La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Ségolène invente l'eau tiède

"...dans une réforme institutionnelle, il faudra clarifier et préciser la façon dont les élus pourraient être obligés de rendre des comptes à intervalles réguliers, avec des jurys de citoyens tirés au sort et qui évaluent les politiques publiques, non pas forcément dans un sens de sanction, mais pour améliorer les choses..." Ségolène citée par Birenbaum

Ca tombe bien, ça s'appelle un compte rendu de mandat, toutes les bonnes mairies font ça, avec un intérêt fort variable. Mais c'était pas assez chic de dire "on va étendre les compte rendus de mandat à tous les élus", on a donc droit à un truc aussi glamour que vaporeux, qui nous fait espérer passer nos élus devant un jury populaire.

On frise l'escroquerie élective...

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P
<br /> CROISIERE<br /> <br />  <br />  <br /> J'aurais aimé appeler ce conte<br /> "La traversée des apparences"<br /> mais le titre était déjà pris.<br />  <br />  <br />  <br />  <br />  <br />  <br /> Le plus grand paquebot de l’époque faisait route dans l’Atlantique Nord, pour une croisière inaugurale entre l’Europe et le Japon par le Passage du Nord Ouest.<br /> L’armateur avait choisi de faire une croisière à thème, genre Forum de Davos ou Forum de l’OCDE.<br /> Tout le gratin de la finance et de la politique était là. Pour faire bien, on avait aussi invité des leaders syndicaux, et des représentants des ONG. La presse et les leaders d’opinion étaient évidemment dans le coup.<br /> Entre deux tables rondes, qui en fait se déroulaient sur une table allongée placée bien vue sur une estrade devant un parterre de fauteuils confortables pour la sieste, les passagers se retrouvaient devant des buffets fastueux. Il faut bien que le corps exulte. Des fontaines de champagne faisaient la démonstration de l’excellence du système antiroulis dernier cri qui équipait le navire. <br /> Le soir, selon la grande tradition, on s’habillait pour dîner. L’orchestre jouait des airs à la demande, et les danseuses du Crazy passaient entre les tables pour récolter des fonds au profit de l’adolescence malheureuse.<br /> L’organisateur jubilait. La collecte marchait bien. Beaucoup mieux que celle qu’il avait organisée sur une autre croisière, pour laquelle il avait engagé une troupe de danseuses orientales. Le public, il est vrai, était cette fois là en majorité composé de ressortissants Français et Suisses adeptes des associations fondées par Tariq Ramadan. Cible trop étroite. Une erreur de marketing.<br /> * * *<br /> Dans le poste de commandes, l’enseigne de vaisseau Noël Laverdure était de quart. Il avait enclenché le pilote automatique pour le cap 120° Nord. Le rayon bleuté des radar balayait<br /> les écrans de veille. Aucun point suspect à l’horizon. L’enseigne Laverdure y jeta un coup d'œil désabusé. Il se tourna vers le pupitre des écrans de vidéo surveillance. Ce système avait été rajouté dans le cadre du plan Vigie Pirate, afin de détecter tout rassemblement suspect, conversation séditieuse ou signe de mutinerie. On pouvait écouter et observer toutes les zones sensibles du bateau.<br /> Le dîner de gala en était aux entremets glacés. Le personnel de service impeccable.<br /> Les salles de conférences étaient presque aussi vides que l’Assemblée Nationale en séance de nuit. Seuls quelques drogués de la parole n’arrivaient pas à lâcher le micro.<br /> Sur le pont couvert supérieur, encore plus désert, on devinait deux ombres errantes. Sans doute des noctambules à la recherche de l’âme sœur.<br /> Laverdure allait zapper, quand un début de conversation retint son attention :<br /> <br /> Bonsoir Madame, permettez moi de me présenter, je suis Nicolas Romanov Koraszy.<br /> Enchantée, je suis Marjolaine Loyal.<br /> C’est joli Marjolaine !<br /> Flatteur ! Vous pouvez abréger. Appelez moi Séjolaine.<br /> <br /> Laverdure força le son<br /> <br /> <br /> Séjolaine Loyal ? Mais je vous reconnais. N’êtes vous pas Présidente du Conseil d’Administration du Beurre de Charente-Poitou ?