La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Pierre Mendès France, Eric Roussel - I

Mes notes sur des bouquins sont parfois longues, surtout quand j'ai aimé. Pour ne pas vous assommer - et prendre trop de temps à votre employeur, vos conjoints, enfants, animaux domestiques et autres hobbies divers plus ou moins lucratifs -  je publie celle-ci en quatre parties. J'ajouterai une version complète à la fin, en PDF ou en billet complet, je ne sais pas encore. Allons-y donc...


Une très intéressante biographie, quoiqu’un peu édulcorée à mon goût. De Gaulle et Mendès France sont sans doute les hommes politiques français les plus héroïques du XXème siècle. Le premier a d’abord conduit l’aventure de la France libre (à laquelle le second a participé, y compris sur le champ de bataille aérien), puis a créé les bases de la constitution française qui nous régit aujourd’hui. Mendès France n’a présidé aux destinées de la France que l’espace de huit mois, mais a presque aussi profondément marqué les esprits. Mendès France est une référence morale et politique encore aujourd’hui - sans doute cependant eu terme d'une sorte d’affadissement du personnage, jusqu’à Raffarin qui s’y est référé.

Trois points sont, à la lecture de ce livre, importants pour comprendre l’homme et l’attachement qu’il suscite encore. Il a tout d’abord été un politique visionnaire, avec une conception noble de la chose. Ensuite, cette noblesse est exprimée à travers un attachement profond qu’il portait à un système parlementaire mort en 1958 – Mitterrand sut transférer sa méthode d’action politique dans les institutions de la Vème, Mendès France ne le voulut pas. Enfin, dernier point, il existe une sorte de complaisance et de méconnaissance qui permet à n’importe qui de se dire mendésiste en 2007, comme un Barnier peut se dire gaulliste.

La noblesse de Mendès France vient de son attachement viscéral à la pâte humaine. Extrêmement sensible sur un plan personnel – parce qu’il a souffert souvent de l’antisémitisme mais aussi sans doute par tempérament (on le voit déchirant le tailleur de sa femme parce qu’elle a eu le malheur de se séparer d’un de ses vieux costumes) -, il a toujours à cœur de comprendre les répercussions concrètes des politiques qu’il prône.

Elu très tôt (à 25 ans !) d’une circonscription rurale, il sait concilier une défense de, principe, du libre échange, avec la nécessité de mécanismes de protection spécifiques et temporaires en matière agricole. Face aux intérêts coloniaux en 1954, il a conscience que l’intransigeance des partisans de la plus grande France sera payée, non par ces avocats du jusqu'au-boutisme, mais par les familles françaises implantées là bas depuis deux ou trois générations. Lorsque le traité de Rome est négocié, il vote contre en refusant la suprématie du marché et d'institutions technocratiques.

Ce souci permanent de l’humain n’est pas pour autant synonyme d’abandon à la facilité : au sortir de la guerre, Mendès France défend, face à Pleven, une solution audacieuse d’échange des billets anciens, associée à une réduction de la masse monétaire. La noblesse de Mendès France réside ainsi dans sa capacité à allier compétence et humanité, là où nombre de ses successeurs n’ont eu qu’une intelligence sans but ou une humanité sans principe.


à suivre, après-demain...

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