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14 Octobre 2014
Le titre se réfère au billet précédent.
L'avion européen est victime d'une décompression de la cabine, et la gauche de gauche vous demande de rester attaché. Comme Chevènement qui ne souhaitait pas descendre de l'avion euro en marche, Mélenchon et d'autres plaideront jusqu'à la fin pour une Europe "autre".
Cela découle d'une démarche parfaitement idéologique, et stupide.
Philippe Corcuff, dans Libération, donne une parfaite illustration de l'aveuglement doctrinaire de la gauche faussement dite "alternative".
"Journaliste : Vous mettez aussi en cause des gens de gauche - Emmanuel Todd, Jean-Claude Michéa ou Frédéric Lordon -, qui alimenteraient ce climat…
Corcuff : Je ne les considère pas comme des néoconservateurs mais comme des désarmeurs imprudents de la gauche. Todd et Lordon, par exemple, proposent des solutions uniquement nationales à la situation économique et ils participent ainsi à la diabolisation de l’Europe et du monde. L’éthique de la responsabilité chez Max Weber consiste à tenir compte du contexte dans lequel on parle : selon le contexte, nos paroles n’ont pas nécessairement l’effet de notre intention initiale. Dans un contexte où un nationalisme xénophobe se développe, les défenseurs d’une nation non ouverte à des coopérations internationales, même s’il s’agit d’une nation républicaine, contribuent à un repli national néfaste."
En gros, on vous fait bouffer de la m... mais comme on a collé dessus une étiquette "internationaliste", il ne faut surtout pas gratter l'étiquette, et terminer le plat.
Corcuff a apparemment des solutions à la hauteur des enjeux : "Une des pistes pour éviter le risque postfasciste consiste à réintégrer le «sociétal» dans une question sociale trop délaissée : les dominations de classe, mais aussi de genre, raciale ou hétérosexiste, doivent être prises en compte pour sortir du clivage national/racial porté par le FN."
J'ai pensé la même chose que Corcuff en allant voir l'excellent film Pride. On y voit converger, en 1985, mouvement gay et lesbien et grève des mineurs, alliés contre Thatcher. On se prend donc à rêver de mouvements de gauche qui ne sauraient allier problématiques "sociétales" et sociales, sans renier ni les unes ni les autres. Mais ça c'est un niveau de réflexion qui n'a strictement rien à voir avec les problèmes de l'heure, spécifiquement européens.
Corcuff, comme la gauche de gauche, s'accroche à une Europe affublée d'un totem "internationaliste", alors que le projet européen est une standardisation des nations - et le prochain traité transatlantique devrait consacrer leur impuissance définitive.
Comme la situation est grave, toute la gauche de gauche, en dehors de Todd ou Lordon, de quelques franc-tireurs, fait semblant d'avoir trouvé des causes non européennes à la crise de l'Europe : fin de la croissance, questions de genre, l'économie de la mer qui n'est pas assez prise en compte, les vilaines banques, l'épuisement de la Vème république. Aucun de ces phénomènes n'est inexistant, mais ils sont, à mon avis, tous secondaires par rapport à l'implosion du coeur de l'économie mondiale que provoque l'euro.