La lettre volée

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Douches froides, d'Anthony Cordier

Un beau film d'Anthony Cordier. Pas un chef d'oeuvre, il manque un peu d'unité de ton, d'un thème plus marqué, mais un beau film - un peu entre les frères Dardenne, pour le réalisme social, et Larry Clark pour le réalisme sur la sexualité adolescente.

L'histoire d'un fils de prolo travailleur dont la rencontre avec un gosse de riche met en jeu ses études, son sport favori et sa copine.

Il est bien clair que ceux du dessus du panier ne sont pas à armes égales avec ceux d'en dessous - pas question de nier l'existence de classes sociales :
l'industriel local s'achète les beaux gosses pauvres du coin, les pèse, gère leur corps et leur carrière, comme il le fait sans doute de ses ouvriers.

On voit bien aussi comment les rapports individuels se mêlent à cela pour donner des histoires qui ne sont pas stéréotypées.

C'est parfois un poil long, d'autres fois trop allusif, mais ça donne envie d'attendre le suivant.

Par ailleurs, le DVD est accompagné d'un film de sortie de la FEMIS du même réalisateur, Beau comme un camion qu'il ne faut pas rater.

Ce film-documentaire sur le réalisateur et sa famille est plus poignant encore que le film, sans doute parce qu'il est plus direct. Il pose des questions qui deviennent plus rares, à l'heure d'une société dite "sans classes" : ai-je le droit de "réussir" et de sortir de mon milieu, que devient mon frère, qui n'a pas, lui, franchi la barrière ; est-ce de ma faute ?

Questions un peu littéraires, ou abstraites, mais dont le film fait ressortir l'acuité. Lorsqu'Antony Cordier filme son père routier qui prépare son sandwich avant de partir à deux heures du matin, on se dit que l'hommage est plus réussi qu'en apercevant, sur papier glacé, en une scène brève, une déclaration de Sophie Marceau : "petite je voulais être routier, comme mon père".


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F
Oui, mais je crois que c'est parce que Soso est une vraie prolo. Le regard qu'elle porte sur la société, sur le cinéma, est un regard de camionneur. J'ai beaucoup mieux compris en lisant ta phrase pourquoi elle avait tant joué des rôles de marquise à deux balles. Parce que pour un vraie prolo la vraie "classe" (au sens où on dit "trop classe !") c'est ça. J'ai connu une valaque serbe (la plèbe de la plèbe dans les Balkans) qui vouait un culte à la monarchie et aux princes, et qui détestait tout ce qui faisait peuple (cette nana s'est lancée dans le coutmétrage récemment). C'est typique des vrais prolos qui entrevoient les lumières des paillettes. Pour rendre hommage à ses origines ou ses parents, il faut avoir suivi une autre voie, celle de l'éducation, qui sensibilise aux injustices de la domination et font refuser le clinquant. C'est la voie "petite bourgeoise", que la petite Marceau n'a pas eu la chance de connaître au sortir de ses premiers succès avec "la boum".
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E
d'accord avec toi, mais elle n'a jamais rendu un hommage aussi explicite à ses parents que celui de cordier. et sa phrase était en regard d'une photo où elle était habillée haute couture, qui détonnait.
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F
Bin moi, c'est ta dernière phrase sur Sophie Marceau qui me touche beaucoup. Quand on pense à tous les gadins qu'elle a ramassés dans sa carrière, tous les navets qu'elle a tournés, l'image de cruche qu'elle retire de tout ça, une aussi jolie fille si prometteuse à l'origine (et par ailleurs encore très populaire chez les caissières de Prisu), on se dit qu'une bonne partie de ses rattages ont peut-être quelque chose à voir avec le fait qu'elle n'est pas née au bon endroit. Tout le monde ne peut pas être fille de deux grands comédiens comme le fut Mme Catherine Dorléac-Deneuve.
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