La lettre volée

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Le problème des banlieues vu par une française de Londres

Hallucinant de voir à quel point nous, les français, pouvons être capables d'auto-dénigrement. Dans une interview à Libé, Danièle Joly, une chercheuse française qui travaille au Royaume-Uni, nous joue un numéro incroyable sur le thème les anglais sont géniaux et les français sont nuls.

Elle remonte aux incidents britanniques à Brixton, pour souligner la qualité de la réaction britannique : un rapport d'enquête, un rapport parlementaire et tout va mieux. Je ne sais pas exactement combien de rapports ont pu être consacré aux problèmes d'intégration en France, mais je doute que nous ayons quoi que ce soit à envier à nos voisins en nombre de pages écrites.

Puis, un éloge de la décentralisation harmonieuse à la britannique : demandez à Sean connery pour l'Ecosse ou, surtout, aux irlandais, s'ils sont d'accord avec cette version idyllique des choses.

La supériorité du Royaume-Uni : "[..] l'existence d'outils efficaces contre la discrimination, qui ont fini par imposer l'adoption d'une certaine terminologie, instituer des interdits dans l'emploi d'un vocabulaire insultant, favoriser l'accès à l'emploi..." J'ai comme un doute sur le fait que rien de tout cela n'existe en France. Elle cite ensuite une étude qui prouverait que les prisonniers musulmans sont plus heureux au Royaume-Uni qu'en France. Outre que le bonheur en prison est un concept étrange, je ne sais pas si l'on peut prouver quoi que ce soit avec de tels sujets.

Après cela, Danièle Joly nous explique que grâce à une politique différencialiste et communautaire, la Grande-Bretagne a réussi là où la France a échoué. Le journaliste, peut-être un peu énervé par tant de manichéisme, finit par faire remarquer que c'est au Royaume-Uni que de jeunes musulmans ont fait sauter des stations de métro récemment. Réponse stupéfiante : "Gare aux amalgames ! On fait très souvent l'amalgame entre islam dit intégriste et islam radical, qui revendique jihad et attentats. C'est très dangereux." Traduction : les intégristes c'est bien, les radicaux c'est dangereux. On frôle le surréalisme.

Plus loin, il faudrait que la France s'excuse de la colonisation. Peut-être, mais sur ce sujet compliqué, il ne faudrait pas faire croire que les britanniques n'ont jamais colonisé personne. Ou encore, il faudrait se rappeler qu'une forme subtile du racisme, différentialiste, rappelée par Pierre-André Taguieff, consiste à considérer que chaque communauté est un monde clos, et qu'aucun point commun ne peut être trouvé entre Eux et Nous.

Bouquet final : "la France est contrainte de lutter activement contre la ségrégation, grâce à l'Union européenne : deux directives sont à intégrer, l'une sur l'emploi et l'autre sur les discriminations, issue de l'article 13 du traité d'Amsterdam. Ce travail législatif est en cours, mais avec quels moyens ? Il faut accepter de diagnostiquer la maladie : vous ne pouvez pas lutter contre quelque chose que vous ne connaissez pas. Nos sociétés font face à une reformulation complète, le mythe de l'homogénéité est mort, la République une et indivisible, c'était révolutionnaire... en 1789. Mais elle va à l'encontre du zeitgeist européen et international : l'esprit du temps, c'est la reconnaissance des différences culturelles, ethniques, régionales."

On frémit : la France aurait attendu des directives européennes pour se soucier de lutter contre les discriminations* ! 1789 c'est fini ! Vive le zeitgeist !

Quelle confusion intellectuelle ! Quelle m... étalée sur deux pages !

C'est pitoyable et c'était sur Libération, le 27 novembre dernier.


* il faut signaler par exemple que la loi Pleven de 1972, dite "contre le racisme", interdit par exemple les discriminations à l'embauche. L'article 13 du traité d'Amsterdam n'était pas encore écrit...




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