11 Mai 2014
Tout le monde ou presque a entendu parler du petit jeune qui monte sa liste aux européennes avec 3 000 €. De la même façon, les candidatures les plus folkloriques à l'élection présidentielle ont toujours eu les honneurs de la presse.
Pour les Européennes en revanche, il existe un parti qui présentera des listes dans les huit circonscriptions françaises, et qui vient de collecter en ligne plus de 300,000€.
Pourtant, pas une ligne dans la presse nationale, ou presque.
L'UPR, ce parti inconnu, a donc comme programme principal la sortie de l'Union européenne, via l'article 50 des traités européens. La sortie de l'euro en découlerait, bien évidemment. S'ajoute à cela la volonté de renouer avec le programme du Conseil National de La Résistance.
Il s'agit, selon moi, exactement du programme qui convient aux exigences de l'heure.
Un commentateur raillait récemment ce programme, balayant son irréalisme désuet.
Je vois pourtant deux avantages principaux à un programme d'une simplicité biblique.
La sortie de l'euro tout d'abord. C'est pour moi la perspective d'en finir avec ce taux de change fixe qu'est la monnaie unique. Taux de change fixe à propos duquel un économiste socialiste, boudhiste et polytechnicien, Serge-Christophe Kolm écrivait en 1983 :
"de nombreux textes officiels nationaux et internationaux affirment qu'il faut des parités nominales fixes pour les bonnes conditions dans les échanges internationaux. Sans doute ne voient-ils comme alternative que le flottement pur des monnaies. Mais ces bêtises sont simplement écœurantes, et sanglantes parce qu'elles viennent de gens qui les font passer dans les faits, au prix de millions de chômeurs et d'innombrables misères.
Avec des taux de change nominaux fixes, l'équilibre du commerce extérieur ne peut jamais être maintenu entre pays dont les taux d'inflation diffèrent. S'il est atteint à un moment, immédiatement après les prix relatifs internationaux auront changé. Les biens dans les pays à plus faibles inflation deviennent moins chers par rapport à ceux des autres, et ceux dans les pays à plus forte inflation deviennent relativement plus chers. [...] Si cette différence entre les taux d'inflation est constante, le rapport des prix varie de façon exponentielle, et ces déséquilibres ont une croissance de type semblable. Cette structure n'est pas seulement instable, elle est explosive".
Par ailleurs, la sortie de l'Union européenne permettra, non pas la collectivisation des moyens de production, mais une intervention plus directe de l'état dans l'économie. Il serait possible, en rompant avec l'ultime avatar du traité de Rome, de créer par exemple une entreprise publique dans le secteur solaire, ou de relancer un programme de construction de logement, sans être aussitôt arrêtés par un bureau bruxellois.
Ce n'est pas la panacée et il est bien entendu que si l'euro est une bêtise, ne pas avoir l'euro n'interdit pas de commettre des erreurs économiques. Mais au moins, nos erreurs de demain n'entraîneront-elles pas près d'un demi-milliard d'habitants dans le marasme et la dépression.
Bon. Il y a un style UPR que l'on peut trouver outré, avec des slogans et des titres de conférences comparables aux meilleures heures de l'hebdomadaire Marianne, allant jusqu'à un « Les États-Unis sont-ils en train de nazifier l’Occident ? », à propos duquel l'UPR s'était justifié sur son site.
Ceci mis à part, le positionnement général de l'UPR est le seul qui corresponde aux urgences du moment : on suspend le clivage droite/gauche le temps de retrouver les conditions d'un débat démocratique (l'UPR refuse tout débat sur les sujets qui font les délices d'autres partis : sujets dits de société et autres passe-temps qui ont l'avantage de ne pas coûter un euro au gouvernement et faire croire qu'on fait avancer les choses).
Un débat démocratique, c'est à dire un débat qui puisse mener vers des politiques de droite ou de gauche sans se heurter preque immédiatement à des traités qui prévoient jusqu'à la courbure des concombres.
Pour les européennes, il y a d'autres choix, que j'écarte.
Certains appellent à l'abstention, qui est un cadeau aux partis qui sauront mobiliser. De plus, les institutions européennes ne se sentiront pas moins légitimes, mêmes élues avec 30% de participants : le référendum de 2005 ne les a pas fait plier, alors les européennes !
D'autres mobilisent pour le Front de gauche. On voit bien leur combat contre les règles les plus libérales du système, pas du tout en revanche de critique contre l'euro, ce qui, à mon sens, est une erreur d'analyse fondamentale (on lira le blog de Descartes pour des critiques régulières de l'incurie générale du Front de gauche, dont la dernière en date).
