La lettre volée

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A la recherche du meilleur système de santé

Une fondation américaine a publié l'an dernier un rapport comparant les mérites du système de santé américain à ceux d'autres pays industrialisés (rapport modestement intitulé Why not the best ?)

Le rapport est intéressant, on y redécouvre que le système de santé américain est très couteux et peu performant.

Dans l'ensemble, les auteurs du rapport attribuent une mauvaise note au système américain
(pour les sceptiques qui vont rechercher des origines mélenchonistes à ces données, le document était signalé dans la revue ultraconservatrice Forbes). Le rapport vise à comparer les résultats américains aux meilleurs résultats obtenus dans 26 pays développés, et attribue une note finale de 66% aux Etats-Unis.

En matière d'espérance de vie en bonne santé à 60 ans, les USA ont 16,6 années, contre 19,1 pour leurs trois meilleurs "concurrents" (Japon , Suisse et France). Pour la mortalité infantile, les USA sont à 7 décès pour 1 000 naissances vivantes, contre 2,7/1 000 aux trois meilleurs.

En plus, tout ça coûte cher, et les USA "bénéficient" du système le plus coûteux en frais de gestion, puisque 7,5% des dépenses passent en frais de gestion, contre 1,9% en... France.

health-spending.jpg

Conséquence de ces coûts élevés, nombre d'américains ont du mal à payer leurs dettes en matière  de santé (% des 19-64 ans ayant du mal à payer). Evidemment ces difficultés touchent les plus pauvres (47% contre 16% chez les heureux du monde) et, puisqu'on est aux USA, ce sont aussi les noirs qui ont du mal, plus que les blancs.


19-64.jpg



Un autre document du Commonwealth fund donne quelques chiffres intéressants pour des comparaisons USA / France :

Page 14 :  Les USA dépensent près du double par habitant en matière de santé
Page 16 : sur la période 1994-2004, les dépenses médicales progressent moins vite en France que dans la moyenne de l'OCDE
Page 19 : les américains dépensent 4 fois plus en frais non remboursés (out-of-pocket)
Page 21 : les frais de gestion du système de santé sont le plus élevé, en pourcentage des sommes gérées, aux Etats-Unis, puis en France (ce qui contredit le graphique ci-dessus, à mon avis ce deuxième graphique doit comprendre d'autres dépenses)
Page 38 : les américains font, en moyenne, quatre visites chez un médecin par an, contre presque sept en France
Page 40 : les américains sont ceux qui dépensent le plus en médicaments, avec les français juste derrière.


Moralité :

- la concurrence n'est pas toujours synonyme d'efficacité. Le Commonwealth Institute mentionne explicitement que l'assurance médicale intégrée (un système de monopole, no less) coûte moins cher que les contrôles et le marketing que sont obligés de mobiliser des assureurs en compétition ;

- les USA peuvent encore se regarder en face, se comparer à d'autres pour chercher des moyens de s'améliorer. Le français moyen, instruit par le Commissariat au flan, n'a plus, lui, qu'à atteindre les objectifs de Lisbonne puisque c'est là l'alpha et l'oméga de la politique économique, voire de la politique tout court ;

- la concurrence entre les nations n'est pas un mal, c'est un bien pour tous. Les européens ouistes s'effraient de chaque différence entre les 27, ils ont bien tort. Mieux vaut une concurrence régulée qu'une plate uniformité (voilà que je fais du Zaki Laïdi maintenant...)

Au final, il faut savoir moduler concurrence au sein d'une nation et concurrence entre les nations, le tout avec une approche comparative sérieuse (pas de la bouillie pour chats), pour recommencer à faire un peu de politique.











