La lettre volée

Notes et idées : Politique, Bandes dessinées, Polars, Media, Actualité, Europe...

L'échec international de l'euro, en un graphique

...le marché commun et la monnaie unique nous sont infiniment profitables à tous...

Bernard Guetta, 17/12/2015

 

Dans un billet précédent, j'avais en effet souligné que, grâce à l'euro, la demi-heure de prostitution en Grèce est passée à deux euros. Les bénéfices internes de l'euro sont donc indéniables.

En revanche, sur le plan externe, c'est moins évident. Un point illustre l'échec relatif de la monnaie unique, c'est la part de l'euro dans la composition de la monnaie de réserve définie par le FMI, les droits de tirage spéciaux (DTS).

Les DTS sont une monnaie synthétique que peuvent utiliser les pays membres du FMI pour régler leurs dettes. La valeur des DTS est fixée selon la valeur des monnaies qui composent un panier représentatif de l'économie mondiale. Pour définir la valeur du DTS en 1981, par exemple, il fallait prendre 42% de dollars, 19% de marks, 13% de francs, 13% de yen et 13% de livre britannique.

Ces pourcentages représentent donc, grossièrement, la part des différentes monnaies dans l'économie mondiale. D'une certaine façon, c'est également une mesure de l'influence politique de l'état émetteur de cette monnaie. C'est ainsi que la Chine vient d'obtenir que le yuan contribue à définir la valeur des DTS.

Le panier qui définit la valeur des DTS est recomposé tous les 5 ans. Le graphique ci-dessous retrace l'évolution de la composition depuis 1981 :

 

 

L'échec international de l'euro, en un graphique

Quelques remarques donc sur l'infinie réussite internationale de l'euro, à la lueur de ce graphique :

 

1. dés la création de l'euro, le poids de l'euro dans les DTS n'a pas été supérieur au poids cumulé du Franc et du Mark. Contrairement aux évangiles de Saint Bernard (Guetta) et Saint Jean (Quatremer), l'euro ne démultiplie en rien l'influence des pays membres ;

 

2. C'est même le contraire. En effet, la zone euro comportant 18 pays, la France et l'Allemagne ne représentent que 43% de cet ensemble. De fait, l'euro a grandement réduit l'influence franco-allemande. La France seule représentait 11% des DTS en 1999. Aujourd'hui, à supposer qu'elle ait son mot à dire, et que ce mot pèse proportionnellement à la part de la population française dans la population de la zone euro, soit 20%, la France représente 6,2% des DTS (20% de 31%). Le poids de la France dans l'ébauche de monnaie mondiale que représente le DTS a donc été divisé par deux grâce à l'euro, sans que la zone euro en elle-même ne voie son poids accru. Autant dire que cette réduction du rôle de la France s'effectue en pure perte ;

 

3. L'euro devait contrebalancer le rôle prépondérant du dollar (cela aurait pu être le cas si l'Union européenne avait demandé de payer son pétrole en euros), il n'en a rien été. Après une vague amorce de 2001 à 2011, l'euro à 18 a même perdu du terrain en 2016 par rapport au cumul des seuls mark et franc de 1981 ;

 

4. La Chine vient de faire son entrée dans les DTS. Il a donc fallu faire place pour les presque 11% du yuan. Qui c'est qui a dû laisser sa place aux grands ? C'est l'euro qui a laissé 6,5%. Le Royaume-Uni, pourtant isolé hors de l'euro, n'a cédé que 3,2%. Les USA ont fort diplomatiquement lâché ... 0,2%.

 

Qui a dit LOL ?

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
L'URSS est tombée avec les prix administrés.<br /> L'euro est pour nous France un prix de change administré. (faux prix).<br /> <br /> Et il y en a encore pour se dire libéral et pro-euro. <br /> <br /> Ces incompétents non content du prix de change faux euro, eh bien ils en remettent une couche avec les prix de taux administrés...
Répondre
S
Bonjour et bonne année. C'est toujours un plaisir de vous lire. Pourquoi, j'ai envie de vous demander, choisir ce graphique ? Oui il souligne l’echec de l’euro dans ses propres termes, tellement le projet existe pour flatter l’ambition des élites de peser sur la scène internationale. Mais le vrai problème, n’est-il pas plutôt dans la balance de paiements ? En bas, un lien vers un article par un américain lambda. Mais regardez cette courbe ! 6% du PIB de l’Allemagne est drainé de la richesse et de la demande du reste du monde. Principalement ses amis Européen, on imagine. Je vous y renvoie pour le graphique, mais vous allez rire jaune en lisant ses trois points, tellement ils vont à l’encontre de la politique actuelle.<br /> <br /> http://www.brookings.edu/blogs/ben-bernanke/posts/2015/04/03-germany-trade-surplus-problem
Répondre
E
je pense que ceci apportera de l'eau à votre moulin : http://ineteconomics.org/ideas-papers/blog/german-wage-moderation-and-the-eurozone-crisis-a-critical-analysis
S
Au risque de tester votre patience , comme par hasard voici le tout dernier de Francis Coppola. Le système banquaire allemand dépend de l'exportation des capitaux. Les euros donc.<br /> <br /> http://www.forbes.com/sites/francescoppola/2016/01/09/germanys-sparkassen-banking-on-capital-exports/
S
Oui oui j'avais bien apprécié l'article cité. Mais les balances de paiements sont au coeur des problèmes économiques _européens_ ! Pourquoi on ne voit jamais les balances commerciales intra-euro. Un surplus en devise étrangère doit être recyclé dans les réserves de changes ou les investissements toujours assujetti aux dévaluations. Un bon CA en euro, on peut le faire valoir auprès de son banquier pour un prêt à taux dérisoire, pour s'offrir un port grec ou un opérateur de téléphonie espagnol.<br /> <br /> s
E
bien sûr les écarts de balance de paiement sont le cœur des problèmes économiques globaux, j'en parle pour l'euro ici : http://lalettrevolee.net/article-entre-la-grece-et-la-france-combien-de-temps-99610398.html<br /> mais il se trouve qu'en plus l'euro, outre qu'il ne rééquilibre rien au sein de la zone euro, échoue également au niveau global. ça méritait d'être ajouté non ?