La lettre volée

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Jean-Pierre Jouyet, le dogmatisme près de chez vous

Le Monde du 27 mai présente une illustration excellente du dogmatisme européen.

En pages débats, un long papier de Jean-Pierre Jouyet, président de l'autorité des marchés financiers. Pour éviter de nouvelles crises, il faut, selon lui, donner plus de pouvoir à un régulateur bancaire européen unique, un régulateur des assurances unique etc...

Comme il l'écrit "tous les européens convaincus attendent de la Commission des mesures audacieuses..." Plus loin, il conclut "...nous bâtirons une Europe de la confiance, au coeur des choix que les électeurs auraont à faire le 7 juin".

Outre que sa phrase de conclusion n'a aucun sens, son article relève d'un exercice européen classique : faire feu de tout bois pour accroître les pouvoirs centraux et renforcer la technostructure européenne, en prenant prétexte de n'importe quel événement (lutte contre les pédophiles etc... tout est bon à prendre).

Comment puis-je mettre en doute les avis savants d'un Inspecteur des finances, qui plus est ancien secrétaire d'état aux secrétaires européennes, et donc certainement compétent pour arrêter la prochaine crise ?

Sous l'article de Jouyet, figure un autre article de Patrick Artus (économiste renommé et respecté) et Jean-Paul Pollin (meilleur spécialiste français d'économie monétaire selon JP Fitoussi), qui traite de sujets proches de Jouyet : comment éviter de prochaines faillites bancaires.

Et bien, pas une ligne n'est consacrée à un quelconque régulateur européen.

Les trois principaux problèmes évoqués sont certes techniques, mais réels, et ne recouvrent aucun enjeu européen :

1. revenir à des règles comptables plus stables et moins contracycliques ;

2. limiter la possibilité pour les banques de se défausser des risques qu'elles prennent en les titrisant ;

3. limiter les places offshore.


Bref, deux pointures ne mentionnent même pas l'Union européenne comme élément de solution à la crise bancaire et financière. On peut même, en citant Bernard Atali notamment, estimer que les dernières propositions de la Commission en matière de régulation des fonds d'investissement n'ont aucune cohérence.

Bien loin d'être un élément de solution, l'Union européenne est une source de problèmes.

La réalité, qui concerne peu M. Jouyet, engagé dans une croisade religieuse pour l'Europe, c'est que les problèmes bancaires se régleront dans une régulation internationale ou ne se régleront pas. Et la position de M. Jouyet reflète le simple fait que la création d'autorités de régulation européenne est un programme européen engagé depuis longtemps, auquel la crise fournit un semblant de justification à l'attention des gogos.

Je remercie le Monde d'avoir contrebalancé le préchi-précha du président de l'AMF par l'avis de personnes moins engagées dans la construction de l'Europe-qui-nous-veut-du-bien, même et surtout quand on ne lui demande rien.




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G
Il est vrai qu'on ne se pose peut-être pas les bonnes questions : qu'attendre, honnêtement, de quelque technocrate que ce soit ?La malchance de l'Europe, c'est qu'il n'y a guère que des technocrates (et quelques étudiants aspirant à le devenir) à la défendre : ça ne veut pas nécessairement dire que ce soit de sa faute : ça veut juste dire que personne n'y croit sans être payé pour y croire. Et c'est peut-être ça, le vrai crime du 4/2
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F
source d'espoir : la campagne européenne a l'air bigrement plus terne en france qu'en espagne ou en italie. Nous sommes avec l'angleterre sans doute le pays où l'euroscepticisme s'avoue le plus ouvertement.
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E
D'une part Jouyet présente des projets technocratiques engagés depuis quinze ans comme une solution à la crise alors qu'ils n'ont aucun rapport.<br /> D'autre part, l'europe n'existant pas comme volonté politique, comme demos et comme démocratie, n'a aucune position à faire valoir dans le jeu international. L'euro est un premier exemple de l'inutilité absolue des projets communautaires. Les sacrifices imposés par l'euro auraient pu avoir un sens s'il s'était agi de prôner une régulation du système international. Mais l'europe a regardé passivement flucutuer le dollar, avant comme après l'euro.<br /> Joyet aura sans doute son joujou et deviendra le premier régulateur européen. résultat des courses : il suivra bêtement les américains comme avant, et en plus il sera perméable aux lobbyes bancaires à l'échelle européenne et la pochaine crise touchera de plein fouet tous les pays européens, au lieu d'une situation où aujourd'hui chaque pays est touché directement en fonction des dérives qu'il a autorisé sur son territoire.<br /> bref, la construction européenne profite à une techno élite qui vit de son propre mouvement, sans aucun souci de l'intérêt des populations et avec uneinutilité complète.<br /> content de voir que vous commencez à vous en rendre compte.<br />  <br />  <br />  <br />  
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S
Mais les deux ne sont pas antinomiques : un régulateur européen pourrait être chargé de faire appliquer les mesure préconisées par Artus et Pollin. Ou y voyez-vous une incompatibilité?Comme pour la directive Reach, l'Europe pourrait ici jouer un rôle de moteur. Je dis pourrait, bien entendu, car je suis quand même légèrement désabusé par la pauvreté des politiques européennes face à la crise économique. Si aucune réelle politique de relance ne surgit, un scénario de type déflation japonaise des années 1990 se profile en Europe (voire pire).
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G
Sans compter que les propositions 2 et 3 (2. limiter la possibilité pour les banques de se défausser des risques qu'elles prennent en les titrisant ; 3. limiter les places offshore.) s'opposent au principes de liberté de circulation des capitaux inscrits dans les traités, ce qui est déjà difficile à changer, mais aussi dans les accords internationaux relatifs (AGCS, OMC)Bref, des foutaises.
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