La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

Level playing field

L'un des arguments pour défendre l'Europe - genre désespéré - est d'estimer que de toute façon tout est pourri en France, et que donc en encourageant l'Europe on ne peut pas faire pire  (c'était l'idée de quelqu'un que j'aime bien pour le lire depuis longtemps, Michel Volle).

Il y a quand même des fois où l'on peut se demander si c'est vraiment mieux. Ainsi, sur le blog de Jean Quatremer, un Maragojipe défendait l'idée qu'il y a tellement de lobbyistes à Bruxelles que cela en devient démocratique.

Réponse d'un autre commentateur régulier de J4M, le très posé Walter Nepigo :

 

 

à Maragojipe :

"100.000 lobbyistes = démocratie"

Non, là-dessus je ne vous suis pas. Si l'ouverture de l'administration de l'Union est sans commune mesure avec la morgue dont fait état la française, je ne pense pas que toutes les voix se valent. Il doit y avoir au moins six ou sept (xdelcourt? :-)) fois plus de lobbyistes représentant des entreprises à Bruxelles que de représentants d'associations, d'ONG, de syndicats ou de collectivités locales : autrement dit les intérêts du secteur marchand sont six ou sept fois plus représentés que les intérêts du non-marchand auprès des institutions, et ça c'est un vrai problème (ou alors l'intérêt général ne veux plus rien dire d'autre que la guerre des intérêts particuliers, et on sait qui gagne à ce jeu-là). Comme disait l'autre, "entre le fort et le faible, la liberté opprime et la loi libère"...
un exemple : Rolf Linkhor, ex-MEP allemand et ex-conseiller spécial pour l'énergie auprès du Commissaire Piebalgs, a vu son contrat non-renouvelé après que l'on ait prouvé qu'il travaillait pour l'industrie nucléaire (qui pousse fort les feux en ce moment, agenda Kyoto oblige ils se sentent pousser des ailes...).
Un autre exemple : le Groupe de Travail de Haut Niveau sur la Compétitivité, l'énergie et l'Environnement, créé pour conseiller la Commission Européenne en matière de politiques énergétiques et environnementales, comptait, sur ses 18 membres externes, 12 personnes en provenance de l'industrie contre deux seulement venant d'organisations environnementales.
Et on pourrait multiplier les exemples, des gens comme Corporate Europe Observatory font un excellent travail de ce point de vue.

"aux moins ils ne financent pas les élus comme à Washington"

ça c'est justement la grande question... Je ne serais pas aussi catégorique que vous, cf. notamment l'exemple de l'intergroupe parlementaire "Ciel et Espace" dont le secrétariat est financé par l'ASD (Aerospace and Defence Industries Association of Europe), un cache-nez des industries d'armement qui milite pour la libéralisation des marchés spatiaux et d'armement. Où s'arrêtent les facilités offertes aux parlementaires membres du groupe? Mystère!

 

 

 

Bon, par la suite (il y a 130 commentaires au moment où je rédige ce billet, les courageux pourront essayer de suivre le fil ici) le débat continue.

J'aime beaucoup le cri du coeur de Walter Nepigo (l'intérêt général ne peut être la somme des intérêts particuliers, en gros), qui signe irrémédiablement un esprit perdu pour l'Europe, empreint d'une francitude philosophique déplorable.



Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
E
je sais bien qu'il y a bien des points à revoir en france, qui n'est évidemment pas un parangon de vertu démocratique. mais je crois que ce qui se construit entre les 27 est d'un autre degré dans l'irresponsabilité.
Répondre
W
Bonsoir, tout d'abord merci de reprendre un de mes commentaires! Cela me fait plaisir de voir que je suis un peu lu. Pour le reste, je ne sais pas si je suis "un esprit perdu pour l'Europe", ce qui est sûr c'est que je regrette profondément la forme qu'elle s'obstine à garder (je pense même que si elle continue d'agir à ce point à l'opposé de ses raisons d'être elle va finir par perdre toute légitimité) mais, pour ce qui concerne le sujet discuté ici (le lobbying), la situation n'est guère plus favorable en France où, à force de nier le problème ("pas chez nous, voyons...") nous en sommes toujours plus victimes. En France le secret autour de telles pratiques est vraiment assourdissant (si l'on excepte les quelques pavés lancés dans la mare par le Canard Enchaîné), à Bruxelles la transparence, quelque problématique que soit cette notion, est davantage de mise. Pour la francitude philosophique... Oui, bien sûr, j'utilise des catégiories françaises car je suis français; mais "l'intérêt général" est une notion bien floue, au nom duquel on a déjà abondamment massacré pour des intérêts particuliers, si déjà on pouvait le muer en intérêt de la majorité ce ne serait pas mal... Bien à vous, W. Nepigo
Répondre