La lettre volée

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Elections européennes, une fable

Imaginons que le supermarché du coin décide que la cantine scolaire va fermer, car c'est une atteinte scandaleuse au droit de la concurrence de nourrir des enfants à vil prix, alors que le supermarché du coin dispose de toutes les patates, carottes, purées et biscuits nécessaires.

Un référendum local a rejeté cette décision inique et antisociale, mais le maire l'a imposée après une campagne municipale consacrée aux dangers réunis de l'islam, du cannabis, de la dette publique et de Mai 68.

Imaginons ensuite que le supermarché du coin, sentant tout de même une vague désapprobation, décide de créer un conseil délibératif, qui permettra aux parents énervés de choisir la couleur des carottes et des patates que le supermarché leur fournira dorénavant, en lieu et place de la cantine publique.

Le conseil délibératif n'aura pas le droit de revenir à un système de cantine public, c'est gravé dans le marbre du réglement intérieur, et l'ordre du jour du conseil sera arrêté par le supermarché et le maire du coin. Le directeur du supermarché ne peut pas non plus être remis en cause par le conseil délibératif.

Les associations locales, pour la plupart, sont furieuses de la décision de suppression des cantines, mais comme aucune d'entre elles ne veut courir le risque d'êtres mises à l'écart, toutes vont proposer des candidats au conseil délibératif. Attention, ce seront  des candidats "alter". Alter quoi, on ne sait pas très bien, mais il paraît qu'avec les habitants des autres communes, dont le nombre grandit d'ailleurs de façon erratique, ils ont un plan.

En plus, comme les candidats ont des chances de passer à la télé et dans les radios, que les places au conseil délibératif sont confortablement payées,  ça permet de servir de rampe de lancement pour des associations qui viennent juste de changer de nom, ou de leader charismatique, ou viennent de se constituer.

Le maire et le directeur du supermarché se félicitent de cette attention, et acclament les alters, auxquels ils se feront une joie d'expliquer l'importance de ne pas remettre en question l'acquis communautaire, et les multiples raisons pour lesquelles ce qui est gravé dans le marbre doit le rester. Les vieux alter font d'excellents directeurs de supermarché d'ailleurs.

*

Une question : le jour du vote, est-ce que vous restez chez vous ? Est-ce que vous vous sentez concernés par les appels à "faire valoir vos droits démocratiques" ? Surtout lorsqu'ils émanent du directeur du supermarché.

Est-ce que vous encouragez les associations fourvoyées qui se précipitent dans ce truc parce qu'il y a de la lumière ?

Est-ce que vous pensez que vos ancêtres, qui se sont battus pour la démocratie et le suffrage universel, pensaient une seule seconde à ça ?

*

S'il vous plaît, à ceux qui décideront de s'abstenir aux européennes de juin, évitez de sortir des arguments spécieux sur la démocratie. Elle n'est pas concernée à cette occasion. (et je sais que les cantines ne sont pas -encore - remises en cause par l'UE. C'est une métaphore pour l'ensemble de nos services publics, dans le cadre d'une fable à valeur heuristique.)