<br /> Exact. Et vous même, n’êtes vous pas le Secrétaire Général de la société de surveillance SECURITAS ?<br /> Entre autres fonctions. C’est bien moi.<br /> Quelle étrange coïncidence, cette croisière à thème mérite bien son titre "  Equilibrer la mondialisation ". Elle permet à deux adversaires politiques de se rencontrer en terrain neutre.<br /> C’est sûr, mais nous n’allons pas refaire tous les deux notre petit forum privé. Parlons plutôt de nos perspectives d’avenir. On dit que vous n’avez pas de programme ?<br /> C’est vrai. Mais je ne suis pas une idiote, et il ne faut pas se fier à mon air angélique. Je mène mon monde à la chambrière.<br /> J’aurais du y penser, vous tenez ça de votre père. Une grande famille du cirque, je crois.<br /> Ah, ah, ah ! Trop facile ! J’attendais mieux de vous. La démocratie a besoin de sang nouveau. On dit que je n’ai pas de programme, mais justement mon programme c’est de ne pas en avoir. Etre pragmatique, exercer mon intuition féminine en fonction des circonstances. En quelque sorte, piloter à vue de nez comme Blair.<br /> Je commence à comprendre comment vous concevez l’exercice du pouvoir. <br /> Les gens en ont assez qu’on leur promette la lune et qu’on ne leur donne même pas le premier quartier. Mes amis politiques ont dans leurs tiroirs des programmes en cent quatre vingt points. Il n’y a qu’à puiser. En ce qui me concerne, vous pensez bien que je ferai le tri. Je dois donner l’image de la rupture avec les éléphants du parti.<br /> Moi je n’ai pas besoin d'antisèches. Je fourmille d’idées, si possible non conformistes, et je les annonce sans attendre. J’ai retenu la leçon des grands révolutionnaires professionnels, Lénine, Hassan el Banna : le terrain, le terrain et encore le terrain.<br /> Je comprends, on dit que vous appréciez les penseurs intégristes et que vous avez donné un grand lit à leurs associations.<br /> Je ne pouvais pas faire moins. Ils sont plus démocrates que moi. Leur conception de la famille est très saine. Dommage que tout le monde ne le voit pas comme ça.<br /> Quelle horreur ! Ils veulent maintenir la femme au foyer sous l’autorité du mâle. Moi je suis pour la fidélité dans l’union libre. Et j’en donne la preuve dans mon ménage. Quatre enfants avec Francis le Batave, c’est une référence. Quant à l’autorité du mâle, il suffit de savoir qui porte la culotte. Ce n’est pas un problème.<br /> Comme c’est édifiant. Je vous envie tous les deux. Chez moi c’est plus agité. Je suis un hyperactif, descendant d’immigrés, et j’ai bossé pour parvenir où j’en suis. Je voudrais que tous les jeunes des banlieues puissent faire de même. Il ne faut pas se voiler la face, ce sera dur. Ceux qui n’aiment pas la France n’ont qu’à s’en aller.<br /> Avez vous pensé à la grave crise de la natalité que cela entraînerait ?<br /> Pas de problème. J'annoncerai la reprise d’une politique nataliste qui nous assurera le soutien des catholiques. En fait ce serait pratiquement à dépense constante, mais on ne serait pas obligé de le crier sur les toits.<br /> Pour vous, seulement l’effet d’annonce compte.<br /> Les faits d’annonce sont essentiels. A notre époque, on ne peut plus s’en passer pour gouverner. Partout il faut anticiper. Voyez la Bourse, tous les indicateurs objectifs sont au rouge et pourtant elle n’en finit pas de grimper. Nous, les dirigeants, devons tendre avant chaque grande échéance électorale à ce qu’il en soit de même de l’opinion publique à notre égard,. Tous les boursiers savent que les cours ne grimpent pas jusqu’au ciel, et les plus avertis savent se retirer à temps, laissant au grand public le soin de faire les frais des éclatements de bulles et autres corrections salutaires. Nous savons bien que la popularité qui nous porte démocratiquement au pouvoir s’effrite dès que nous l’exerçons.<br /> Je vous suis tout à fait, et c’est pourquoi l’homme ou la femme de pouvoir doit en faire assez mais pas trop. L’excès en tout est fatalement sanctionné.