12 Mai 2007
"...Les juifs ont toujours obtenu des scores montrant une intelligence très au dessus de la moyenne depuis qu'ont été testés des populations homogènes de juifs. [...] Les juifs sont à peine à la moyenne pour ce qui est des compétences spatiales et visuelles, mais très au dessus pour ce qui est des compétences orales et intellectuelles. Il est difficile de savoir de combien exactement ils sont au dessus, car il est difficile d'obtenir des groupes de référence juifs parfaitement représentatifs"...
Parvenu ici, le lecteur se demande sur quelle revue douteuse je suis tombé (d'aucuns se disent juste qu'on commence par voter non et qu'ensuite...). Gobineau, Adolf H ou autre cerveau dérangé ?
Il s'agit d'un auteur certes controversé, mais dans une revue bien sous tous rapports, libérale tendance néocons, la prestigieuse revue Commentary donc, (ici).
Charles Murray, l'auteur, consacre un long papier à la recherche des causes de l'intelligence juive (forcément génétiques puisque pour lui l'intelligence est génétique ; c'est la thèse de son premier ouvrage, The Bell Curve). Il y avance des hypothèses dont j'ai du mal à ne pas trouver qu'elles sont toutes plus farfelues les unes que les autres.
Ainsi d'une première hypothèse que, peut-être, les juifs sont plus intelligents, mais seulement les ashkénazes, résultat que tente d'établir un autre article, paru dans une revue fort honorable également. Les ashkénazes seraient plus intelligents car ayant dû résister aux agressions depuis le Moyen-âge.
Autre hypothèse pour Murray, les sépharades d'Espagne seraient la source de l'intelligence juive. Il estime qu'il faudrait la tester : "on pourrait tester l'hypothèse que chez les sépharades l'intelligence la plus vive se trouve chez ceux qui se trouvent génétiquement les plus proches des sépharades de l'Espagne au temps du Royaume de Grenade, même si ces sépharades restent moins intelligents que des ashkénazes".
Autre idée, l'intelligence juive remonterait à un épisode de l'histoire juive où, en -586, les babyloniens capturèrent et déportèrent les élites juives, pendant que les juifs pauvres (donc moins intelligents, selon Murray, c'est la même chose encore une fois) se seraient, au fil du temps, fondu dans les autres religions. Plus de deux mille ans après, les effets de cette sélection se feraient donc encore sentir...
On se demande si on rêve donc, devant tant de candeur pseudo scientifique, d'affirmations à l'emporte-pièce, telle que celle-ci : "nous avons de bonnes raisons de croire que les enfants goys élevés dans des familles juives n'acquièrent pas cette intelligence juive".
Qu'en penser ? D'une part, pour répondre au fond du sujet, que sans doute l'éducation juive n'est pas pour rien dans cette supériorité éventuelle : il n'est pas étonnant d'obtenir de bons résultats à des tests portant sur les qualités verbales et le raisonnement si dès l'enfance on a été instruit à apprendre, réciter et réfléchir à des textes sacrés. Sans doute la vision chrétienne, qui parfois se contente d'enseigner que Dieu est amour, aide-t-elle moins à développer une pensée complexe que de débattre le pour et le contre des dix commandements.
Il y a certainement des explications possibles à un phénomène vaguement démontré par Murray, sans recourir à des explications génétiques vaseuses. Je crois surtout que Murray est un ultraconservateur, pour qui :
1. les membres des élites sont les plus intelligents
2. les plus intelligents le sont du fait de leurs gênes
3. ergo, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes (en langage économique : la situation est paréto-optimale)
Tout cela peut aussi nous ramener à l'atlantisme de notre président de dans quatre jours, et à ses déclarations sur la génétique, qui seraient sans doute passées parfaitement inaperçues là bas.
J'y vois aussi un signe que contrairement à ce qu'a écrit Thomas Friedman (Le monde est plat), les sociétés occidentales ne convergent peut-être pas inéluctablement vers un mode de pensée uniforme. Je n'imagine ainsi pas qu'un tel article soit traduit dans une revue française, autrement que pour être suivi d'un papier fort critique.
Voilà cher lecteur. Le monde n'est peut-être pas si plat, et il en est sans doute mieux ainsi.