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14 Septembre 2014
Je suis amoureux du Collège des Bernardins. En abattant le mur qui cachait ce bâtiment superbe de la vue des passants, et après quelques travaux de réhabilitation, l'église catholique a offert aux passants un objet magnifique.
Je reçois donc la lettre du collège où je lis avec étonnement l'annonce d'une conférence :
"QUELS SONT LES ENJEUX DE LA PENSÉE D'EDITH STEIN CO-PATRONNE DE L'EUROPE DANS LA CULTURE ET LA CIVILISATION CONTEMPORAINES ?"
Je découvre par là-même la notion de saint patron de l'Europe...
Wikipedia en liste six, sans s'étendre sur leur rôle, ni l'origine de ce concept de Saint patron. On note quand même que le premier Saint Patron européen fut nommé en 1964, donc après la création de l'Union européenne. Il y a donc présomption du fait que ce sont des saint-patrons de l'union européenne qui ont été ainsi érigés en... je ne sais quoi : modèles, sources d'inspiration, référents ?
Il s'agissait d'ailleurs de Saint Benoît, qui, outre ses vertus médicinales ("Il est invoqué traditionnellement par les catholiques contre les piqûres d'orties, le poison, l'érésipèle, la fièvre, les tentations, les maladies inflammatoires, la gravelle, et la maladie de la pierre") est surtout l'inventeur de la règle des bénédictins qui s'est répandue dans toute l'Europe à l'époque carolingienne nous dit wikipedia. Quel choix judicieux de la part de Paul VI que de choisir pour protéger l'Europe naissante un homme qui, d'une certaine façon, unifia l'Europe sous une règle catholique commune.
Je retrouve d'ailleurs un discours de Paul VI, où il indique les deux raisons du choix de Saint Benoît : foi et unité ("deux motifs qui font toujours désirer l'austère et douce présence de saint Benoît parmi nous : la foi, que lui et son ordre ont prêchée dans la famille des peuples, spécialement dans la famille Europe, la foi chrétienne, la religion de notre civilisation, celle de la sainte Eglise, mère et éducatrice des nations, et l'unité par laquelle le grand moine solitaire et social nous a appris à être frères, et par laquelle l'Europe fut la chrétienté. Foi et unité, que pourrions-nous souhaiter de meilleur pour le monde entier, et spécialement pour cette portion de choix qu'est l'Europe ? Qu'y a-t-il de plus moderne et de plus urgent, de plus difficile et de plus contrarié, de plus nécessaire et de plus utile pour la paix? [...] Il est donc naturel que Nous aussi Nous donnions Notre plein assentiment à ce mouvement qui tend à réaliser l'unité de l'Europe.")
Le rêve européen vu du côté catholique c'est donc celui de la chrétienté renaissante.
Saint Benoît est d'ailleurs plus patron que les autres, car il est, lui, "patron principal de toute l'Europe". Que celui qui confond ce titre avec celui de capo dei capi sorte tout de suite.
On trouve aussi en ligne le discours de désignation de trois co-patronnes de l'Europe, prononcé par Jean-Paul II.
Il y donne ordre aux catholiques et aux chrétiens en général d'ailleurs de poursuivre la construction européenne : "les chrétiens sont appelés à en prendre une conscience renouvelée afin d'en montrer les potentialités permanentes. Ils ont le devoir d'apporter à la construction de l'Europe une contribution spécifique, qui aura d'autant plus de valeur et d'efficacité qu'ils sauront se renouveler à la lumière de l'Évangile."
A mon avis les feujs et les arabes ne sont, dans ce projet, que des accessoires "dans l'histoire complexe de l'Europe, le christianisme représente un élément central et caractéristique, renforcé par le solide fondement de l'héritage classique et des contributions multiples apportées par divers mouvements ethniques et culturels qui se sont succédé au cours des siècles."
De là à imaginer que l'ensemble des athées, libre-penseurs, démocrates non religieux et autres partisans d'une Europe, autre ou pas, ne sont que les idiots utiles d'un vaste complot catholique, il n'y a qu'un pas. Je ne le franchirai pas, le sujet est certainement plus complexe que cela. Mais cette dimension catholique du projet européen mérite de ne pas être oubliée.
Elle peut aussi par exemple parfaitement aider à comprendre le rôle de l'euro : cette monnaie inadaptée fait souffrir tous ceux qui l'adoptent, mais comme c'est un symbole d'unité, elle vaut que l'on y sacrifie. Et plus le sacrifice est grand, mieux c'est.