La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

François Fillon, cet authentique européen

Ce billet n'est pas de moi. Il m'a été adressé par Gus, dont je ne sais s'il n'a pas pu/voulu le publier sur Publius, dont il est (encore ?) l'un des piliers. En réponse à ce que Gus m'a d'abord adressé comme un commentaire, je me demandais si c'était du premier ou second degré. Je crois qu'il faut le lire comme un hommage à ceux qui se sont raisonnés après avoir exprimé ce qu'ils avaient dans le fond du coeur, contre notamment les contorsions d'un PS que l'on sent plus soucieux d'équilibres internes que de cohésion. Je ne suis pas complètement Gus, je suis sans doute plus radical que lui envers l'Union européenne, mais peu importe, j'ai apprécié sa contribution au débat public, j'aimerais pouvoir continuer à le lire.                                                 
J'inaugure donc par la même occasion une rubrique Invités, où devrait figurer demain un billet d'Olyvier, et puis d'autres si cela intéresse notamment des commentateurs réguliers ici qui n'ont pas/plus/pas encore de blog.                            



J'entendais un jour craindre que je ne sois procureur. Je vois pourtant bien un homme qui, pour cette raison précise ou plutôt, au motif que les français ne craignent pas la vérité, ne craindra pas mon hommage : cet homme est à mes yeux des plus authentiques défenseurs de l'Europe : celle qui, institution bien plus que réalité, mérite pour cela majuscule. Le nom de cet homme est François Fillon : notre Premier Ministre.

Il se trouvera toujours des hommes pour dire qu'il est malaisé de réconcilier l'exigence de vérité et l'ambition démocratique. Ceux-là trouveront toujours une place dans la mythologie que construisent leurs discours soit au moyen de subventions publiques, soit dans l'ombre d'intérêts bien compris . Il existe pourtant des hommes pour qui nul idéal démocratique ne vaut s'il ne s'accompagne d'une certaine exigence de vérité. Tel est François Fillon.

François Fillon, pour cette raison, fit autrefois campagne contre cette construction européenne qui fait aujourd'hui actualité. Il a même voté, en sa qualité de représentant élu, conformément à ses convictions et sans nécessairement attendre de la direction de son parti de savoir comment employer le mandat constitutionnellement non-impératif qui était le sien, contre une certaine idée de la contruction européenne.

Mais il est désormais, comme nous tous, embarqué dans cette vision. Et, dans la vision des choses qui est celle d'un démocrate, il n'a fait qu'une succession de choix logiques, honorables, et exemplaires. C'est certainement à la réserve et au devoir de loyauté que lui imposent ses responsabilités, qu'on doit de ne jamais l'entendre s'exprimer sur ces sujets autrement qu'en termes convenus, si hâtivement dénoncés par les socialistes : comme si nos concitoyens n'étaient pas capables de reconnaître le caractère convenu d'un propos !

Citoyen comme lui, je me proposerai donc d'en répondre, en mon seul nom, tout en exposant en quoi les motivation de cet honnête homme, ce véritable démocrate et cet européen de coeur qu'est François Fillon, peuvent tout à fait s'accorder d'attitudes plus complexes qu'une adhésion éternelle et inconditionnelle à un processus initié il y a cinquante ans. J'exposerai par ailleurs en quoi de telles convictions de démocrate et d'homme de progrès sont par contre incompatibles avec une adhésion inconditionnelle et éternelle à ce même processus.

La création de l'Euro a été le moyen pour la France d'inspirer confiance aux bailleurs de fonds sans lesquels son train de vie ne serait certainement plus, depuis fort longtemps, celui d'une grande nation. L'Euro était donc le moyen d'échanger l'indépendance et la fierté, sans doute mal placée, d'une nation, en contrepartie du confort procuré par le moyen de payer à crédit tout ce que savent produire les pays asiatiques en si massives quantités. Certes, il existait d'excellentes autres raisons de faire l'Euro, surtout si on avait profité de la formidable occasion que représentait sa création pour entreprendre le lent processus d'ajustement entre ressources et dépenses privées et publiques. J'en conviens, et rares seront ceux qui en disconviendront. Pour autant, cela revenait à renoncer à certaines libertés politiques, auxquelles tenait sans doute Philippe Seguin, François Fillon, et tant d'autres, et auxquelles à vrai dire, je ne tenais pas moi-même, comme tant d'autres.

Le peuple s'est alors prononcé. La France s'engagea. L'Euro fût, et désormais est. Les déficits, publics et privés, s'ajustèrent à la nouvelle capacité d'endettement acquise au prix de ces renoncements, et il n'est guère imaginable de revenir désormais là-dessus, du moins, rapidement.

Mais la France s'était alors engagée à payer un certain prix : et c'est aujourd'hui ce prix qu'il lui faudra payer. En numéraire tout d'abord, mais cet enjeu-là reste mineur. En soumission aux règles qui font prospérer les bailleurs, mais ce sujet n'est pas mon sujet du jour. Car en demandant l'Euro, la France s'est également engagée à rendre ses finances publiques (et privées !) solidaires des finances publiques et privées de tous les autres états de la zone euro.

