La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Souverainisme ? Alimentaire, mon cher...

Bien souvent, protestant contre tel ou tel débordement de la "construction d'une souveraineté européenne", je me demande si tout cela n'est pas un peu trop formel.

Après tout, qu'importe si l'Union européenne est un peu moins démocratique que la République à laquelle je suis attaché ? Visiblement ça ne dérange pas beaucoup de monde, on passe pour un empêcheur de tourner en rond un peu maniaco-obsessionnel, et le monde continue à tourner.

 

Oui, mais ce n'est pas le même monde, et de temps en temps des exemples concrets viennent montrer que les questions formelles se traduisent très vite par des questions bien terriennes.

 

Pour une fois, c'est au Canada que ça se passe, autour du thème de la souveraineté alimentaire (les curieux regarderont du côté de Via Campesina, qui a inventé la notion en 1996).

 

Trois médecins de l'office Santé Canada - chargé du contrôle de l'alimentation -, ont été virés pour avoir protesté contre des pratiques telles que l'injection d'antibiotiques de croissance sans raison médicales, l'alimentation à base de déchets carnés, les pesticides et autres joyeusetés (cf. l'article, en français du Québec).

 

Depuis, l'un d'entre eux, en plus de porter l'affaire devant les tribunaux, a écrit un livre pour dénoncer la corruption des autorités sanitaires canadiennes, totalement laxistes devant les géants de la malbouffe.

 

Le Docteur Shiv Chopra, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a décidé de prendre les choses de haut, et de revendiquer la notion de souveraineté alimentaire.

Puisque les autorités fédérales sont lamentables, le Québec doit revendiquer sa souveraineté.

Cela lui permettrait de faire valoir une agriculture différente, raisonnée, diversifiée. Ca nécessite un cadre légal différent, et que le Québec gagne sa souveraineté partielle, au moins en matière de réglementation sanitaire.

C'est nécessaire puisque, très concrètement, un fermier qui vendait du lait non pasteurisé est, au Canada, en procès pour violation de l'obligation de pasteuriser. Hors certains experts sont venus affirmer que le lait non pasteurisé est non pas seulement aussi bon mais même meilleur pour la santé que le lait pasteurisé (lire l'histoire ici, en anglais).

Tout ça pour dire que le fait de perdre sa souveraineté, dans un domaine particulier et a fortiori en général, n'est pas sans conséquence.

Quand, en plus, on confie les compétences légales à un organisme qui décide à l'échelle continentale, c'est encore plus dangereux.

Car plus l'échelle des décisions est large, plus il y a de chance que les gens qui ont été admis à la table des négociations représentent des pouvoirs puissants (comme l'écrit excellement, à propos de réglementation alimentaire encore, la représentante d'un think tank américain : It's sort of a one-size-fits-all approach, and when its one size fits all, it's usually written by the big guy).

Voilà pourquoi tout devrait conduire à rejeter l'Union européenne : elle tue la diversité des législations, l'expérimentation formidable que représente 27 pays, recherchant chacun leur voie vers le succès, au profit de politiques imbéciles valables pour tous mêlant bons sentiments affichés et cynisme meurtrier mais discret.

Il y a donc de bonnes raisons écologiques à lutter contre l'Europe, qui par exemple entend réintroduire de force les OGM dans l'Union ; mais il y a plus généralement, un véritable besoin de défendre la biodiversité des législations, la lex-diversité, que représentent 27 souverainetés prenant des décisions dans tous les domaines, et comparant sans cesse leurs résultats.

Faute d'une prise de conscience à ce sujet, nous serons bientôt dans une euramérique triomphante, ou Monsanto, Siemens et  Axa feront la pluie et le beau temps sur la totalité de la planète.

Les alters devraient prendre compte qu'ils se fourvoient, comme le fait Bové en ce moment, en soutenant la construction d'une souveraineté européenne, par leur participation aux élections à venir et en négligeant l'importance de la notion de souveraineté.

