La lettre volée

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François Bayrou, entre Mendès France et Jean Monnet

La lecture de la  biographie de Pierre Mendès France par Eric Roussel m'a confirmé dans la conviction que Bayrou ne pourra faire carrière sans choisir son camp, droite ou gauche : entre parti radical et MRP, il y a déjà eu deux centres, l'un de gauche, l'autre de droite.

PMF, en effet, a commencé sa carrière au Parti radical, parti modéré durant tout le XXème siècle - même si ce parti a commencé très à gauche. En refusant les voix communistes en 1954, en n'adhérant jamais à la SFIO (il préfère rejoindre le PSU à la fin des années 60), Mendès France offre une figure de centriste presque parfaite. Le parti radical a longtemps joué ainsi un rôle de parti centriste de gauche.

En face, le MRP a constitué  un parti centriste de droite. Entre ces deux branches centristes, la seule carrière de PMF  montre que les conflits ont été nombreux.  Mendès France, comme le parti radical, sont favorables  au Front Populaire,  dans les années 30, alors que le Parti Démocrate Populaire (notice wikipédia intéressante et bien faite), ancêtre du MRP, s'y oppose.

Après la guerre, c'est sur la question européenne que l'on peut repérer un autre clivage entre ces deux branches du centrisme : Edouard Herriot, Pierre Mendès France et les républicains du parti radical sont généralement opposés à ce technocentre/technopole qu'est déjà le projet européen, alors que le MRP est farouchement européen.

Pour simplifier, on peut juger que le MRP finit par tomber du côté de l'ordre, et des possédants, le parti radical restant, lui, dans le camp des partageux.

Si Bayrou ne choisit pas son camp, et continue à se dire centriste, je n'imagine guère son positionnement durer au delà de la nécessité de se protéger de Sarkozy : Sarkozy parti, Bayrou peut être le champion de rechange de la droite.

Une autre possibilité serait pour Bayrou de jouer un rôle apolitique, à la Jean Monnet, de technocrate de l'ombre, gérant les états comme des sociétés anonymes, dans le secret des conseils d'administration. Bayrou n'est pas parti pour cela, il a trop le goût des estrades, ou, pour être plus positif, et sans doute plus vrai, il a trop la volonté d'en appeler à l'intelligence collective.

En cela, Bayrou se rapproche de Pierre Mendès-France. PMF n'a jamais, à aucun moment de sa carrière, accepté le jeu des pouvoirs occultes et des combinaisons. La raison du pouvoir, sa force, sa légitimité, n'est tirée pour PMF, que de l'opinion - pas d'une politique des petits pas qui se donne cinquante ans pour changer une chèvre en poule, morceau par morceau, contre l'avis du fermier.

Bayrou peut donc continuer sa glissade et devenir, pourquoi pas, le leader d'une gauche rénovée.  Il a des atouts pour cela : une proximité avec José Bové, comme ex-admirateurs de Lanza del Vasto ; la gauche est en déroute. Il lui manque de dénoncer clairement le projet européen pour ce qu'il est : une machine  tyrannique.

Il y a une bonne part de wishful thinking dans cette approche, certes. Le plus probable est que Bayrou s'impose, dès que Sarkozy faiblira, comme le leader de rechange à droite. Il lui faudra, de toute façon, choisir son camp, sauf à entrer dans le circuit techno-européen.











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E
Les équivalents-communistes sont encore là (LCR, LO), et savoir ce que l'on en fait reste la grande question à gauche : Jospin leur offrait un strapontin trop évidemment factice, Fabius les convoite un peu trop tardivement pour être crédible, mais la plupart du PS "centriste" ne sait quoi en faire, voire les rejette explicitement.Or on ne peut pas faire, à gauche, sans eux. Et je ne crois pas que l'on puisse faire au centre. C'est ce qui me retient d'adhérer au Modem !
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F
Bonjour,<br /> c'est intéressant mais l'exemple de PMF est-il si probant ?<br /> A l'époque où le PCF était à 25%, il était impossible d'être "(social)-démocrate anticommuniste" - et de gouverner. En France. Mais pas ailleurs. Et, me semble-t-il, pas aujourd'hui.<br /> Pour moi, la chute du Mur de Berlin entraîne la fin de cette dualité fatale droite-gauche ; je regrette que les centristes et les rocardiens ne l'aient pas vu à l'époque (... moi non plus à l'époque, en fait).
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