La lettre volée

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Les maîtres de l'Europe : réponse de l'un des auteurs

J'avais adressé à Jean Quatremer et Yves Clarisse la note de lecture de leur ouvrage, "les maîtres de l'Europe". Yves Clarisse m'a répondu ceci :

"Bonjour,


Merci beaucoup pour votre fiche de lecture de notre livre et votre jugement amène sur son intérêt. Si vous le permettez, voici quelques éléments de réponse à vos remarques:

1. Il est vrai que nous ne voulions pas d'une construction chronologique, mais de 12 tableaux séparés dont ressort une image de ce qu'est l'Union européenne aujourd'hui.

2. Il est tout aussi vrai que nous sommes des "fédéralistes". Vous dites que certains arguments ne sont pas convaincants, notamment lorsque nous opposons l'incurie des Etats-nations aux vertus des organes communautaires. C'est le suivi, pendant deux décennies, de l'actualité européenne qui nous a amenés à une telle conclusion: les Etats ne "savent" plus faire. Ils ont accepté au cours du temps de déléguer à l'échelon supranational de nombreuses compétences et, lorsque les organes communautaires sont investis de pouvoirs propres (concurrence, commerce, euro), cela marche. Il y aurait des progrès à faire, c'est certain, notamment pour la gouvernance de l'euro, son accompagnement par un "gouvernement économique". Mais c'est oublier que l'euro a six ans! Et sa "gouvernance" est déjà mille fois meilleure que celle du franc ne l'a jamais été...Le problème se pose là où les Etats-nations ont accepté de déléguer des compétences, sans donner aux organes communautaires les pouvoirs de les exercer tout en se révélant eux-mêmes incapables parce que l'échelle à changé: ils ne pèsent plus dans les affaires du monde.

3. Sur la Bosnie. J'ai couvert en long et en large les trois années de guerre. Certes, les Américains ne sont pas intervenus avant les Européens et c'est une initiative franco-britannique (décidée quelques jours après l'élection de Chirac en 1995) qui a donné le coup d'envoi de l'intervention internationale. Mais les Etats-Unis ont fait quelque chose d'essentiel, comme nous l'écrivons: ils ont soutenu à bout de bras et équipé l'armée bosniaque. Sans eux, la Bosnie serait aujourd'hui dépecée en deux parties (serbe et croate). Pendant ce temps, François Mitterrand interdisait au nom de l'amitié franco-serbe toute action contre Milosevic et le général Janvier (Forpronu) serrait la main du colonel Mladic, à la grande honte des diplomates français.

4. Oui, le siège français au Conseil de sécurité de l'Onu est un hasard de l'histoire, celui qui a voulu que la France soit rangée dans le camp des vainqueurs après quatre années de collaboration avec les Nazis et grâce au seul général de Gaulle.

5. Sur l'élargissement, vous touchez du doigt la contradiction. Oui, il a été précipité, mal géré, mal expliqué. Mais il était inévitable et c'est un facteur de paix et de prospérité extraordinaire. Rendez-vous dans dix ans, quand ces pays seront comme l'Espagne aujourd'hui. Rendez-vous dans dix ans, si les Balkans ne gardent pas la perspective de l'adhésion: la guerre n'est jamais loin dans ces pays et 15 jours d'affrontements armés coûteront plus cher que dix budgets européens, comme le dit Juncker.

6. Airbus exemple d'une coopération intergouvernementale réussie. Oui, son démarrage est dû à quatre pays. Mais c'est oublier que c'est l'Union européenne, forte de ses 25 Etats membres totalement unis qui ira devant l'OMC défendre Airbus contre Boeing. Sans l'UE, Airbus n'aurait jamais pris son envol.

7. L'Europe contrepoids des Etats-Unis. Elle ne l'est pas, ou pas encore. Mais quel progrès en 10 ans: nous avons laissé 250.000 Bosniaques se faire massacrer et c'est l'Europe qui dirige maintenant l'opération de maintien de la paix en Bosnie (comme au Congo, en Macédoine, etc). Il y a pour la première fois de l'histoire un quartier général européen qui sera capable de planifier des opérations sans la logistique américaine. Alors, ça se fait doucement, parce qu'on ne dispose que de quelques vieilles pétoires et qu'il nous manque l'essentiel (transport stratégique, munitions de précision, renseignement), et l'essentiel, ce sont les Américains qui l'ont au sein de l'Otan. Ce n'est que si nous développons nos capacités que nous pourrons nous affranchir de la tutelle américaine.

8.La mention du terrorisme. Oui, les Européens commencent à prendre conscience que le monde n'est pas peuplé de gens bien intentionnés, ils sont devenus un peu moins naïfs. Pendant un demi-siècle, nous avons vécu comme des Suisses, comme si nous étions "neutres", la pire des attitudes et la pire des lâchetés. On ne peut pas être "neutre" quand on est 450 millions et qu'on veut défendre un certain modèle de société.

9.Bien à vous,

Yves Clarisse

Je ne suis pas du tout convaincu par ces arguments, mais j'y reviendrai plus tard.

 
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