La lettre volée

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Elections européennes : l'abstention comme meilleur choix

Echangeant par courriel avec l'un de mes lecteurs, je me suis fait reprocher de me placer au niveau d'un blog d'ado de Skyrock... Ca m'a rajeuni...

Il s'agissait des élections européennes, pour lesquelles j'exprimais ma préférence pour l'abstention. De fait, l'abstention est, en matière européenne, le seul choix convenable, pour trois raisons.

1. l'Union européenne se fiche de la démocratie

Vous vous souvenez d'avoir voté non en mai 2005 au Traité constitutionnel. Vous l'avalerez tout de même après changement de nom de baptême. Les irlandais feront de même, comme les néerlandais. L'Union européenne est un processus qui se passe parfaitement de tout débat démocratique.

Les défenseurs de l'Europe véritable (prononcer les "vrais européens", comme s'ils détenaient des morceaux de la vraie croix), vous expliqueront que justement, le Parlement européen est le levier rêvé pour démocratiser le système. Manque de chance, le Parlement n'a pas plus de pouvoir avant qu'après le TCE. Un plus grand nombre de textes passera en codécision, mais ce détail de procédure n'enlèvera rien au fait que le Parlement n'aura toujours pas de droit d'initiative et restera très majoritairement à droite.

La seule démocratie qui intéresse l'Union européenne consiste en des sondages en ligne sur lesquels il est extrêmement facile, et confortable, de s'asseoir.

2. Le successeur de Barroso sera Barroso

Marque immanquable des pouvoirs tyranniques, l'alternance en Union européenne est impossible. Popper voyait dans la démocratie le seul régime capable de renvoyer chez lui un pouvoir néfaste. L'Union européenne n'est clairement pas dans ce mode de fonctionnement. Après l'élection, comme avant, Barroso restera président de la Commission - sauf si Sarkozy et Merkel changent conjointement d'avis. Le Parti socialiste européen, dont le PS français est la section locale, a annoncé qu'il n'opposera personne à Barroso. Voter PS en France ce sera donc voter Barroso, et, de toute façon, voter quoi que ce soit d'autre reviendra à avaliser Barroso II puisque c'est lui qui sera élu.

Quel que soit votre vote, il sera interprété comme un assentiment à la construction européenne, et c'est la seule chose qui importe aux croupiers de ce grand casino, que sans cesse vous remettiez des plaques en espérant vous refaire.


3. La seule réponse à la parodie d'une consultation c'est l'abstention

Dans ce contexte, voter aux élections européennes revient à remettre une pièce dans la fente pour une partie de plus. Il ne s'agit pas d'écrire que droite ou gauche c'est bonnet blanc et blanc bonnet, il ne s'agit pas d'antiparlementarisme. Il s'agit simplement de réalisme et du constat que quel que soit votre choix de juin, le résultat sera identique parce que le système européen est verrouillé pour produire des politiques libérales et rien d'autre.

Au fond, est-il bien raisonnable de voter pour doter d'une assemblée parlementaire ce qui n'est encore qu'un traité de libre échange (que Pierre Mendès France rejeta en son temps et pour cette seule raison, ce qui fait de lui, même mort, l'un des seuls visionnaires de notre époque) ?

L'OMC, au moins, ne se prend pas pour une démocratie (c'est là que mon correspondant a craqué. Certes, il y avait un peu de provocation à prétendre préférer l'OMC à l'Union europénne, mais le raisonnement se tient : l'une au moins de ces institutions assume son caractère entièrement technocratique).

S'il faut réellement placer ses espoirs dans l'amélioration d'un système de décision branlant, autant s'intéresser à l'ONU plus qu'à l'Union européenne. Les sujets ne manquent pas qui seront plus sérieusement traités au niveau international qu'au niveau de la petite et vieille Europe : réchauffement climatique, crises financières, tensions nord/sud, Moyen orient ; autant de sujets sur lesquels l'Union ne pèse en rien et ne contrecarre en rien le poids américain.

Rationnellement, il n'y a donc aucune raison de voter aux élections européennes, c'est même prêter sa voix à une mascarade.

La seule chose qui puisse me faire éventuellement changer d'avis,qui puisse contrebalancer cette analyse serait de considérer les élections européennes comme un scrutin purement local. Compte tenu en effet de la dégradation du climat social, les élections européennes peuvent être un moyen d'envoyer un signal fort à Sarkozy (qui s'en fiche) et au Parti Socialiste (un score élevé de La Gauche et du NPA lui indiquant clairement la bonne direction). Je rappelle au passage que voter PS ce sera voter Barroso, le vote PS me paraît donc à exclure.

