Je viens de recevoir mon équipement intellectuel du parfait militant, en provenance du PS. Je ne résiste pas au plaisir de commenter la
fiche consacrée à François Bayrou.
Je reproduis en italique les arguments du PS, en ajoutant quelques mots.
Ni de droite ni de gauche, François Bayrou ? Le candidat « antisystème », porte-parole des « petits », est en fait un représentant des notables. Ses réseaux, ses soutiens, ses alliés sont à droite.C'est vrai. Ce qui inquiète le PS c'est que ça pourrait ne plus le rester. Un petit tour sur le site de l'UDF me fait lire ce compte rendu de propos d'Hervé Morin :
Hervé Morin a expliqué que l’UDF était une formation indépendante qui essaie de rassembler des hommes et des femmes de droite et de gauche qui pensent la même chose : pour le député UDF, il n’y a en effet pas de différence entre la droite modérée et la gauche moderne. Il a rappelé qu’en 1958, De Gaulle avait formé un gouvernement avec Guy Mollet ; aujourd’hui, l’heure est tout aussi grave, selon lui, car la France connaît un déficit abyssal, un fort taux de chômage et des centaines de milliers de sans-abri. D’ailleurs, des gens de gauche qui trouvent que « le discours de Ségolène Royal n’est pas à la hauteur des enjeux » mais aussi des gens issus du camp du Nicolas Sarkozy, rejoignent l’UDF selon Hervé Morin.
Voilà ce qui inquiète le PS, et peut-être bientôt Sarko. L'UDF reste certainement aujourd'hui à 90% peuplée de gens de droite, mais c'est la composition du corps électoral que cette base militante saura attirer qui compte, pas la composition de la base elle-même.
I) Comme Sarkozy, il partage le bilan de la droiteLà c'est un raccourci, pour le moins.
• Comme Sarkozy « qui a changé », Bayrou tente de se faire passer pour un homme neuf, un homme qui appartient à l’avenir et auquel l’avenir appartient. Mais l’ancien ministre de Balladur et de Juppé a aussi un passé, et un bilan.Incroyable, il est né avant 2007 ?
• Depuis 2002, le groupe UDF a régulièrement soutenu les gouvernements dirigés par l’UMP et son ancien lieutenant Gilles de Robien est aujourd’hui ministre de l’Éducation dans le gouvernement Villepin.Il n'aura échappé qu'au PS que Bayrou et de Robien ne semblent pas en bons termes. Peut-être ont-ils du mal à imaginer que des gens qui ne s'aiment pas adhèrent au même parti, Arnaud et François...
• François Bayrou a attaché son nom à des projets de loi emblématiques de la droite. Il a fait partie des signataires de la proposition de loi déposée le 18 novembre 2003 sur le service garanti dans les transports publics réguliers de voyageurs. Il a voté fin 2005 la prolongation de l’état d’urgence voulue par Nicolas Sarkozy.Un peu plus et il réclamait l'assouplissement de la carte scolaire (non, je blague, il est
contre).
Pendant quatre ans, il a tout voté avec l’UMP, avant d’entrer en dissidence avec une fraction de son groupe suffisamment réduite pour que toutes les lois passent quand même.Il a fait exprès de perdre des députés pour soutenir l'UMP, qui n'aurait pas eu la majorité sans cela, quel Machiavel ! Pas de bol, c'est faux, l'UMP est
majoritaire sans l'UDF.
• Sa posture d’opposant est récente. De toute sa carrière politique, il n’a voté qu’une seule motion de censure contre un gouvernement de droite, celle que le Parti socialiste a déposée le 16 mai 2006 contre le gouvernement Villepin à l’issue de la crise du CPE. Et encore : sur les trente députés que compte son groupe parlementaire, seuls dix l’ont suivi. Fort logiquement : la censure n’était même pas une consigne de groupe.C'est tout de même pas mal pour un homme de droite.
II)- Bayrou, c’est la France des notables et de l’immobilismeIl suffit de regarder la page immobilière du Nouvel Obs pour constater que le secrétariat national du PS n'a pas raflé toutes les résidences secondaires à Gordes, Mougins ou ailleurs.
