Depuis plusieurs mois, une fondation inconnue, l'ESAG (
European Security Advocacy Group), fait de la publicité contre le terrorisme. Le Journal du dimanche, Libération, pour ce que j'ai pu en voir, mais il y en a sans doute d'autres, publient régulièrement des encarts émanant de cette organisation, avec pour but de sensibiliser les populations à la lutte contre le terrorisme.
(Pour voir la collection complète des bulletins publiés :
http://esag.info/article.php3?id_article=80 )
On y trouve des appels à la vigilance contre le terrorisme pour "
vous aider à vous impliquer dans la lutte."
Quelques extraits significatifs :
L'Europe est en retard contre le terrorisme : "...
En Europe, les opérations d'Al Quaida [sic] se sont développées plus vite que dans toute autre partie du monde. Un seul chiffre : dans les deux années qui ont suivi le 11 septembre 2001, plus de 200 terroriste présumés ont été arrêtés en Europe - plus que sur les autres continents..." Que l'on sache cependant, les arrestations peuvent aussi être preuve d'efficacité, et le bilan du terrorisme reste, à ce jour, plus lourd aux Etats-Unis qu'en Europe.
Les nations ne doivent pas résister à l'Europe : "...
l'Union Européenne a proposé par exemple que les forces de police nationales soient autorisées à faire la chasse aux terroristes qui fuient se réfugier dans un pays voisin. Mais les lois de certains pays n'ont pas encore été modifiées dans ce sens..." Il n'est peut être pas apparu aux obscurs commanditaires de cette propagande abjecte que les pays en question ont peut-être des réserves sur l'opportunité d'adopter telle ou telle politique privatrice de libertés - car c'est aussi bien souvent de cela qu'il s'agit en la matière.
Bref, cette campagne veut inciter à toujours plus d'Europe pour toujours plus de mesures anti-terroristes (simple rappel, le texte du projet de traité comprenait onze mentions du terrorisme ou des terroristes).
En quoi est-ce gênant ? C'est gênant d'une part parce que ces encarts n'apportent aucun élément précis au débat. Ensuite parce que les mesures préconisées, d'ordre à la fois législatif et européen, n'apporteront pas forcément plus d'efficacité qu'une organisatioin policière efficace (il a suffisamment été dit au moment du 11 septembre que les polices européennes auraient sans doute été plus efficaces que la police américaine pour arrêter ces attentats).
Enfin, il est très gênant qu'une campagne aussi organisée, coûteuse et pérenne, émane de parfaits inconnus. Voilà les renseignements qu'on peut trouver sur cette organisation sur le site
www.esag.info : "
Le conseil d’administration actuel représente six pays différents [...] la Fondation ESAG ne révèle pas les noms des personnes ou des organisations qui consacrent leur temps et leurs ressources financières à cette cause." De vagues problèmes d'assurance sont invoqués pour justifier que même la nationalité des membres du Conseil d'administration ne soit pas diffusée ! Pourrait-on découvrir à cette occasion qu'un, deux ou six américains se seraient glissés parmi eux ? Voilà des personnalités qui ont de quoi financer la parution de plus de soixante encarts publicitaires dans la presse européenne et ce pendant plusieurs mois et qui ne peuvent même pas annoncer leur nationalité par peur de problèmes avec leur assureur ?!
Pourquoi donc ne pas voir la main de la CIA dans cette campagne. Après tout, cela ne fera que confirmer le fait que les USA soutiennent évidemment la construction européenne et un élargissement à tout crins (Turquie, Ukraine...) Et il ne faut pas s'interdire de temps en temps de voir un complot, ou de la propagande, quand on l'a sous les yeux (on peut lire aussi la lettre volée, fameuse nouvelle d'Edgar Poe, aux Etats-Unis comme ailleurs).
Enfin, dans
Irak, le chaudron cassé, Slavoj Zizek écrit :
"aujourd'hui, le rejet critico-idéologique, plein de suffisance, dont sont victimes tous les complots, traités en simples fantasmes, pourrait bien constituer l'idéologie suprême..." Dernière raison de réfléchir un peu au sens et à l'origine de cette vaste campagne, au sujet de laquelle les journaux, concernés ou pas, devraient également s'interroger, pour, éventuellement, refuser de prêter concours à une entreprise de manipulation.
18/1/2006 : trouvé
un article d'Infoguerre là dessus, qui confirme un lien vraisemblable avec les services américains