18 Février 2008
Un autre élément doit être pris en compte, c’est le souci d’arracher les disparus à l’anonymat. Ils sont morts en tant que numéros. Les nazis, comme le rappelle Aharon Appelfeld, “ne demandèrent jamais à quiconque qui il était ou ce qu’il était”. Ils gazaient directement les uns et tatouaient des chiffres sur les bras des autres. Si nous n’avons de mémoire que statistique, nous perpétuons d’une certaine manière la déshumanisation dont ils ont été victimes. C’est une bonne action de leur rendre un visage.
L’erreur fatale de Nicolas Sarkozy a été d’annoncer cette mesure au dîner du CRIF, sans voir qu’il se mettait en contradiction avec lui-même. D’un côté, il affirmait : “l’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs mais le problème de la République” ; de l’autre, il semblait, alors qu’on ne lui demandait rien, donner satisfaction à la revendication mémorielle de la communauté juive. Et maintenant, à qui le tour ?
Aussi fondées soient les critiques adressés à l’idée de Sarkozy, ce que je sens percer à travers ces critiques, c’est une lassitude, une exaspération, à l’égard de la Shoah. On reproche souvent aux Juifs de voir l’actualité à la seule aune de leurs intérêts communautaires – “c’est bon pour nous ?”. Aujourd’hui, il faut oser le dire : la mémoire et l’histoire de la Shoah, ce n’est pas bon pour les Juifs.