<br /> <br /> <br /> <br /> Bien d’accord, les plus malins en politique exercent le pouvoir avec discernement : faire savoir qu’on fait vaut mieux que faire des mécontents. Pour un Américain, traiter un dirigeant de " doer " est un compliment, pour un Français, le traiter de " faiseur " est une injure . Je suis un pragmatique, au lieu d’attendre que les circonstances me donnent l’occasion de réagir, je provoque les circonstances et je médiatise.<br /> <br /> <br /> En clair, vous aspirez à régner en despote absolu. Nicolas III, ça sonnerait bien !<br /> Pas absolu, hélas, c’est dépassé ! Mais en despote éclairé, je ne dis pas non.<br /> Eclairé par les flash des photographes et les sunlights de la télévision !<br /> Il faut bien vivre avec son temps. Le peuple nous voit à travers les médias. Nous ne pouvons pas le décevoir. <br /> <br /> <br /> Bravo ! Et quel positionnement visez vous sur l’échiquier politique ? <br /> <br /> <br /> On dit que je suis à gauche de la droite.<br /> Et moi à droite de la gauche. Serions nous au centre ?<br /> Malheureuse ! Vous n’y pensez pas, le centre c’est de l’eau tiède. Mon centre est entraîné par un d’Artagnan, grand donneur de leçons, mais qui s’est illustré par l’éclat de ses inactions lors de son bref passage aux affaires du royaume.<br /> Alors, il ne vous gênera pas.<br /> Je l’espère bien. En tous cas, si je suis élu, j’en ferai un ministre des anciens combattants, ça lui ira très bien.<br /> Mais à part ces petits détails, quel est votre cœur de cible dans l’électorat ?<br /> Je suis éclectique, je pêche à droite avec SECURITAS, et je pêche à gauche en donnant des gages à toutes les communautés minoritaires qui se cherchent un champion.<br /> Moi je pêche à gauche grâce à mon image de femme libre encore jeune, et je pêche à droite en défendant les valeurs traditionnelles et en faisant miroiter mon absence de programme de gauche, ce qui rassure le patronat.<br /> Au fond, notre problème commun ce sont les jeunes et les retraités. Les premiers sont toujours un peu trop pressés de commencer dans la vie, et les seconds un peu trop pressés de ne pas en finir.<br /> Dans mon cas, au moins pour cette fois, et malgré le renouvellement favorable de leur porte-drapeau, les sirènes anarchistes ne devraient pas dépasser cinq pour-cent. Le parti ouvrier est structurellement en perte d’influence, et puis ils ont eu le tort de prendre comme champion une femme, estimable certes, mais pour le look y-a-pas photo !<br /> Pour moi, c’est un peu pareil. D’un coté, j’ai les gros bataillons de retraités et de petits épargnants qui suivent la droite nationaliste. Heureusement la relève des générations n’est pas trop inquiétante, et les leaders historiques sont assez usagés. De l’autre coté, j’ai les partisans du d’Artagnan centriste. Si je joue en finesse, les bourgeois modérés hésiteront à voter pour un " loser ", qui n’existerait pas sans ses rodomontades à répétition.<br /> Moi aussi, je dois compter avec les éléphants de mon propre parti. Ils vont me lancer des peaux de bananes, mais je serai informée. Je me poserai en victime à la face de l’opinion. C’est très à la mode en ce moment, et ça pourrait rapporter gros.<br /> Vous avez tout à fait raison. Je viens moi même d’employer le procédé. Ça marche tellement bien que j’ai suscité des suiveurs. Enfin, une suiveuse.<br /> <br /> * * *<br />  <br /> L’enseigne Laverdure était complètement scotché au pupitre de vidéosurveillance. Il en avait complètement oublié les écrans de veille radar.<br /> Marjolaine et Nicolas s’activaient maintenant à ranger les chaises longues sur le pont. Elle de droite à gauche et lui de gauche à droite. Pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre leurs deux praxis. <br /> L’orchestre entama " Reviens veux tu... ". <br /> <br /> Accordez moi cette danse dit Nicolas.<br /> Avec joie répondit Marjolaine. Elle portait de gracieuses ballerines dorées.<br /> <br /> Une fois debout, elle ressentit une pulsion de mante religieuse.<br />  <br /> A ce moment, le paquebot se fracassa contre un iceberg non identifié.<br /> Les hommes sont bien frivoles. On se souvient du nom des navires perdus en mer. Les icebergs de la destinée restent anonymes.<br />  <br /> Paris, mai 2006<br /> Copyright  © PJMB 2006 Tous droits réservés<br /> Voir d'autres CONTES et NOUVELLES sur mon site www.pjmb.fr<br />  
