toujours senti débiteur vis à vis de P. Levi : soit en tant que celui qui pourrait négligemment s'essuyer sur un autre (je suis averti de la barbarie de cela) ; soit en tant que personne sur laquelle on s'est essuyé et que le verbe de P. Levi a en quelque sorte protégé de l'affront. Le suicide de Primo Levi me bouleverse encore.
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E
Chez Kevin je n'ai lu que les Mémoires de de Gaulle, et encore pas tout ! Et je lirais bien, par priorité, le Cervantès et le Romain Gary - sans compter que j'ai déjà acheté le Jean Zay !Chez Olivier il faudrait que je lise au moins Si c'est un homme...
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O
Kevin et Edgar,  vos deux listes, me donnent envie de lire :le Cannetti pour la liste d'Edgarle Jean Zay pour celle de Kevin
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O
Je l'ai lu il y a très longtemps, et ce dont je me souviens surtout c'est de la chaine, de la "noyade" dans la chaine (aller plus lentement que les autres).Quand j'ai effectivement travaillé en usine, j'avais toujours ce livre en tête avec le sentiment que cela me protégeait un peu (pouvoir, au moins, mettre des mots sur ce qui m'arrivait).(une sélection, c'est forcément sélectif, avec le côté injuste de la chose et à peine avais-je pressé le 'publier ce commentaire" que je me reprochais d'avoir pris cela plutôt qu'un autre titre, etc.). J'ai trouvé, après coup, ma sélection trop intello par rapport à ce que je suis en réalité...J'ai aussi aimé que tu rappelles des lectures d'enfance, fondatrices.Le Haras de l'Oncle Erick ou Aude de Blanchenef que j'ai lus à 8 ou 9 ans avec ferveur ont probablement beaucoup compté aussi.
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K
Allez, voici ma liste (c'est dur de choisir):* Irène Curie : Madame Curie (superbe biographie de Marie Curie, par sa fille)* Romain Gary: Les cerfs-volants (un roman sur l'occupation, la resistance et l'idéalisme)* James Fenimore Cooper: Le Bravo (réflexion romancée sur la différence entre une oligarchie et une république. Dur à trouver, hélas...)* Jean Zay : Souvenirs et solitude (écrit en prison - beau, émouvant et inspirant)* Friedrich Schiller: Don Carlos (théâtre humaniste et idéaliste)* De Gaulle : Toutes ses mémoires* Jaurès: Discours* Eschyle: Prométhée enchaîné* Cervantes : Don Quichotte (LE roman)* Martin Luther King : Discours (parce qu'il n'a pas fait qu"un rêve...)Kévin 
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