 
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M
va falloir que je fasse encore plus le menage decidemment ;)
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E
J'aime bien la socio aussi, mais je ne suis pas un grand connaisseur. Dans mes lectures récentes il y a le très bon La barrière et le niveau, de Goblot.
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M
hehe, je vois que vous m'avez profilé ;)big brother is watching you...mes convictions ne datent pas du dernier ( ni meme du precedant ) referendum. Elles sont nées quand j'ai commencé a penser le monde...mon interet pour la japon est assez marginal comparé a cela. Mais bon, c'est aussi lié a ma formation. profilez encore ;)
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E
C'est exactement ça la démocratie : elle repose sur la composition des croyances des uns et des autres. Quand on essaie de faire en sorte que chacun croie la même chose, ça s'appelle une dictature.Qui sait si les arguments que nous échangeons ne nous ferons pas changer d'avis dans quelques mois ou années ? D'ici là il ne sert à rien de vouloir forcer quiconque à changer d'avis.Par ailleurs, entre fans du Japon on a certainement des opinions communes sur d'autres sujets...
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M
une belle conclusion donc...tout repose sur nos croyance et nos vouloirs, chacun les siens...
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E
C'est "tautologie", pas totologie...La réalité historique de la construction européenne est indéniable, tout comme celle de la croissance de l'agglomération nantaise dans les vingt dernières années. Savoir si cette réalité doit mener jusqu'à un état européen est un point qu'il ne vous appartient pas de trancher.Pour ce qui est des multiples consultations référendaires auxquelles vous faites allusion, je vois Maastricht de gagné, et le TCE, plus récent, de perdu. Libre à vous de conclure que cette somme de résultats fait naître une démocratie européenne, un peuple européen,pour ma part je ne le crois pas.
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M
- regarder passer les train : je ne pensais pas a notre TGV national mais aux vaches qui broutent dans le pres et levent quelquefois la tete...sans rien faire d'autre. il n'est pas question de vitesse dans cette metaphore mais de contiunité de l'action politique, et de non renoncement a l'action.- vos arguments sur un "corps europen" sont totologiques et vous le savez.D'une part, ils font l'impasse sur la realité historique, celle de la construction europeenne, de la seule façon qu'elle le pouvait ( a partir des etats qui les composent en les depassant peu a peu, et qui abouti d'ailleurs maintenant a un debut de corps europeen). Au passage, vous faites aussi l'impasse sur toutes les consultations referendaires, notamment celle de Maastricht en france, qui a bien fondé la creation de l'UE telle que nous la connaissons.De ce fait, cette cecité obstinée vous permet de conclure par une belle totologie: pas de corps europeen, donc pas de democratie europeenne,...c'est sur que si on refuse la construction d'un tel corps a priori, la democratie europeenne ne peut pas emerger.Vous en revenez toujours la.Si vous ne voulez pas d'une democratie europeenne, et pensez que la nation est le parangon du beau et du bien, c'est tout a fait legitime.Il n'y a pas besoin de circonvolutions, juste de l'affirmer comme un postulat ( comme vous le faites d'ailleurs generalement)
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E
C'est vous qui avez dit qu'il ne fallait pas regarder passer les trains, c'est une injonction à faire vite. Assumez un peu vos propos, sinon la discussion n'est pas intéressante.Pour pouvoir faire de la France une minorité, il faut avoir décidé qu'il y a un corps électoral européen dont la France ne serait qu'une région. A ma connaissance personne en France n'a jamais été consulté sur ce point, qui n'a pas été approuvé par d'autres que par des eurobéats qui ont envie d'aller plus vite que la musique.
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M
c'est vous qui parlez de vitesses et de fachisme, pas moi, ce ne sont pas mes arguments.Le TCE tel qu'il etait a été rejeté, un autre texte, modifiant le premier, et apportant des reponses aux doleances ( difficiles a faire emerger) a ete redigé. la reference a une concurrence libre et non faussé y a été supprimé entre autres ( sans commentaires)Je vous ferrai remarquer au passage que le vrai procedé non democratique, c'est qu'une minorité (française ) impose ses amendements sans l'avis des autres (ou malgré leur avis, l'avis referendaire espangol, et l'avis des parlements des autres pays)C'est encore plus falgrant aujourd'hui, car le texte est a nouveau re-amendé apres le vote irlandais, pour la preservation de "leur commissaire" (entre guillements, car il n'y a plus un commissaire par pays), leur interdiction de l'avortement ( qui n'etait pas une attribution du traité), leur neutralité ( qui ne l'etait pas non plus) etc...Malgré tout, avec ces imperfections ( dont je me plain), c'est cela qui s'approche le plus de vraie la democratie: un processus constant de consultations populaires, negociations, consensus...
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E
Il ne s'agit pas de regarder passer les trains, mais de considérer qu'un texte qui a été refusé pour des raisons qu'il n'est pas possible en effet d'analyser en détail, a été imposé au peuple français.L'argument de la vitesse fait partie de la panoplie fasciste depuis le futurisme de Marinetti. En effet, la dictature, ça va plus vite.
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