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2 Mars 2014
Dans un billet de 2008, j'avais raconté les réjouissances annuelles des anciens SS ukrainiens, enchantés d'être dans l'un des seuls pays au monde où l'on peut encore pavoiser l'espace public avec des drapeaux nazis, et pas pour le tournage d'un film, juste pour se remémorer le bon vieux temps :
L'année d'avant, j'étais tombé sur une carte tirée du site de l'Elysée, qui intégrait l'Ukraine dans l'UE :
Donc non, je n'avais pas une grande sympathie pour le mouvement ukrainien a priori et pour sa volonté de rejoindre une union européenne en manque d'espace vital (comme ça je ne laisse pas le monopole de l'allusion historique déplacée au camp européen).
Encore moins maintenant en réalité.
Comme l'indique Fred Delorca, juridiquement, le départ de Ianoukovitch n'est pas légal :
"Pour savoir si oui ou non il s'est agi d'un coup d'Etat il faut lire la constitution ukrainienne de 1996. Celle-ci prévoit pour la destitution du président sa mise en accusation devant la cour suprême et un vote du parlement au trois quarts des des députés. La cour suprême n'a pas été saisie, il a manqué dix députés pour atteindre les trois quarts, et Ianoukovitch n'a pas démissionné. Donc c'était bien un coup d'Etat."
Toutes les révolutions sont illégales, celle de 1789 en France également. Vox populi, vox dei. On pourrait donc parfaitement admettre de reconnaître la volonté exprimée place Maidan, et admettre l'Ukraine nouvelle dans un processus progressif d'intégration à l'UE. On pourrait.
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aparté : j'ai vu Marie Mendras, la semaine dernière, se réjouir de ce que le départ de Ianoukovitch allait clouer le bec aux eurosceptiques et faire baisser l'abstention aux européennes. Tout est débectant dans cette déclaration : le cynisme et la récupération, la naïveté doublée de la légèreté (pas sûr que dans trois mois il reste de quoi se réjouir de la situation ukrainienne).
Même sentiment d'écoeurement quand, au moment où l'on pensait Poutine mat, les premières déclarations ont fusé pour dire que les ukrainiens devraient patienter avant leur intégration : il s'agit moins d'accueillir des frères que de les extirper des pattes russes. Leur sort ultérieur est assez indifférent et on imagine très bien l'UE faire subir aux ukrainiens le sort de la Turquie.
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On pourrait donc constater que la rue ayant voté, l'Ukraine nouvelle est un pays souverain ayant souverainement décidé de rejoindre l'UE. Mais si finalement c'est la rue qui a raison, il est à peu près indiscutable que la rue criméenne est acquise aux russes. Apparemment on aime à s'y faire photographier à côté de soldats russes, qui n'ont pas vraiment l'air d'envahisseurs.
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Si donc le mouvement euromaidan doit être accueilli avec sympathie, la scission de l'Ukraine doit l'être aussi. Ce matin, il semblait que les diplomates de l'UE étaient sur cette ligne. Je gage qu'ils seront vite débordés par la simplification assimilant Poutine à Hitler, façon Jean-Dominique Giulani, ou François Sergent dans le Libé de ce matin (un monument de langue de bois cet édito, qui rappelle ce que Pierre Servent décrit en 1870, la presse française quia hâte d'en découdre avec la Prusse) ou par le hégélianisme à deux pence de Obama ("la Russie est du mauvais côté de l'histoire").
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La simplification n'est pas de mise en cette affaire (cf. également l'article de Philippe Grasset, sur De Defensa, citant un ancien ambassadeur de l'Inde à Moscou).
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Un dernier pour rire : un article de 2010 du Wall Street Journal louant le nouveau président Ianoukovitch ("Viktor Yanukovych's reform agenda is truly transformational.")