Même chose pour Nouvelle Donne, les Verts, et les alter-européens en général, qui n'ont pas compris qu'on ne change pas les politiques européennes, ce sont elles qui vous changent - par construction.
Le FN a su se doter d'une vraie réflexion sur l'économie, et on trouve avec quelqu'un comme Florian Philippot, sur ce sujet, un quasi sans-faute. Il reste que le parti est une accumulation de strates dont les plus récentes cachent mal la persistance de penseurs identitaires tels qu'un Gollnisch. Même parmi les arrivés récents, Robert Ménard a l'air connecté aux couches les plus sordides de ce parti. D'où, au passage, une gêne pour DLR, qui a soutenu Ménard à Béziers. Comme le Front de gauche d'ailleurs, le FN a l'air encore englué dans la défense d'un euro monnaie commune ou autre programme permettant de ménager la chèvre des partisans de l'euro et le chou des opposants (un euro monnaie commune n'a de sens que dans la perspective d'une monnaie unique, sinon c'est un boulet inutile).
Pour le PS, on arrive à une situation quasiment bouffonne, où le gouvernement socialiste jure que l'austérité qu'il applique n'a aucun rapport avec les règles européennes, pendant que le programme du PS européen vise à en finir avec les règles austéritaires européennes (lesquelles ont dû, comme le nuage de Tchernobyl, s'arrêter à nos frontières). A ce niveau de foutage de gueule, atteindre les 10 points serait déjà bien payé.
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On peut dire que voter UPR est un vote inutile, et qu'il est ridicule de perdre son temps avec un parti voué à des scores faibles. C'est à mon avis un mauvais calcul. D'abord parce que l'abstention est un cadeau au FN. Ensuite parce qu'avec huit circonscriptions, le scrutin est proportionnel et très favorable aux petites listes, qui peuvent espérer des députés à partir d'un seuil bien plus bas qu'aux législatives. Enfin parce qu'il existe certainement un niveau à partir duquel, d'un point de vue médiatique, il deviendra impossible de négliger le parti eurocritique le plus cohérent. Et là est l'essentiel.
Post scriptum : j'ajoute, en réponse à un commentaire, que l'on lit beaucoup de critiques venant de vigilants antifascistes contre François Asselineau, ou, sur un mode moins malveillant, limitant l'UPR à son seul fondateur. Les européennes montrent au contraire que ledit fondateur a su rallier à sa cause des gens aux profils de grande qualité.
Tant qu'a faire, je recopie ici mon commentaire :
"honnêtement, je préfèrerais voter pour un parti assis, ayant su trouver 50% de femmes, avec des dirigeants tous issus de la gauche et qui mènerait une politique sociale. Par exemple un combat contre la finance sans visage (si des antifas attentifs creusaient d'ailleurs un peu ce thème de la finance sans visage, on pourrait trouver matière à s'alarmer d'ailleurs...)
Je note au passage que les vigilants de Mediapart qui vitupèrent asselineau parce qu'il a travailllé dans les cabinets juppé, pasqua ou raffarin n'ont jamais songé à interdire un meeting de juppé, pasqua ou raffarin. On ne les voit pas non plus pour protester contre les passages médias multiples et répétés de marine le pen ou florian philippot, ni non plus bloquer leurs meetings...
Un ami m'a dit aussi trouver l'histoire de france façon asselineau vieillotte. c'est un peu vrai que ça sent le Lavisse. Mais est-ce pire que le manuel d'histoire franco-allemand qui comprend un chapitre décrivant les "fondements antiques de l'histoire européenne" ?
Il faut voir que asselineau était facile à caricaturer quand il était seul. Il a quand même le mérite d'avoir su se rallier un ancien colonel de l'armée de l'air plutôt proche du front de gauche, ou un ancien cadre de la BCE - pour ne citer que quelques-unes de ses recrues.
Pour la féminisation, il y a des femmes sur les listes upr aux européennes, je ne doute pas qu'elles prendront leur place dans les cadres de l'upr.
j'ai tout à fait conscience du fait que voter upr est un vote improbable quand on découvre ce parti. je crois aussi que nous vivons des temps désarmants, où les "grands" partis ont l'air décidés à faire comme si tout allait spontanément bien se passer, alors même que nous allons dans le mur." Aucun choix n'est alors facile.