La lettre volée

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Alain Decaux - La révolution de la Croix, Néron et les chrétiens

Enfant, j'ai lu (dévoré plutôt) un certain nombre de "Alain Decaux raconte", qu'affectionnait ma grand-mère. Avec Alain Decaux on est à des années-lumière de l'histoire moderne et de l'école des Annales, mais on ne s'ennuie pas.

Je suis tombé sur cette réédition à un moment où je m'interroge sur ce qui fait tenir l'Union européenne. Il y a pour moi deux causes principales : l'un est interne et l'autre est externe.

La cause externe est la volonté américaine de se construire un vassal pratique : un grand marché sans volonté politique propre. La deuxième cause, interne, est une nostalgie de l'Europe chrétienne, du Saint Empire.

Pour creuser cette idée, j'ai besoin d'en savoir un peu plus sur l'Europe chrétienne. J'avais lu Europe, la voie romaine, de Rémi Brague, il y a longtemps, mais n'en garde aucun souvenir - pas de blog pour garder des notes de lecture à l'époque.

L'intérêt du Decaux est qu'il se lit très facilement et sans ennui : l'histoire de la réussite des chrétiens, d'abord persécutés par Rome puis reconnus comme dépositaires de la religion officielle se lit comme un polar - dont les personnages principaux se nomment Néron, Saint Paul, Sénèque, Tacite ou Jésus. Pour ceux qui, comme moi, sont un peu limités en histoire romaine, on découvre avec étonnement la sauvagerie des moeurs de la cour. On lit aussi avec intérêt les premiers débats "identitaires" au sein de l'église en cours de constitution : faut-il admettre les non-circoncis ? Paul est pour, Jacques est contre.

La limite est qu'il ne faut pas en attendre une idée. Tout au long des pages, on suit la progression du christianisme comme on constate la croissance d'un arbre : pas une ligne, ou presque, sur le danger que pouvait constituer le christianisme pour Rome, au départ ; ni, en sens inverse, sur les raisons qui pouvaient amener un romain à se convertir - surtout un romain de la Cour impériale. Par moments, l'idée est évoquée d'une proximité entre le christianisme et le stoïcisme, qui aiderait au passage d'une doctrine à l'autre - manière intéressante de rappeler que le christianisme est aussi une philosophie, la proposition d'un mode de vivre spécifique. Mais ces notations sont brèves.

Sans doute la lecture de Paul Veyne et son "Quand le monde est devenu chrétien" s'impose-t-elle.

Quid de la nostalgie d'un royaume chrétien, que je soupçonne être l'un des piliers européens ?

Decaux écrit à propos de l'édit de Milan, ou édit de Constantin (313) "...les deux Auguste reconnaissent explicitement la religion chrétienne. [...]
« ce que nous accordons aux chrétiens l'est aussi à tous les autres. Chacun a le droit de suivre le culte qu'il préfère, sans être lésé dans son honneur et ses convictions.» Même s'il s'inscrit dans le cadre d'une tolérance générale, l'édit de Milan, sans correspondre à une entière victoire, va dans ce sens".

J'interprète peut-être trop rapidement, mais on sent, dans ce regret d'une victoire incomplète, combien, tout de même, un monopole chrétien est ce qui peut s'obtenir de mieux en matière de décision politique.

Aujourd'hui, cette idée est inavouable, mais je tiens qu'une bonne partie des motivations des partisans de l'Union européenne réside dans cette nostalgie impériale, dans la recherche d'un pouvoir enfin maître à nouveau du temporel comme du spirituel.


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