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E
Tu as bien raison de dsitniguer comparaison et concurrence. Mais pour comparer il faut qu'il y ait diversité. Or, même si la Commission ne s'intéresse pas aujourd'hui à la santé (pas énerver Sarko Ier), qui dit que demain la Générale de Santé n'ira pas, avec d'autres prestataires privés, expliquer que les services publics de santé ça commence à bien faire ? jusqu'à récemment personne n'imaginait que la Commission remettrait en cause le monopole public sur les jeux d'argent.je ne comprends pas qu'on puisse encore accorder un quelconque crédit à cet organe, spécialement lorsqu'il s'agit de services publics !
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F
Pour avoir fréquenté la DG Santé de la Commission, je n'ai jamais eu l'impression qu'elle souhaitait réorganiser le financement de la santé dans les Etats-membres. Ce qui intéresse la Commission (et c'est la mission que lui ont fixé les traités, à tort ou à raison) c'est le marché unique. Par exemple, en matière de santé, les cigarettes voyagent, et elles sont bien moins taxées ici que là : ça embête la Commission.<br /> <br /> Je persiste à distinguer "comparaison" et "concurrence" :-) et à être partisan de la comparaison entre Etats. Et seule la Commission (ou le Conseil de l'Europe sur ses domaines de compétence) ont les moyens humains et financiers de réaliser des comparaisons utiles.<br /> <br /> ... indépendamment de la définition fantômatique de la "méthode ouverte de coordination" ! Les définitions fantômatiques sont efficaces quand ceux qui les partagent sont décidés à avancer ensemble (le flou élargit leur marge de liberté commune) ; elles sont ridicules concernant l'Europe, où chaque pouvoir national est jaloux de sa souveraineté.
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E
Frédéric, honnêtement, si la Commission avait plus d'autorité qu'elle n'a déjà sur les états, crois-tu qu'elle préserverait la diversité en matière de politique de santé ?La Commission est censée recourir à la Méthode Ouverte de Coordination, définie dans "Faut-il brûler le modèle social français ?" ainsi : "un nouveau mode régulatoire européen qui met l'accent sur le caractère non obligatoire des règles, leur flexiblité, leur ouverture à des acteurs multiples, règles émanant de processus décisionnels itératifs entre le niveau national/régional et le niveau européen et dont la mise en oeuvre emprunte aux outils de gestion modernes du management public"Quand je lis cela, je préfère qu'on ne touche à rien...Sur la concurrence entre nations, elle existe à tous les niveaux, par le fait que les nations se comparent en permanence entre elles. L'Europe tend à vouloir substituer 1 modèle unique aux 27 préexistants, c'est bien une réduction du nombre d'acteurs sur le marché, et un appauvrissement réel.Mais je suis d'accord avec toi, il faut faire marcher le conseil en gestion publique   ;-)
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F
Billet très bienvenu. J'espère (depuis longtemps) que les "libéraux" qui veulent nous vendre la privatisation complète du financement de la santé, regarderont un jour les faits.<br /> <br /> 2 petites remarques :<br /> <br /> * Effectivement, le chiffre de 1,9% de frais de gestion en France est trop optimiste. De mémoire, on doit être entre 5 et 6%. Et peut-être (et probablement) les comptes de la santé manquent-ils de transparence sur ce point, opacité permise notamment par la multiplicité des organismes de financement.<br /> <br /> * Je vois mal en quoi cette étude encourage la "concurrence" entre nations ? Elle illustre l'utilité de la comparaison entre performances nationales, mais les décisions restent nationales - il n'y a guère de "marché mondial de la santé" sur lequel des "acheteurs" pourraient faire jouer la "concurrence" entre nations.<br /> <br /> Amha, une fonction non plus accessoire, mais centrale, de la Commission européenne, devrait être l'évaluation comparative des performances des politiques des Etats-membres (en élargissant autant que possible au reste du monde bien sûr), pour informer ceux-ci. Elle le fait parfois - il y a un excellent rapport sur les performances des systèmes de santé, un autre très bon sur le chômage et l'insertion - mais peu, et avec peu d'autorité sur les Etats.<br /> <br /> En fait, compte tenu de la diversité des langues, des lois, etc., un bon rapport comparatif sur les performances nationales (sur les performances, pas seulement les politiques) sur un sujet limité (p.ex. les problèmes de santé liés au tabac) coûterait de l'ordre de 2 millions d'euros.<br /> <br /> Un coût minuscule et ridicule au regard de l'utilité qu'aurait une telle étude, mais un coût énorme et dissuasif au regard des habitudes pour des budgets d'études - l'unité est plutôt 50-100 kE à l'échelle nationale française, 100-500 kE à l'échelle européenne.
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