En France, nous le savons, nous jouissons d'un système de retraite d'un excellent rendement pour les cotisants, auquel nous sommes très attachés. On s'en souviendra, il s'affirma, à droite comme à gauche, qu'une réforme de ce système de retraites auquel nous tenons était nécessaire en 2003. On s'en souviendra : François Fillon est l'homme qui mena cette réforme, demandée par les règles de la zone Euro, conséquence de l'appartenance à la zone Euro. Il était donc logique que l'Union sache le reconnaître comme un homme d'état capable d'apprécier et affronter les engagements de son pays. Qui donc parmi ces misérables pitres qui envahissent nos écrans au titre de leurs qualités de politicien peut donc en dire autant ? Qui d'autre parmi les hommes politiques français du moment peut alors prétendre participer à la construction européenne ? Jouyet ? Rocard ? Kouchner ? Parlons donc de leurs bilans respectifs plutôt que de leurs postures ! Jouer, singer, déclamer, adhérer n'est pas être !

Avant la création de l'Euro, l'Etat pouvait toujours reporter à l'infini ses engagements financiers, moyennant quelque prime versée à qui consentirait à le financer. Tel n'est plus le cas depuis l'Euro, en des termes négociés douze ans avant la création de l'Euro, validés, eux, par référendum. Et l'une des clés de voûte de l'excellent rendement de notre système de retraites est la caution d'Etat dont il jouit.

On le sait par ailleurs, ni Jospin, ni Raffarin ni Villepin, trois grands européens me dit-on, ne s'attachèrent réellement à résorber significativement les déficits publics. François Fillon y parvint. La disgrâce qui l'éloigna du coeur de Jacques Chirac est ici aux yeux de tous les européens son meilleur titre de gloire.


Qui alors pouvait douter que François Fillon serait le premier Premier Ministre de Nicolas Sarkozy alors même que de l'aveu même des auteurs de la réforme de 2003, le couvert serait à remettre pour 2008 ?

Depuis l'Euro, l'Etat ne peut plus simplement user de sa souveraineté pour rejeter les questions de financement public au dela de l'horizon des générations lointaines. L'Etat, français, est engagé : vis à vis de ses banquiers, mais ceux-ci ne demanderont toujours qu'à prêter, mais surtout, vis à vis des états voisins. Car emprunter n'est pas gratuit, mais le prix réel de l'emprunt est solidairement partagé par tous. Et c'est pour cette raison que tous les pays de la zone Euro ont leur mot à dire sur toutes les décisions ayant un impact financier prises par les autres pays de la zone Euro.

L'Europe pour laquelle nous signerons ce soir sera celle-ci, et nulle autre : au nom du peuple français. Et s'il est un homme en France qui peut prétendre l'incarner, la faire exister, la construire par ses actes et pas seulement par quelques singeries, c'est bien François Fillon. Et je ne m'en réjouis pas.


Schopenhauer nous affirme qu'il est impossible de démontrer que quelque chose n'existe pas : ainsi vont les mythes socialistes sur l'Europe : contre l'évidence, nier à toutes forces la valeur des engagements signés, le sens littéral du contrat, prétendre que rien n'est impossible dans l'avenir, que rien ne garantit que les mêmes hommes socialistes avec les mêmes moyens, socialistes ou non, ne réussiront pas demain en ce à quoi ils ont avec constance échoué hier. Lies, darn lies, and socialists.





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G
Ma participation à Publius ne fait pas à ma connaissance objet de quelque questionnement que ce soit. Ceci dit, la date de ce jour méritait, à mon avis, d'être soulignée en remémorant aux signataires du contrat quel était exactement le contrat qu'ils signaient, et ce qu'impliquait d'être un homme politique français en europe. Même si je fais évidemment preuve de quelque malice en me moquant ouvertement des quelques jésuites prompts à qualifier François Fillon "d'européen à mi-temps" en assortissant leurs propos sur l'europe d'une emphase pour le moins convenue, je tenais surtout à souligner que toute société est un pacte entre citoyens. Qu'un pacte, dans un état de droit, est un texte. Que ce texte est surtout un ensemble d'engagements réciproques : et que ce n'est pas en niant l'existences des engagements pris auprès de l'Union qu'on construit l'Union : c'est, je crois, ce que dit Emmanuel en d'autres termes.Si je prends alibi de la date pour motiver le caractère tragique et caustique de mon propos, c'est certainement par choix personnel plus qu'autre chose. Suffisamment personnel pour que je choisisse de ne pas publier sur Publius.à part ça, la saison de ski approche. Ensuite, le 26 février, une séance de travail du Parlement Européen est prévue sur les arrêts Laval et Viking. Bien que l'envie m'en démange d'avance d'aller en découdre, frais, bronzé et reposé sur ces sujets lorsque les résultats de cette séance de travail seront rendus publics (à peine 48h après, normalement : pile-poil pour les élections du 9/3 à suivre), l'intérêt du débat exigerait pourtant que quelqu'un prenne ce travail en charge de manière moins passionnée.
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