C'est le Forum social mondial de 2009 qui a appelé au respect des droits collectifs des peuples, en une déclaration qui s'applique tout autant au peuple français qu'à n'importe quel autre peuple :

"personne ne peut profiter pleinement de ses droits individuels si le peuple avec lequel il se sent identifié n’est pas reconnu comme tel. Cela signifie que les droits individuels sont toujours minorisés si la personne à laquelle ils se rapportent, éprouve que sa communauté d’appartenance ne peut pas se comporter en tant que sujet de droits collectifs en ce qui concerne sa langue et sa culture ainsi que tous les domaines garantis par le droit à l’autodétermination. Ce sont les droits collectifs qui soutiennent de façon dialectique les droits individuels." 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=13245 Invité par "anti-OGM 31" (les faucheurs volontaires) à une table ronde je me suis retrouvé Dimanche sur une tribune face à 2/300 écolos pur jus et à coté d'un député au Parlement européen (PS), du vice président du conseil régional de Midi-Pyrénées, de F. Simon (Bové), d'une pétasse du NPA, et de divers élus de Gauche (dont le Front de Gauche). Dire que l'accueil fut chaleureux serait croire que Toulouse se situe au nord d'Helsinki, mais un tirant les ficelles des déterminants de la dissémination des OGM je suis parvenu à la commission européenne, nécessairement libérale, pro-américaine et.anti-démocratique, j'ai pu ainsi dire que Dupont-Aignan proposait sa suppression. Comme sans cesse revenait le mot souveraineté alimentaire, j'ai innocemment demandé si elle pouvait être séparée de la souveraineté populaire, laquelle mesemblait-il ne provenait que de l'exercice réel de la démocratie dans son seul cadre connu : les nations (la salle à grondé) mais comme j'ai embrayé sur le fait que les agressions "européennes" contre le "principe de précaution" n'étaient pas différentes ce celles contre l'éducation, et qu'elles avaient leur origine dans l'hyper-capitalisme financier j'ai fini par être accepté. Mon voisin député PS (assis à ma droite) défendant mordicus la commission, la machinerie Bruxelloise et le traité de Lisbonne, j'ai fait rire la salle en le désignant comme mon "voisin de droite"...<br /> Ce fut plus facile ensuite, lorsqu'il fut question des contrôles et d'une Europe à deux vitesses (pays pour et contre) de parler de frontières, de protection de notre agriculture et de nos terroirs, d'une Europe d'agences.<br /> Il est clair que l'anti-scientifisme et la tentation rétrograde gagnent du terrain dans ce milieu qui dégouline de bon sentiments imbéciles et de générosité dévoyée.
Répondre
E
Merci Maup ! Pour les OGM, je n'ai pas d'avis définitif sur le sujet et je n'aime pas du tout les arracheurs d'OGM. Mais je crois qu'il y a plusieurs dangers évoqués par leurs opposants : le danger direct (c'est pas bon pour la santé), le danger économique (il s'agit d'imposer l'utilisation de plantes produites industriellement), le dange de mutations incontrôlées des plantes non OGM qui voisinent avec les OGM et enfin le danger de la rédcution de la biodiversité...
Répondre
M
Bon article, eoncore une fois. Gus, Edgar et Malakine, les 3 mousquetaires qu'on vient consulter chaque matin.A part ça, en ce qui concerne les OGM, on ne sait plus sur quel pied danser depuis le dernier rapport d'experts qui avait annoncé que c'était sans danger... Je persiste à ne pas en vouloir dans mon assiette (même s'il y en a déjà, je sais bien), mais c'est une position qui n'est plus fondée apparemment...
Répondre
G
Oui, car de toutes façons, l'appartenance à l'Union et notamment les traités européens existants impliquent par ailleurs pour leurs signataires l'adhésion aux principes généraux du libre-échange et ce qui va avec : OGMs, malbouffe, plastiques suspects, études de toxicité freestyle pour les plastiques et les produits chimiques, etc.
Répondre
E
Gus, pour sortir de l'OMC, la France doit sortir de l'Union européenne puisque c'est l'Union européenne qui nous représente à l'OMC...
Répondre
G
Disons que la première étape d'un tel programme consisterait à demander sa radiation de l'OMC.Car l'appartenance à l'OMC est incompatible avec cette notion par laquelle on interdit pour des raisons éthiques, morales, qu'importe, à la merde internationale d'être librement commercée chez soi en concurrence libre et non faussée.
Répondre