Encore un texte d'Invité donc. Aujourd'hui c'est un papier d'Olyvier que je vous propose. Initialement c'est un commentaire d'Olyvier sur le blog de Jean Quatremer, que j'ai trouvé bien tourné et que j'ai donc proposé à Olyvier de passer ici. Je me suis contenté de rajouter les citations originales pêchées sur le blog de Quatremer, pour que le lecteur puisse se faire sa propre opinion. Grâce à Quatremer nous savons qu'en mai 2005, la France a compté 55% d'électeurs "évidemment racistes".
Ravis par la divine surprise sarkozyste, galvanisés par l'effacement de notre NON national un 4 Février à Versailles, gourmands de la paupérisation de leur peuple (c'est aussi cela, sociologiquement et historiquement, l'aliénation d'un peuple : la trahison des élites confortées dans leur rôle dirigeant par la puissance occupante), le camp du OUI adopte une stratégie de confrontation directe avec tout ce qui, en notre sein, pourrait tenter de formuler une critique sociale, politique et morale [des aphorismes et évidences de notre temps communicationnel. Cette stratégie n'a qu'un but : faire plier, coûte que coûte. Intimider. Réduire. Moquer. En un mot : punir.]
Ainsi, alors que je réagissais à un propos de Jean Quatremer, correspondant euro-enthousiaste du quotidien Libération, au sujet de la Serbie et du Kossovo, l'injure est tombée sur son blog, coupante et méchante : Quatremer m'a traité de raciste. Et rien de moins.
Revenons un instant sur les faits.
Selon Quatremer, « tout allait bien au Kossovo avant que les serbes... »
J'ai alors rappelé dans un commentaire que la tension au Kossovo est ancienne, que les albanais de ce territoire ont aussi été les acteurs d'intimidations et de violences contre la minorité serbe, que ceci est même à l'origine de l'emballement guerrier de la fédération yougoslave, puisque c'est suite à une manifestation de serbes du Kossovo, très durement réprimée par les autorités locales, que Milosevic s'est fait un nom en Serbie et a gagné le pouvoir.
J'ai ainsi refusé que s'oppose à l'idyllique Kossovo, une passion sanguinaire et unilatérale des serbes. J'ai refusé qu'un seul peuple soit ethniquement coupable quand un autre serait aussi éthniquement innocent. J'ai estimé que le rôle d'un journaliste est d'introduire de la complexité, et non pas un de ces faciles « tout allait bien avant... » :
Quatremer écrit : "le Kosovo allait très bien jusqu'au moment où les Serbes" Selon Quatremer et les intérêts européens qu'il sert, il n'y a pas eu de Serbes battus par des militants kossovars AVANT la prise de pouvoir par Milosevic.
Il n'y a pas, il n'y a jamais eu, il ne peut pas y avoir de violence albanaise.
Le processus politique qui a abouti à la nomination de Milosevic n'est pas le fruit d'un engrenage au Kossovo - engrenage de vexations, violences et intimidations dans lequel les Kossovars auraient au minimum une part de responsabilité. Non, ceci est impossible.
Il est officiellement impossible que des serbes affolés par l'affaiblissement de la fédération et soumis à des violences sporadiques kossovars se soient tournés en désespoir de cause vers leurs compatriotes. Il est officiellement impossible que ces manifestations serbes au Kossovo aient été réprimées si durement qu'un homme nommé Milosevic avec le seul slogan "personne n'a le droit de vous battre" soit devenu soudainement populaire.
Il n'y a pas d'engrenage, il n'y a pas de complexité, il n'y a pas des intérêts étrangers, dans les guerres de Yougoslavie.
Le processus politique qui a abouti aux guerres de l'ex-Yougoslavie départage, selon Quatremer, des innocents (qui n'ont fait que se défendre) à des coupables (qui ont commencé). Toute personne qui viendrait à défendre une complexité serbe serait inspiré par le Malin.
Au commencement, donc, était le mal serbe et la pureté kossovar.
Les serbes se sont réveillés un matin avec l'envie de violer et d'égorger, alors que les kossovars faisaient paître des chèvres.
C'est Cain et Abel.
Le mal est d'un côté. Il ne forme pas système. Il ne s'entrecroise pas. Il est identifiable, dénonçable, punissable, bombardable.
allez, censure une fois de plus, Quatremer, espèce de "démocrate européen du 4 Février".
Jean Quatremer, en flagrant délit d'approximation idéologique, a sorti l'arme fatale : le point commun entre mon NON à l'Europe et les serbes serait... le racisme :
La réaction de Quatremer est passionnante. Elle éclaire le paradigme moral du camp européen.
Tout d'abord, elle signe un agacement : telle une mouche qui n'a pas rencontré sa tapette, le NON s'obstine à buzz-buzzer dans les coins, perturbant ainsi la sieste politique de la gauche modérée, bien décidée à laisser faire l'occupant - entre deux banquets de chez Bolloré.
Mais l'accusation « noniste, donc raciste » témoigne surtout d'une stupéfiante naïveté.
À longueur de colonnes, Quatremer s'auto-intoxique de vérités simples et immédiatement lisibles, de dichotomies apaisantes, de cristallisations in vitro du bien et du mal.
D'un côté, l'humaniste ouvert (Quatremer, Joffrin, Jouyet...), de l'autre les affreux jojos flirtant avec le côté obscur de la force. Pour Libé, il y Cain et Abel et entre les deux, personne.
Noniste et pas ennemi de la Serbie ? C'est DONC un raciste !
L'injure teigneuse aurait dû anéantir mon propos : je m'obstine à buzz-buzzer, en attendant que les délicats de Libération se frottent d'un peu près à la virile et ennivrante démocratie albanaise.