La lettre volée

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Les démocraties ne peuvent gérer des empires

Ouistiti sex est une expression, datée semble-t-il, qui doit être prononcée pour avoir un sourire photogénique - en anglais c'est cheese.

C'est un peu ce que l'on a envie de demander aux différents acteurs européens en ce moment : de prendre la pose, si possible pas trop grimaçante.

La situation est en effet assez peu lisible.

Merkel vient d'expliquer qu'il fallait que les pays membres de la zone euro abandonnent leur souveraineté.

Dans le même temps, elle explique, devant les caisses d'épargne allemandes, que le taux unique de la BCE ne peut convenir à tout le monde. Précisément : "La chancelière Angela Merkel a reconnu jeudi que, contrairement à l'Allemagne, nombre de pays de l'union monétaire avaient besoin de taux d'intérêt plus bas, alors que s'amplifient les spéculations autour d'une nouvelle baisse des taux par la Banque Centrale Européenne."

On est toujours dans une situation où, comme le relevait un article de l'UPR l'été dernier, l'Allemagne semble signifier que l'euro ne se fera pas à n'importe quel prix.

Je comprends la situation de la façon suivante : il est impossible pour l'Allemagne d'appeler à la fin de l'euro. L'euro lui a été imposé comme prix de la réunification, et, par ailleurs, le pays ne peut être considéré comme un agresseur par rapport aux autres membres.

Ce serait donc à la France de saisir la perche tendue par l'Allemagne, et d'abandonner l'euro et ses disciplines budgétaires.

Il n'y aurait plus grand monde pour pleurer : Frits Bolkestein, ancien commissaire au marché intérieur a imaginé un système de monnaie parallèle à l'euro. Il s'agirait de laisser l'euro aux pays du sud (dont la France) et de créer une zone mark élargie entre pays du nord. Je doute que cette proposition intéresse quiconque, mais elle est symptomatique d'une évidence qui s'impose de plus en plus à plus haut niveau : l'euro est un échec.

De fait, la meilleure photographie des bienfaits de l'euro, pas très souriante celle-là, est une carte récente dans un article de The Economist. Il s'agit des prévisions de croissance du FMI pour 2013 :

econ_fmi_2013.png

 

Hors Iran, l'Europe apparaît comme la zone aux peformances économiques les plus pitoyables de la planète.

J'entendais Bernard Maris (du duo comique Maris et Seux) affirmer posément, il y a quelques jours, que la croissance c'était pas si positif que cela, et qu'un peu de frugalité ferait du bien.

Je vois là encore une rationalisation des proches du Front de gauche, qui maintenant, essaient de se persuader que vouloir conserver l'euro n'est pas si mal parce que l'euro ça tue lacroissance en effet, mais a-t-on besoin de croissance ?

Et je crois malheureusement qu'on a besoin de croissance, et assez vite. Et de sortir de l'euro aussi.

Parce qu'en Grèce notamment, 10% des enfants sont maintenant en insécurité alimentaire (article de la RTBF). La RTBF renvoie à un article du New York Times où on peut  lire le témoignage d'un directeur d'école grec qui doit maintenant s'habituer à voir les enfants fouiller dans les poubelles, à la recherche de nourriture.

C'est finalement sur Forbes (merci à Axel qui me l'a transmis), que l'on lit le jugement le plus exact sur une situation où l'on voit des enfants manquer de nourriture pendant que le président de la Bundesbank estime que la situation s'améliore :

"le problème structurel que l'on a une union monétaire où les responsables de banques centrales peuvent estimer que des enfants qui se nourissent dans des poubelles constituent une situation économique acceptable. [...] aussi longtemps que nous croyons en une démocratie nous devons souhaiter des institutions gérables de façon démocratique.

Une vague confédération d'états-nations sans sentiment commun d'appartenance ne peut en tenir lieu. Les démocraties ne peuvent gérer des empires. Le seul fait d'essayer est pitoyable et l'éthique démocratique nous interdit par ailleurs d'utiliser des moyens de faire fonctionner l'ensemble."

C'est un dernier point important : on peut craindre de plus en plus que le recours à la violence soit le seul moyen de faire tenir l'euro, envers et contre tout.