Au final, les seules bonnes raisons de voter aux européennes seront strictement nationales. Ne serait-ce pas une excellente raison de rester chez soi ?




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M
amusant comme chaque epoque a ses boucs emissaires....c'est evidemment plus facile que de commencer a chercher les problemes la ou ils sont.A propos des elections europeennes donc, sont encore bien imparfaites. Mais personnellement, je me suis abstenus aux dernieres elections françaises :Le sarko-sego, comme formule "nationale" de democratie, suivi d'elections pour un parlement français purement décoratif, entierement soumis a un monarque republicain...Franchement, a coté de ça, les elections europeennes ont au moins le merite de la proportionnelle...Mais bien entendu, comme chacu, sait, sans l'UE, tout serait tellement mieux...
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F
Ca c'est l'héritage Mitterrandien. Tous les mitterrandiens ont appris à parler comme des curés.<br /> Mais le PG a quelques bons côtés
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D
"Mais les bobards ont volé bas pendant toute la campagne, et dans les deux sens".<br /> Avec Melenchon, c’était un tir nourri."Mélenchon en curé c'est assez comique..."<br /> Bah. Il a ses ouailles et sa  petite église, et quand il prêche contre l’UE il ne manque que les flammes et les éclairs.
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E
Mais les bobards ont volé bas pendant toute la campagne, et dans les deux sens. Souvenez-vous que la victoire du Non c'était la guerre pour beaucoup de bien-pensants. Souvenez-vous qu'il n'y avait pas de plan B, ce qui n'a pas empêché le camp européen d'en trouver un pour contrer le non français.Mélenchon en curé c'est assez comique...
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D
"si je vote ce sera Mélenchon, mais vous le considérez peut-être comme un souverainiste".<br /> Eh bien je considère qu’il existe des souverainistes intègres et ranger Melanchon dans cette catégorie  après toutes les bobards qu'il a débités durant le referendum (ex: son pipeau sur le droit de lock out), me semble un acte de foi pour moi impossible. Mais je comprends mieux votre comparaison cléricale à présent. Cela sentait le vécu.
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E
Non, si je vote ce sera Mélenchon, mais vous le considérez peut-être comme un souverainiste. Après tout, vous trouvez l'Union eruopéenne démocratique, à partir de là beaucoup de choses deviennent possibles.
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D
Tiens, c’est la première fois que l’on me compare à un curé.<br /> Bon. Restez chez vous le jour des élections européennes, puisque c’est votre idée, cela fera moins de voix pour les souverainistes (je suppose) c’est toujours ça de pris.
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E
Vous voulez dire qu'il faut que nous nous contentions des minces droits que nous octroient les gentils européens, qui sont bien inférieurs à ceux dont nous bénéficiions antérieurement, en disant merci.Vous me faites penser à un curé qui calmerait ses pauvres.Par ailleurs, quand bien même une majorité alter se dégagerait du Parlement, la seule contrainte pour les membres du Conseil serait de devoir proposer un ex maoiste vaguement vert  et giscardien (genre Cohn bendit) au lieu d'un ex maoiste formé à Georgetown university.Je suis d'accord avec vous : l'Union européenne n'est pas tout à fait au niveau chinois en matière de démocratie, mais l'Irak se rapproche de nous avec ses élections régionales : des élections gadgets avec un gouvernement choisi par ailleurs.
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D
"...l'alternance y est par exemple impossible".<br /> Surtout si les opposants s’abstiennent de voter ! Bien sûr que l’alternance est possible : il faut qu’une majorité de députés « autre » soit envoyée au PE par les électeurs. Et alors, la composition de la Commission européenne devra en tenir compte (c’est prévu par les traités et notamment le traité de Lisbonne) sinon pas d’investiture. Mais peut-être pensez-vous que vos idées ne sont pas majoritaires.<br /> "Vous pouvez tenter de faire prévaloir une acception dégradée de la démocratie", <br /> Une fois de plus, vous présupposez. Mon idée est, tout simplement, qu’il faut saisir les droits dont nous disposons (et encore une fois, d’autres dans le monde voudraient les avoir) pour se faire entendre.
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E
"votre" vérité. Il n'y pas des vérités, il y a des choses vraies et des choses fausses. Il est faux d'écrire que l'Union européenne est une entité démocratique, l'alternance y est par exemple impossible.Vous pouvez tenter de faire prévaloir une acception dégradée de la démocratie, c'est une autre façon de renouer avec le vrai. Il n'en reste pas moins que si vous réussissez à faire passer l'UE pour une institution démocratique, vous aurez considérablement abaissé le seuil de l'exigence démocratique.Libre à vous d'estimer que le jeu en vaut la chandelle, pour moi je pense que vous jouez avec le feu.
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