La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Gloire et honneur à Lionel Stoleru, en avance sur le parti socialiste

Certes, l'inventeur de la prime au retour n'est pas un homme de gauche, quoique ayant frayé avec le PS dans de grands émois d'ouverture.

Il publie régulièrement des papiers intéressants dans le domaine économique. Son dernier article, dans le Monde, n'a pas reçu l'écho qu'il méritait.

On y lit par exemple ceci :

les usines qui ferment tous les jours en France, en Europe et aux Etats-Unis ne sont en général pas victimes des subprimes, elles sont victimes des succès de la concurrence chinoise et indienne. Depuis son entrée dans l'OMC il y a moins de dix ans, l'Asie conquiert les marchés pour le plus grand bonheur des consommateurs et pour le plus grand malheur des travailleurs occidentaux.

Ou encore :

dans les cinq dernières années, la consommation des ménages a augmenté en France de 20 %, alors que la production n'a augmenté que de 6 % : ce sont les importations qui ont augmenté de 61 %. Les exportations chinoises mondiales ont triplé de 2004 à 2008, et leurs réserves de change sont les premières du monde, mettant les Etats-Unis à la merci de leur bonne volonté d'acheter leurs bons du Trésor. L'Inde est le numéro un mondial des médicaments génériques, domine une partie du marché mondial de l'informatique et des centres d'appels, la Chine détient 60 % du marché mondial des jouets, livre à Rungis des roses moins cher que celles d'Amsterdam, imprime les guides touristiques du Périgord en français, fabrique en vingt-quatre heures les prothèses dentaires commandées en PAO par nos dentistes, est numéro deux mondial de la production automobile, etc.

Le diagnostic est très clair, et, tout en rejetant le "protectionnisme", Stoleru questionne sérieusement le libre-échange.

Pour remettre un peu d'ordre dans cette concurrence déloyale entre nations, l'auteur suggère d'éviter les usines à gaz que recouvre généralement le terme de protectionnisme, pour préférer une solution simple : la régulation des taux de change.

C'est en effet la première arme commerciale entre les nations, plus mortelle pour nos emplois que bien d'autres.

Je me désole que le Parti Socialiste soit, là encore, à la remorque d'un secrétaire d'état autrefois giscardien, et tarde à réaliser que nos usines ne ferment pas par obsolescence naturelle.

Là où je me sépare nettement de Stoleru, c'est qu'il en appelle à une concertation entre la Chine, les Etats-Unis, l'Europe et l'Inde pour réguler les changes.

S'imaginer que l'Europe puisse jouer un quelconque rôle, distinct notamment des positions américaines (relire Almunia défendre le rôle de monnaie de réserve du dollar comme un larbin stipendié), est du plus haut comique. D'ailleurs l'article n'est pas dénué d'un autre aspect surréaliste (peut-être à lire au deuxième degré), lorsqu'il évoque la "lucidité" de Nicolas Sarkozy (c'était une semaine avant le remaniement)...

Bref, je retire de la lecture de cet article que mon idée de taxe de libre échange serait un grand pas pour nos usines, et pour nos emplois.






 
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E
ça n'a rien à voir ! si on taxe le bénéfice des importateurs, cela veut dire qu'on renonce à distinguer entre les importations en provenance de Chine (à taxer à 20% par exemple) et les importations de Suède (à taxer à 0% par exemple également).<br />  <br />  
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G
Oui, je souhaitais juste faire une proposition plus consensuelle qui ne change rien sur le fond : rien qu'aujourd'hui, de très nombreuses professions sont déjà assujetties à d'innombrables taxes et cotisations particulières d'une foisonnante diversité : connaissez-vous par exemple la cotisation obligatoire à l'AFIDOL pour les quelques dizaines de professionnels de l'huile d'olive ?En matière de fiscalité, l'omniprésence de l'informatique et le fichage systématique de chaque transaction permettrait des merveilles : au besoin, en s'approvisionnant en données directement auprès des banques.
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E
pas les bénéfices, rien à voir.<br /> c'est une opération technique lourde mais pas plus compliquée que la gestion de la TVA.
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G
"décider demain matin d'instaurer une taxe compensant la dévaluation artificielle de toutes les monnaies des pays avec lesquels nous échangeons, c'est possible et c'est cela qu'il faut exiger."<br /> Il serait en effet redoutablement simple de taxer les bénéfices des importateurs, lesquels doivent tous, souvenons-nous en, être déclarés en France.
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E
bien évidemment, c'est une forme de protectionnisme, mais par un moyen inhabituel, ce qui permet d'éviter de dire que cela en est, et, par ailleurs, cela n'a pas l'inconvénient du protectionnisme qui est qu'on ne sait pas quel est le niveau correct de protection.<br />  
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E
Salut Malakine,<br /> C'est bien ce que je signale à la fin. invoquer la lucidité de sarko et attendre une réaction européennes sont deux solutions dont j'hésite à savoir quelle est la plus bête.<br /> en revanche, décider demain matin d'instaurer une taxe compensant la dévaluation artificielle de toutes les monnaies des pays avec lesquels nous échangeons, c'est possible et c'est cela qu'il faut exiger.<br />  <br />  <br />  
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M
Salut EdgarCet article ne m'avait pas échappé. Le diagnostic est parfaitement juste et très pertinent. Le problème c'est qu'il n'y a aucune conclusion. Dès lors qu'on rejette le protectionnisme, on est conduit à adopter une posture incantatoire "faudrait que la chine réévalue le yan" "ca serait bien qu'elle développe son marché intérieur" ... Stoleru m'a fait pensé à Patrick Artus qui note après note, pose des diagnostics les plus sombres sur l'état de l'économie mondiale, mais qui n'est capable que d'annoncer des catastrophes.
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G
Pas de contrôles des changes sans contrôle des échanges (monétaires). Et pas de contrôles efficaces sans éradication des pratiques bancaires souterraines (solidarité financières entre membres de mêmes familles résidant dans différents pays, par exemple). Plus clairement dit : qui que ce soit qui fixe un prix pour quelque chose, quelqu'un capable de trouver un meilleur prix organisera un commerce parallèle, impossible à interdire en matière financière puisqu'il s'agit simplement d'un commerce de promesses, fait on ne peut plus immatériel.Il sera pourtant aisé de trouver un consensus autour d'une telle proposition de législation, puisqu'elle ne gênera que les plus faibles, ceux-là même qui se croiraient protégés par telle initiative : donc, je pense que c'est une proposition pleine d'avenir!
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V
La guerre des changes est une arme ancienne qui avait été utilisée en son temps par les Japonais avec succès. Mais la différence ici au niveau de la Chine est grande : personne ne veut se facher avec son principal créancier et fournisseur. Sans compter la carotte du plus-grand-marché-au-monde. On va donc continuer comme ça alors que la réévaluation du Yuan (nécessaire puisque leur monnaie est laissée à un niveau anormalement bas) et la protection de notre propriété intellectuelle permettraient de limiter fortement les dégats.
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