• Candidat autoproclamé des « petits », François Bayrou est en fait le représentant de la France des notables. Ses électeurs représentent une bourgeoisie protégée des évolutions du pays réel, qui ne s’intéresse que de très loin aux préoccupations des salariés.Ca reste à voir.
• Son seul bilan ministériel le dit assez : après avoir tenté de remettre en cause la laïcité et amené des centaines de milliers de Français dans la rue, Bayrou a été le ministre de l’immobilisme. Pour s’assurer la docilité du monde enseignant, il a choisi de ne rien faire et a laissé se dégrader les métiers.Je tape "
bayrou ministre laicité éducation nationale" sur google et je tombe sur une
circulaire où il interdit le voile à l'école. C'est pas Jospin qui a eu courageusement recours au Conseil d'Etat pour ne pas trancher sur ce point ?
2007Aujourd’hui encore, ses propositions pour l’école et les enseignants sont presque vides. Son discours se réduit à dire « je suis des vôtres ». C’est un peu facile.Compte tenu des propos de Ségolène sur le sujet des enseignants, elle aura, en effet, du mal à dire qu'elle est des leurs...
Et le ministre actuel, Gilles de Robien, montre bien par ses mesures la réalité du projet UDF pour l’école : non pas s’engager vers l’avenir, mais revenir en arrière et laisser se dégrader la condition d’enseignant, alors qu’il faut regarder en avant et non en arrière.Profond.
III) La stratégie de Bayrou n’est pas de créer une alternative, mais de peser au sein de la droiteSi c'était entièrement vrai il n'y aurait peut-être pas besoin d'une fiche pour s'en convaincre.
• Sauf très rares exceptions, dans les régions et dans les conseils généraux, les élus UDF votent à droite et forment des majorités avec l’UMP. Regardez dans votre ville, regardez dans votre Conseil général.Probablement vrai en moyenne. De temps en temps cependant ils font aussi la grève de la faim pour garder de l'emploi chez eux, ou décrètent la gratuité des cantines. Ah les salauds !
• Le souci de Bayrou n’est pas de créer une alternative, mais de peser au sein de la droite. Face à Sarkozy et à Le Pen, il n’a presqu’aucune chance de passer le premier tour. Son seul intérêt est de peser le plus lourd possible dans les négociations avec l’UMP pour les législatives de 2007 et les municipales de 2008 et pour son propre avenir ministériel.
Là c'est vraiment très con. Je pense que si Bayrou avait voulu un ministère il l'aurait eu depuis longtemps. Et j'aime beaucoup le "
il n’a presqu’aucune chance de passer le premier tour". Ca sent la panique...
• Voter Bayrou, c’est faire le jeu de cette stratégie. Bayrou vote à droite, Bayrou gouverne à droite, Bayrou s’allie à droite. Donner sa voix à Bayrou, c’est donner sa voix à la droite !Au secours la droite revient !
Bon, allez, en démarrant cet exercice je pensais juste m'amuser. J'ai, en le réalisant, découvert encore d'autres points qui me font apprécier ce personnage. Je ne suis pas naïf, il est certainement calculateur et il y a quelques personnages effectivement très à droite dans son parti (je pense à Santini par exemple). Pas de bol cependant, il des
départs récents de parlementaires UDF pour l'UMP peuvent laisser penser que pour eux la vraie droite c'est bien l'UMP.
Enfin, il n'a pas le monopole du courage politique - j'aime bien Fabius en mai 2005, Mélenchon...
Mais diantre, quand on voit le niveau de l'une et le grand écart idéologique de l'autre, on se dit que la prochaine fiche que devra faire le PS ce n'est pas pour expliquer comment Bayrou est de droite mais ce qui rattache Ségolène à la gauche, et que finalement, entre ces deux là, François Bayrou ne fait pas pâle figure...
(
les deux illustrations ne prouvent pas, à mon avis, que le site de l'UDF ne comporte ni le terme "droit" ni le terme "gauche", mais plutôt que leur moteur de recherche est en panne. Encore un truc au Colza ?)