La lettre volée

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Alain Finkielkraut sur l'enseignement de l'histoire à la Sarkozy

C'est sur Causeur.fr, un entretien intéressant, avec une position courageuse et nuancée d'Alain Finkielkraut : l'idée de Sarkozy n'est pas idiote, mais ce n'est pas à lui de l'avancer, pas à cet endroit et pas maintenant.


Extraits :


Un autre élément doit être pris en compte, c’est le souci d’arracher les disparus à l’anonymat. Ils sont morts en tant que numéros. Les nazis, comme le rappelle Aharon Appelfeld, “ne demandèrent jamais à quiconque qui il était ou ce qu’il était”. Ils gazaient directement les uns et tatouaient des chiffres sur les bras des autres. Si nous n’avons de mémoire que statistique, nous perpétuons d’une certaine manière la déshumanisation dont ils ont été victimes. C’est une bonne action de leur rendre un visage.

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L’erreur fatale de Nicolas Sarkozy a été d’annoncer cette mesure au dîner du CRIF, sans voir qu’il se mettait en contradiction avec lui-même. D’un côté, il affirmait : “l’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs mais le problème de la République” ; de l’autre, il semblait, alors qu’on ne lui demandait rien, donner satisfaction à la revendication mémorielle de la communauté juive. Et maintenant, à qui le tour ?
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Aussi fondées soient les critiques adressés à l’idée de Sarkozy, ce que je sens percer à travers ces critiques, c’est une lassitude, une exaspération, à l’égard de la Shoah. On reproche souvent aux Juifs de voir l’actualité à la seule aune de leurs intérêts communautaires – “c’est bon pour nous ?”. Aujourd’hui, il faut oser le dire : la mémoire et l’histoire de la Shoah, ce n’est pas bon pour les Juifs.

Je suis gêné en revanche par le fait que Finkielkraut rejette ceux qui opposent le souci mémoriel de Sarkozy à sa politique d'expulsions. Certes, les expulsions ne sont pas comparables à une politique d'extermination. Mais la volonté de faire du chiffre aboutit à des situations indécentes, comme le rappelle cette histoire d'arrestation d'un futur marié, dans Libération de ce matin.


Cf. aussi ce témoignage, toujours dans Libé, sur le poids de la mémoire.









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E
Olyvier, je n'avais pas ça en tête, mais c'est aussi vrai et c'est aussi sans doute ce pourquoi Finkielkraut peut conclure en expliquant que la mémoire et l'histoire, ce n'est pas bon pour les juifs.
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O
au sujet du lien avec les sans-papiers :La question que tu poses, n'est-ce pas celle-ci : figer la communauté juive dans un souvenir devenu abstrait et obligatoire, est-ce que ça n'est pas aussi désamorcer la capacité de critique sociale et politique, de mise en question, que permet le judaisme ? Qu'en est-il de l'accueil de l'étranger, actually et actuellement, et quel sens peut avoir une commémoration qui n'interroge pas le présent ? Faire des juifs des victimes, et seulement des victimes, c'est oublier et faire oublier qu'ils sont nos concitoyens, ici et maintenant  - et que l'interrogation talmudique, l'aride interrogation talmudique, doit continuer de résonner en République.
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O
Merci d'avoir trouvé cet entretien. C'est bien Causeur.Je me permets de souligner un passage de l'entretien qui me cause plus particulièrement (il me semblerait presque que c'est mon père défunt qui me parle quand je lis ces lignes prononcées par Finkielkraut) ; je pense aussi, et c'est ici que je te considère comme un ami, vraiment (aussi étrange que cela soit) que ce passage-là te parle aussi plus particulièrement :Si je devais pour ma part parler de l’extermination devant des élèves, enfants ou adolescents, je commenterais l’une des innombrables photographies où l’on voit des soldats nazis entourer un vieux Juif et rire à gorge déployée pendant que l’un d’entre eux lui coupe la barbe ou les papillotes. Cette hilarité, cette brutalité, c’est la négation de l’humanité à l’œuvre. Et l’enfant, s’il y prête attention, s’identifiera au vieillard. Il comprendra de surcroît qu’il y a toutes sortes de rires et qu’il faut, pour accéder au rire de l’humour, se soustraire à l’obscénité fusionnelle du rire barbare.
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