 

 

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F
<br /> Moi je la vois en gris "insufficient data". La famille Obiang n'a paut-être pas publié ses comptes. Leurs comptes ne peuvent pas être dans le bleu car leur exploitation pétrolière se porte bien.<br />
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B
<br /> Allons, que de pessimisme ! Il faut bien regarder la carte ! Tout n'est pas perdu pour l'euro ! La Guinée équatoriale aussi est en bleu...<br />
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O
<br /> @Joe Liqueur,<br /> <br /> <br /> Si l'optimisme aveugle (il y a de l'énergie abondante partout dans l'univers, il suffit de se baisser pour la ramasser) pouvait faire tourner les moteurs de voitures, de camions, d'avions et de<br /> cargo, ce serait super bien. Malheureusement, ce n'est pas le cas.<br /> <br /> <br /> Le pétrole (matière première ou non) n'a pas encore de substitut : on ne fait pas rouler les camions ou les tracteurs au nucléaire !! Surtout en Europe où la logistique du dernier kilomètre est<br /> le problème numéro un des transporteurs. Les voitures électriques sont encore marginales et, de toute façon, le rapport poids-puissance du réservoir n'est pas bon. Donc, si demain, le pétrole se<br /> met à manquer pour cause de renchérissement puis de baisse des ressources, nos sociétés vont commencer à valser sérieusement. Et d'ailleurs, c'est déjà le cas.<br /> <br /> <br /> La crise que nous traversons est plus structurelle que conjoncturelle. Le pétrole a générer la mondialisation parce que c'est l'énergie de la mobilité, celle qui a permit au pays émergeants de se<br /> développer parce qu'ils avaient une main d'oeuvre peu chère facilement accessible par cargo. Le pétrole n'était pas cher (on en a jamais autant produit depuis qu'aujourd'hui, c'est pour cela<br /> qu'on parle de pic) à l'époque surtout par rapport à la main d'oeuvre. Sauf qu'aujourd'hui, c'est tout ce système qui se grippe, justement parce que le pétrole augmente et se rarifie.<br /> <br /> <br /> Mais bon, puisque l'énergie inonde l'univers, il n'y a pas à s'en faire...<br />
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C
<br /> @Gerard Couvert,<br /> <br /> <br /> c'est Frits Bolkestein, le fameux ancien commissaire européen, qui a proposé l'idée d'un euro-sud, sans cacher le mépris qu'il avait pour la France en la relégant dans les pays du Sud...<br /> Aryanisme, quand tu nous tiens ! En fait, il parle d'or: les Pays-Bas sont aussi au bord de la ruine, ils sont déjà<br /> en récession et leurs banques ne sont pas du tout en bonne santé. Donc marre de recevoir des leçons de nos "maîtres germaniques"...<br /> <br /> <br /> En fait, la solution est connue de tous, et J.Sapir milite pour elle depuis toujours: un retour aux monnaies nationales, avec une monnaie pivot qu'on appelera...ECU (et non pas euro, car<br /> désormais symbole d'échec...) qui permettra des taux de change révisables et négociés entre état. Et si ce n'est pas possible, alors laissant les marchés de change trancher! Au moins, avec cette<br /> dernière solution, les pays irresponsables seront sanctionnés et non plus sauvés INDUMENT par les autres pays de l'UE. <br />
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J
<br /> @ CVT<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je vous rassure tout de suite, je ne range pas non plus Jancovici, ni d'ailleurs Rocard ou Berruyer, dans la catégorie des obscurantistes écolos (Rocard est favorable au nucléaire lui aussi).<br /> Après, dire que le pétrole pas cher est LE moteur même de la croissance, cela me semble assez caricatural. Les pays émergents se sont débrouillés pour émerger avec du<br /> pétrole cher, comment ont-ils fait ? Par ailleurs le pétrole n'est pas une "énergie", c'est une matière première avec laquelle on produit de l'énergie par combustion (matière<br /> première ayant une bonne densité d'énergie, et très souple d'utilisation). Je pense que cette distinction est très importante.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Le nucléaire n'est qu'une solution partielle au problème du pétrole, parce que nous n'avons pas un problème d'énergie (l'énergie est la chose la plus abondante dans l'univers, la matière est<br /> énergie, c'est pourquoi le nucléaire est l'énergie de l'avenir), nous avons un problème de matières premières (et cela concerne aussi les métaux).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je dois dire que Jancovici est quand même un peu malthusien à mon goût, mais aussi que j'apprécie beaucoup ses prises de positions en faveur du nucléaire d'une part, et ses talents de<br /> vulgarisateur d'autre part.<br />
