La lettre volée

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Pierre Manent sur l'Europe

Le Monde du 3/12 donne une interview très intéressante de Pierre Manent. L'homme est honnête et ses livres de philosophie politique - son thème de recherche - sont passionnants.

Il m'avait échappé qu'il était favorable au Non, en mai dernier, et j'ai découvert cela avec plaisir. En des termes clairs et pondérés, il fait ressortir clairement que du côté du Oui, tout a été fait pour nier (comme en 1983 avec le tournant de la rigueur) le tournant délirant de l'Europe supranationale.

Je le cite un peu longuement, mais je trouve que la rigueur de cet homme et sa simplicité, mise à côté de la boursouflure satisfaite d'autres intellectuels parisiens, se doit d'être savourée en totalité...


"Le référendum du 29 mai (sur l'Europe), c'est autre chose. Le non reflétait pour partie le discrédit de la classe politique, mais il était aussi une réponse à la question posée, qui portait sur le devenir de l'Europe. La preuve en est que les Hollandais et les Français, dont les cultures politiques sont différentes au possible, ont voté de la même façon. Le débat n'était pas entre pro et antieuropéens. L'Europe n'aurait pas pris une telle place, depuis cinquante ans, si elle n'avait la faveur d'une très grande majorité de la population.

Le problème est que l'Europe a commencé par une formule et a, ensuite, basculé dans une autre. Tant qu'il s'agissait d'une coopération entre vieilles nations qui acceptaient certaines mises en commun, tout allait bien. La vie nationale continuait et une nouvelle vie européenne se formait. Mais à partir d'une certaine date, disons Maastricht, l'Europe s'est mise à vider de leur légitimité les corps politiques nationaux.

Notre vie politique est en France pour les Français, en Allemagne pour les Allemands, et tous ne vivent l'Europe que par la médiation de leur nation ; mais la légitimité politique — la légitimité de l'avenir, en quelque sorte — semblait passer au niveau supranational. Les Français ont voulu arrêter l'emballement de cette Europe qui n'avait plus d'autre sens que l'extension indéfinie d'institutions communes à un nombre toujours plus grand de pays."


Lire aussi :

Une interview dans Libé en juin 2006,

Un commentaire de son article "la démocratie sans la Nation"

Quelques extraits d'une interview au Monde

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