1 Décembre 2014
Paul Krugman est d'accord avec la doxa : certains gouvernements ne se sont pas conduits avec la prudence exigée pour la gestion d'une monnaie unique et ont voulu complaire à des électeurs accrochés à des théories obsolètes, se comportant de façon irresponsable...
Sauf que pour lui il ne s'agit pas des dépensiers espagnols ou italiens (ou français) accrochés à un keynésianisme vieillot, mais bel et bien des allemands.
Krugman montre que les allemands sont bien plus éloignés de la cible de 2% d'inflation de la BCE, que d'autres pays présentés comme coupables (c'est plutôt un plafond qu'une cible selon moi, dans les traités en tout cas, mais il est vrai que le contexte déflationniste aidant, ça devient une cible acceptable).
Pour Krugman, l'Allemagne exporte la déflation vers ses voisins, pratiquant un jeu non-coopératif.
Pour compenser cela, il faudrait une relance d'une autre ampleur que le plan de relance préparé par le patron du plus grand havre fiscal du monde (plan de relance qui, pour Krugman, est "si petit que c'en est presque une farce").
Bon, je n'aime pas le moyen employé par Krugman pour minimiser le caractère délicat de la situation française : pour lui il n'y a pas de problème de dette français, car la France emprunte à un taux historiquement bas. Il est vrai que cela facilite le service de la dette. Mais le fait que celle-ci soit passée de 70% à 90% du PIB sans aucun effet sur la croissance est tout de même un gros problème.
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En cela, parmi les keynésiens lucides, il est utile de lire le dernier papier de Nouriel Roubini sur la guerre des monnaies.
Il montre bien que dans un contexte mondial aux tendances déflationnistes, la tentation est très forte d'engager une course à la dévaluation.
Le Japon, la zone euro, les BRICS, se referaient ainsi une santé sur l'économie américaine, à travers une hausse durable du dollar. L'assouplissement de la politique monétaire serait le moyen d'affaiblir les monnaies de chacune de ces zones.
Or Roubini souligne un point que Krugman ne mentionne que rarement : la politique monétaire accomodante est nécessaire pour éviter une récession trop violente, elle ne peut en aucun cas conduire seule à un redémarrage de la croissance.
Il faut, pour cela, une politique budgétaire active, de l'investissement public et une politique monétaire qui n'a pas besoin d'être aussi accommodante, un policy-mix comme on dit, fort différent de la tendance de la plupart des grands pays.
Comme le note Roubini, dans ce domaine, la zone euro a été la plus mal gérée puisque, comme ailleurs, il n'y a pas eu d'investissement public et de politique budgétaire active, mais qu'en plus la politique monétaire n'a pas été aussi favorable à la relance.
Deux auteurs américains qui détaillent la faillite de l'eurozone, pendant que ladite zone se penche avec gravité sur les 35 heures et le SMIC, coupables de tous nos maux...
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Ne voulant pas laisser le lecteur sur une impression pessimiste, je souligne qu'il y a une solution à cette impasse, c'est la sortie de l'euro Captain'euro. Plus sur ce sujet une prochaine fois...