La lettre volée

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L'euro fort et les idéologues

La semaine dernière j'ai eu une petite passe d'armes avec Hugues, chez com-vat-com.

Il faut dire que je trouve chez lui (comme chez Jean Quatremer, ou d'autres libéraux égarés à gauche) une bonne partie de ce qui m'avait fait abandonner le PS : arrogance, pensée par clichés, au fond une idéologie d'autant plus forte qu'elle se veut simple réalisme. Les mêmes qui nous expliquent aujourd'hui que l'euro est à son juste niveau (et le sera toujours) pouvaient penser il y a 30 ans que le bilan des pays de l'est était globalement positif.

Sur l'euro donc, Hugues renvoyait au café du commerce ceux qui estimaient que l'euro était trop fort. Je ne nie pas qu'il a un certain style, c'est bien le moins pour être un idéologue chic :

si les affreux petits comptables de Francfort n'étaient pas si obtus, s'ils rétablissaient une parité plus « raisonnable » entre l'euro et le dollar, s'ils acceptaient de placer la Banque Centrale Européenne au service d'une vision plus, comment dire, française, de la politique monétaire de l'Union, c'en serait fini de la crise et du chômage ! L'Europe redeviendrait compétitive, les délocalisations s'interrompraient et la Chine viendrait nous manger dans la main. Vraiment, quel crétin ce Jean-Claude Trichet ! On n'a pas idée ! Même le patron du bistrot où je prends mon café le matin le lui dirait, qu'il faut baisser ces fichus taux d'intérêt !

Comme en commentaire, je citais un article de Christian de Boissieu, dans les Echos, attirant l'attention sur le risque de surévaluation de l'euro, puis un papier de l'OFCE encore plus clair, Hugues a décroché.

Un de ses commentateurs explique que tout ce que visait Hugues c'était de taper sur Sarko, qui voulait contraindre la BCE à baisser ses taux. Quelle erreur ! S'il faut s'empêcher une analyse correcte de la réalité juste pour marquer un petit point face à nos adversaires, en gros dire blanc parce qu'ils disent noir, c'est une vision vouée à l'échec.

Il faut que la gauche se décoince, sorte de sa fascination petitement libérale, en réalité technocratique, pour renouer avec une analyse juste de la réalité. En assumant la part d'idéologie de gauche, qui est de préférer le risque d'une excessive générosité à celui d'un ordre trop rigide.

Pour revenir à l'euro et conclure, j'avais pêché cette citation de l'OFCE sur l'euro :

Faute de gouvernement politique, l’euro ne sert pas le projet européen. La responsabilité de facto univoque de la Banque centrale européenne à l’égard de la politique de change européenne a conduit à une gestion contre-productive de celle-ci, d’autant plus préjudiciable que les douloureuses transformations structurelles induites par la mondialisation contemporaine appellent en retour, de la part des politiques économiques, une facilitation et non un handicap supplémentaire.
Combinée à l’absence de stratégie de croissance commune et d’instruments de coordination macroéconomique, l’auto-sanction européenne résultant d’une politique de change accaparée par l’objectif de stabilité des prix, a donné lieu à la mise en place de politiques de concurrence sociale préjudiciables à la croissance interne
et à la stabilité régionale."

Et puis, ce matin, une interview de Patrick Artus (professeur d'éco à Polytechnique, à Paris I, membre du Conseil d'analyse éco placé auprès du Premier ministre...), dans le Nouvel Obs : "la flambée de l'euro est une catastrophe".

Petit extrait :

Si l'euro monte à 1, 50 face au dollar, des pans entiers de l'industrie seront menacés d'être détruits. L'euro fort va donc accélérer le processus de désindustrialisation en France et en Italie au profit de l'Allemagne et accélérer notre mutation vers une économie de services. [...] José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, vient de déclarer : « L'euro fort, ça reflète simplement la force de l'économie européenne . » Comment peut-on dire une chose pareille ?

Bon, on dirait que l'économie, c'est plus compliqué que deux ou trois mots d'ordre destinés à se démarquer.

Au passage, si on lit bien l'interview de Artus, on peut tout à fait en conclure que l'euro n'est pas viable, à court/moyen terme, en raison des disparités dans les structures économiques nationales. Je dis ça pour les commentateurs bien pensants, ils pourront instruire un procès en hérésie européenne en s'accrochant sur cette dernière pique, ça continuera à les dispenser de réfléchir.





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E
Hé bien, cher Jean Michel, tu vis, tu fais de la politique. Tu fais tes comptes, tu expliques à tes partenaires que c'est ça ou la sortie de l'euro.<br /> <br /> <br /> Et tu prépares la sortie de l'euro, réellement, pour être crédible. Et tu ne te laisse pas impressionner par les cons qui vont t'expliquer que la france c'est trop petit. Il y a des pays bien plus petits qui ont leur monnaie et ne s'en portent pas plus mal.<br /> <br /> <br /> Mais la première des choses, Jean-Michel, c'est que quand il devient patent qu'une politique est un échec, il ne faut pas balayer d'un revers de main ceux qui ont l'outrecuidance de le signaler.<br /> <br /> <br /> J4M et d'autres sont englués dans l'idéologie, et pas la plus moderne, de l'orteil jusqu'au sommet du crâne. ça ne me dérange pas outre mesure, on a besoin d'une idéologie, d'une vision du monde. Mais on ment si on prétend pouvoir s'en passer.<br /> <br /> <br /> bien à toi
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J
Ca n'explique pas comment tu fais en pratique pour "arrêter la politique de l'euro fort", ce qui étais le point central de la critique de Quatremer.
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