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O
<br /> Dernièr point : vouloir sortir de l'euro, c'est bien, mais un point qui n'est jamais abordé vraiment sérieusement par les partisans de la sortie, c'est celui de la facture énergétique. Comme nous<br /> importons l'essentiel de nos énergies, une monnaie dépréciée par rapport au dollars va renchérir sérieusement le coût de la facture du pétrole et du gaz. Or, relancer une industrie sans énergie,<br /> c'est complexe...<br />
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O
<br /> Exact pour Jancovici. Il ne fait que constater que les énergies fossiles se font rares et qu'il va falloir trouver des voies de remplacement. Mais il tient un discours assez musclé sur<br /> l'inutilité des énergies renouvelables, par exemple, et souhaite conserver le nucléaire pour avoir les moyens de la transition. C'est une position très différente de la plupart des écologistes.<br /> <br /> <br /> En outre, et plus spécifiquement sur l'Europe, il a tendance à dire que les énergies fossiles d'avenir (gaz et charbon) ne seront pas disponible, contrairement aux Etats-Unis ou à la Chine et la<br /> Russie qui possèdent, en leur sol, d'énormes quantités de charbon et de gaz. Nous, non. Donc il va falloir faire avec sans ou presque car, comme le précise encore Jancovici, ce sont des énergies<br /> locales : gaz et charbon se transporte beaucoup moins bien que le pétrole...<br />
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G
<br /> Le pire c'est que "nos" "politiques" seraient capable d'entériner cet euro-sud.<br /> <br /> <br /> Le retour aux monaies nationales, et aux politiques nationales et le seul remède et surtout le seul avenir d'une reconstruction démocratique.<br />
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C
<br /> @Joe Liqueur,<br /> <br /> <br /> JM Jancovici ne prêche pas la fin de la croissance, il ne fait que la constater! En fait, il se base sur le bilan énergétique de l'Occident depuis 50 ans pour dire que le moteur même de la<br /> croissance, à savoir le pétrole pas cher, est épuisé depuis 1973...<br /> <br /> <br /> JM Jancovici ne me semble pas malthusien, il demande seulement que les politiciens prennent conscience qu'il ne sera pas possible d'espérer une nouvelle ère de croissance avant d'avoir trouvé un<br /> moteur alternatif.<br /> <br /> <br /> Je me souviens d'une de ses conférences au Sénat, et il avait surpris pratiquement tout le monde: faisant le même diagnostic que les écolos sur le "peak oil", il avait pourtant déchiré à belles<br /> dents leur programme de transition écologique, inefficace en terme énergique et dispendieux en terme financier... Il avait aussi approuvé l'utilisation du nucléaire, arguant que le rapport<br /> utilité/risque était largement favorable.<br /> <br /> <br /> Bref, il demande juste aux hommes politiques de prendre leurs responsabilités, et il propose des pistes. C'est d'ailleurs pour cela que je ne le rangerais pas dans la même catégorie que les<br /> obscurantistes écolos...<br />
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J
<br /> Hélas, c'est un discours de plus en plus répandu chez les centristes : il n'y aura plus jamais de croissance, et c'est tant mieux, parce que… "on vit dans un monde fini", "on consomme une planète<br /> et demie par an", "les arbres ne montent pas jusqu'au ciel", etc.. J'ai lu ça aussi chez Rocard et Larrouturou (La gauche n'a plus droit à l'erreur), et on trouve la même chose chez<br /> l'excellent Olivier Berruyer (par exemple). Je pense que la bande à Jancovici est sur la même ligne. Cela me navre à un point…<br />
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