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P
Je vous invite à lire un de mes contes et nouvelles, un peu grinçant,  sur ce même personnage:<br /> CROISIÈRE<br /> Le plus grand paquebot de l’époque faisait route dans l’Atlantique Nord, pour une croisière inaugurale entre l’Europe et le Japon par le Passage du Nord Ouest.L’armateur avait choisi de faire une croisière à thème, genre Forum de Davos ou Forum de l’OCDE.Tout le gratin de la finance et de la politique était là. Pour faire bien, on avait aussi invité des leaders syndicaux, et des représentants des ONG. La presse et les leaders d’opinion étaient évidemment dans le coup.   lire la suite ...
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O
Je suis étonné qu'elle ne fasse que vous irriter.
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E
Je deviens cynique. La construction européenne d'aujourd'hui est une machine folle, qui va nous conduire à payer l'électricité produite avec du nucléaire au prix de l'électricité des centrales à charbon, la BCE s'apprête à monter les taux alors qu'on a en France 1,2% d'inflation et un euro qui monte et toute la gauche de gouvernement trouve cela merveilleux et a appelé à voter oui l'an dernier.de ce point de vue, DSK n'est pas mieux que Ségolène, il est même encore plus coupable parce qu'il est censé comprendre ce qui se passe, dans le domaine économique. Fabius est même timide de ce point de vue là.en plus, quand on prend ce genre de positions très critiques on se fait vite remballer sur le thème vous êtes d'affreux gauchistes crypto-nazis.je suis sur le créneau étroit des sociaux démocrates qui n'ont rien contre le marché, mais trouvent que la construction européenne est une machine non démocratique plutôt aveuglément libérale. on est pas nombreux sur ces positions.donc ségolène là dedans, je n'ai pas de raison particulière de lui en vouloir. d'un point de vue campagne électorale, elle est même très efficace. Chez DSk, la seule chose qui me plaît c'est qu'il ait Piketty dans son staff.
J
Ah bon ? Faudrait savoir. Fabius a dit que cette proposition revenait à "épouser une espèce de populisme qui ferait le lit de l'extrême droite" Je m'y perds dans les saillies anti-Ségolène de plus en plus contradictoire. Hier encore, mon ami Mélenchon  qui titrait il y a peu d'un anxiogène Et maintenant les 35 heures ! s'est mis tout d'un coup à revendiquer la paternité de cette critiques de l'application des 35 heures : Même Ségolène Royal fait une critique de gauche de l'application des trente cinq heures. D'ailleurs je pense que Julien Dray et Yann Galut ont dû lui donner les 75 amendements que Gérard Filoche avait écrit pour nous, les parlementaires de feu la Gauche Socialiste de l'époque, quand le débat a eu lieu dans les deux assemblées (tous avaient été bloqués... par la présidence du groupe socialiste à l'assemblée,celle du Sénat m'en concédant sept!)
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E
je crois que l'attaque de Fabius passe un peu à côté de ce qui est vraiment critiquable chez Ségo, même si elle est fondée.Là où Ségolène continue dans l'esbrouffe c'est qu'elle baptise "jurys populaires"  (et on peut voir du populisme dans l'idée que de tels jurys seraient nécessaires) des machins dont tout indique qu'en réalité ce ne seront que de simples comptes rendus de mandat devant une assemblée de gens tirés au hasard.encore une fois, ségolène propose des gadgets et ses adversaires se plantent en les critiquant sur de mauvaises raisons, alors que la seule vraie critique c'est que la plupart des mesures proposées par ségolène, ça ne coûte pas cher mais ça ne sert à rien.