La lettre volée

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Eric Yung, La tentation de l'ombre

Un récit intéressant, un peu décalé. Décalé car j'avais lu qu'il s'agissait de l'histoire véridique d'un flic retiré de la poilice pour avoir refusé de couvrir les explications officielles relatives à l'assassinat du prince Jean de Broglie. Et j'attendais un récit détaillé de l'événement.


En réalité, il s'agit plus, comme dans « un juge s'en va », de Laurent Leguevaque, de l'histoire d'un homme déçu de l'inhumanité de l'institution à laquelle il appartient. L'affaire de Broglie n'est évoquée que vers la fin, rapidement, comme la goutte d'eau qui fait déborder la vase. Ce qui est décrit plus finement, c'est l'évolution d'un jeune entré dans la police républicaine et qui y découvre des pratiques nauséabondes : combines avec les indics, indifférence absolue à la violence, misère humaine des policiers, rien n'a de quoi pousser à une grande solidarité professionnelle.

Eric Yung n'est pas un ange : ami d'Yves Mourousi (nommé Eric dans le livre, mais comme il subit un attentat en 1978 dans le livre, il m'a été facile de retrouver cette info : 1978 Yves Mourousi, journaliste présentant le journal télévisé sur TF1 échappe à un attentat à la bombe sur le palier de son domicile à Paris. L'attentat est revendiqué par le Front franco-arabe du refus.), il entretient lui aussi son indic, se drogue, carbure aux amphétamines pour tenir l'alternance fêtes la nuit et planques le jour. Sur les combines policières, on voit la police fournir elle-même armes et voiture volée à un braqueur sous surveillance, via un indic, pour accélérer le passage à l'acte. En lisant cela, on se dit que le film de Xavier Beauvois, Le petit lieutenant, peut représenter une version très édulcorée du livre de Yung, ou même on donne raison à Aragon lorsqu'il affirme que la réalité est plus grande que le roman, et qu'un roman doit être moins fort que le réel pour rester crédible.

Le livre est donc centré sur Eric yung plus que sur l'affaire de Broglie, mais ce n'est finalement pas plus mal. Il a un grand sens du récit, et un style qui lui permet de beaux passages. Ainsi, sur le Paris des années 70 :

« Depuis quelque temps, les Parisiens avaient le sentiment de vivre dans l'insécurité. Il est vrai que le paysage urbain avait été bouleversé. La ville n'était plus tranquille. Des quartiers entiers disparaissaient. Les maisons de Paris, ces bâtisses aux toits de zinc qui, autrefois, faisaient les délices des peintres et des photographes, étaient dévorées les unes après les autres par de grosses machines aux bouches mécaniques. Les habitants fuyaient loin pour se regrouper dans les tours des banlieues tandis que s'élevaient, là où ils avaient été enfants, des hauts murs de béton recouverts de verre ou de fausses pierres de taille ou de marbre. »

Et pour en savoir plus sur l'affaire de Broglie, une base de départ.

Un bon livre, par un homme qui est aujourd'hui producteur à france Inter.

 

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G
Bonjour,Je me tiens à la disposition de celui qui voudrait avoir d'autres informations.Guy Simoné (ex-ooficier de police judiciaire)06 18 62 22 16Voir mon livre "Imbroglio comme de Broglie" publiée en octobre 2006 chez Dualpha.Et ce n'est pas fini....
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