Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...
26 Mai 2014
Juste quelques lignes sur les européennes, en essayant de ne pas reprendre des évidences.
Entendu hier soir Mélenchon dire une grosse bêtise : entre les explications sociales de la crise et les explications "raciales", l'électeur aurait choisi les explications "raciales" du FN (sous-entendu les explications sociales du Front de gauche étaient pourtant les bonnes). Je crois pour ma part que le FN a fait le pari de la rupture de plus en plus franche avec l'UE, rupture qui est principalement économique puisque l'UE est essentiellement un organe de régulation économique, et que ce pari que le Front de gauche n'a pas voulu faire, paye.
Est-ce à dire qu'il ne faut pas s'inquiéter du score du Front National ? Tant qu'on y trouvera des Gollnisch, des bonnes plaisanteries sur Monseigneur Ebola et des conseillers dont les pages Facebook regorgent de plaisanteries racistes, on ne pourra pas considérer le FN comme un parti normal.
Visiblement, Mélenchon a été secoué. Puisse-t-il tirer des conclusions politiques de ce choc, et se mettre en bataille pour 2017.
*
Jérôme Guedj, ex-député PS et président du Conseil général de l'Essonne, a lui aussi l'air de vouloir comprendre qu'il est temps de changer de politique, et pas de faire plus de la même chose.
Lire sur son blog, "changeons tout". Extrait : "Il faut repenser de fond en comble notre rapport à l’Europe, repenser la France en tant que puissance mondiale au sein de l’Europe, remettre en cause de nombreux traités européens et mettre sur la table la question de l’Euro. Il faut réinventer cette monnaie, mettre en place le rapport de force nécessaire avec l’Allemagne, car c’est là que réside l’essentiel du problème, pour faire de cette monnaie un outil qui profite à l’ensemble des économies et ne soit pas un frein au développement de tous en dehors de l’Allemagne, comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui."
*
Côté gouvernement, on ne changera a priori rien. Je ne sais pas quel conseiller fou a recommandé hier soir à Valls de communiquer de cette façon, mais il avait l'air d'un poisson dans un bocal de formol. L'apparition était surréaliste sur la forme et insignifiante sur le fond. Ce n'est pas en accélérant la réforme de la carte des collectivités locales que l'on créera un emploi.
*
Avec un PS au bord de l'explosion, l'UMP où la bombe des scandales fait tic-tac, la présidentielle de 2017 se présente bien pour le FN. Pour parer à cela, on lit à droite ou à gauche qu'une grande coalition UMP/PS pourrait s'imposer. S'il s'agit de poursuivre ainsi les politiques européennes, ce n'est que reculer pour mieux sauter.
*
Ce que je crois, et espère, c'est que plutôt qu'une victoire du FN, un candidat clairement non raciste rompant véritablement avec l'UE, s'impose à droite ou à gauche, ou les deux : Mélenchon, Wauquiez, Dupont-Aignan ou d'autres. Pour l'heure, aucun d'entre eux ne paraît clair sur l'ampleur des choix non européens qu'il convient d'effectuer. Aucun ne semble non plus avoir la carrure qui lui permettrait de rallier au delà de quelques proches et obligés.
François Asselineau est le plus clair depuis le plus long temps. Mais force est de constater qu'il n'a pas fait de percée électorale, ni même médiatique, même si le score de l'UPR (77 130 voix) dépasse celui du NPA.
*
C'était tout de même une élection européenne. Force est de constater que les institutions européennes sont presque partout rejetées : UKIP premier au Royaume-Uni, FN en France, un parti anti-immigration en tête au Danemark, Syriza premier en Grèce...
Quelques commentateurs ont essayé de singulariser le cas français, mais il faut lire ce résultat pour ce qu'il est : un rejet massif de l'intégration à marche forcée, de l'européanisation obligée.
*
Pour éviter la montée de partis extrémistes, peut-on compter sur une résorientation par l'UE elle-même des politiques européennes ? Quand on lit que les Verts sont déjà prêts à discuter avec Juncker, on n'a pas l'impression que les institutions européennes soient capables d'une quelconque utilité. Comment un ramassis de combinards sans principe pourrait-il rééquilibrer les pouvoirs européens ?
*
Comme souvent en ce moment, c'est Emmanuel Todd qui a la parole la plus juste, et la plus libre, même s'il se trompe sur l'inexistence de partis autres que le FN prônant la sortie de l'euro - que le FN ne propose d'ailleurs même pas clairement.
A propos de ces élections :
"Je crois que depuis le référendum de 2005, tourné par le traité de Lisbonne, je pense que les institutions européennes, dont le Parlement, sont devenues illégitimes.
Et puis il y a une chose (...) : l'arrière plan de la situation, c'est que l'euro est un échec absolu.
Ca a fait de l'Europe occidentale le trou noir de l'économie mondiale.
Et le seul parti qui dit qu'il faut sortir de l'euro est inacceptable, et donc, quelque part, le débat est totalement stérilisé.
Donc voilà, je suis très content de ne pas avoir participé à cette mascarade.
[...]
S'abstenir, c'est signifier que l'on n'est pas dupe de la mascarade. C'est dénoncer l'européisme béat des partis classiques.
C'est aussi dénoncer le Front National en mettant en évidence son appartenance au système.
L'abstention massive aux élections européennes, si elle se vérifie, aura une conséquence pour le moins positive : elle témoignera de ce que la nation demeure le seul échelon démocratique au sein duquel peuvent s'affirmer les solidarités."