Faites l'expérience : discutez dix minutes avec des partisans du Oui, demandez leur quels sont les bénéfices que nous retirons aujourd'hui de la construction européenne. La Paix. Bien. Mais encore ? Rien, mais si tu es content de voter comme de Villiers...
Je ne suis pas content de voter comme de Villiers, je constate cependant que le Oui, dans sa défance, ne me paraît guère plus rationnel que les reproches faits à la défense du Non.
Pour comprendre, je me fie généralement aux livres. Et je suis tombé sur les "Mythes et Mythologies politiques", de Raoul Girardet, qui contient un chapitre passionnant où il décortique le mythe de l'Unité. Deux camps s'opposent ainsi autour de ce thème.
Bossuet tout d'abord "
En l'unité est la vie ; en dehors de l'unité la mort est certaine". Benjamin Constant de l'autre côté : "
La diversité c'est la vie, l'uniformité c'est la mort".
Je ne résiste pas à citer un peu longuement ce que dit Girardet de ce clivage : "
son tracé ne coïncide que très accidentellement avec les frontières habituellement reconnues des groupes, des mouvements, ou des partis politiques. Les oppositions qu'il met en évidence n'ont guère de rapport avec les notions habituelles de droite et de gauche ; l'héritage même de la Révolution française est susceptible de se trouver évoqué aussi bien d'un côté que de l'autre. Les termes de l'antagonisme n'en apparaissent pas moins singulièrement explicites. D'une part, l'insistance mise sur l'autonomie de l'individu et ses capacités de libre disposition de lui-même, l'acceptation délibérée d'une société conflictuelle, de ses divisions et de ses différences, la méfiance tenace à l'égard de toutes les églises, de leurs appareils et de leurs dogmes. De l'autre, la volonté de rassembler et de fondre, la vision d'une société homogène et cohérente, la condamnation au nom du bien commun du repli de l'individu sur lui-même et sur ses intérêts, la crainte des schismes et des dissidences, la recherche d'une foi commune et l'exaltation des grandes effusions collectives."
Le débat autour de l'Europe ressemble bien à celui-ci : il divise au delà des clivages politiques classiques, des camps qui peuvent chacun se réclamer de la Révolution Française. Mais je ressens du côté du Oui, face à un traité dont la complexité le rend indéfendable, une peur panique de l'éclatement, un besoin d'unité dans une Europe fictive, rêvée, qui me fait dire que le libéralisme classique, celui de Benjamin Constant, est de loin préférable au recours à l'absolutisme à la Bossuet. Car finalement, le rêve giscardien est bien celui-ci : reconstruire dans une Europe sans cesse plus vaste, un royaume absolu dans lequel il jouerait le rôle d'un nouveau Louis XIV.
Vous votez donc oui comme Bossuet ?