La lettre volée

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Notes sur les principes et propositions de Frédéric Lordon

On me demande mon avis sur les idées de Frédéric Lordon. Je m'attarde donc sur ses Quatre principes et neuf propositions, publiés dans le Monde diplomatique en avril dernier.

J'en résume d'abord le contenu, à la hache. Il y a quatre principes, généraux, valables partout et toujours, et neuf propositions, à appliquer ici tout de suite, dans la lignée des quatre premiers principes.

Les principes :

I. Il faut prévenir les bulles avant leur formation, pas les combattre après éclatement.

II. Il faut se souvenir que la finance est au servicede l'économie réelle, non l'inverse.

III. L'harmonisation minimaliste de normes de surveillance financières qui ne touchent pas à l'essentiel (les paradis fiscaux par exemple), ça suffit.

IV. L'Europe est une zone d'activité financière autosuffisante (elle peut vivre en autarcie financière, sans faire appel à l'extérieur).

Les propositions :

1. Il faut que les traders subissent les conséquences financières de leurs pertes, autant qu'ils bénéficient de leurs gains (avec des bonus négatifs).

2. Il faut restreindre la titrisation : les banques doivent conserver dans leurs bilans les crédits qu'elles accordent,  sans se défausser sur d'autres financeurs moins avisés.

3. Il faut empêcher les établissements financiers d'abuser de leur possibilité de faire jouer un effet de levier, en prenant des risques disproportionnés par rapport à leurs fonds propres. Des ratios beaucoup plus sévères doivent être appliqués.

4. La même règle doit s'appliquer aux entités telles que hedge funds. Les banques doivent être empêchées de cacher leurs risques en contractant avec des entités qui échappent aux contrôles prudentiels renforcés.

5. Les marchés de produits dérivés (chambres de compensation) doivent imposer des appels de marges plus importants (les acteurs prenant des positions sur ces marchés devront geler des dépôts de garantie plus importants). C'est en réalité un corollaire de la proposition 3.

6. Il faut nationaliser les entreprises de bourse (chambres de compensation). Pour appliquer la règle 5, il ne faut pas compter sur autre chose que sur la puissance publique. Pour Lordon cela passe par une nationalisation (européenne).

7. Les transactions sur produits dérivés passeront toutes par des chambres de compensation. Les transactions de gré à gré seront interdites.

8. Il faut instaurer deux taux d'intérêts pour financer les banques. L'un, pour leurs prêts à l'économie réelle, sera faible et incitatif. L'autre, destiné à financer leurs opérations de marché spéculatives, sera beaucoup plus élevé et dissuasif.

9. Les transactions financières entre la zone régulée "à la Lordon" et le reste du monde seront encadrées. Elles seront d'une part limitées en montant, et d'autre part seront limitées aux organismes convenablement controlés.


Demain (ou après-demain...), je vous dirai ce que j'en pense, d'ici là, je suis preneur de vos commentaires.



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K
"9. Les transactions financières entre la zone régulée "à la Lordon" et le reste du monde seront encadrées. Elles seront d'une part limitées en montant, et d'autre part seront limitées aux organismes convenablement controlés." Il y a plus simple : refuser de reconnaitre les créances libellées en euros et en dollars provenant d'une zone non-régulée. Mais ça va renchérir le coût des importations de matières premières, bois, etc.
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K
"IV. L'Europe est une zone d'activité financière autosuffisante (elle peut vivre en autarcie financière, sans faire appel à l'extérieur)."L'effondrement prochain et probable de la bulle spéculative à l'Est devrait rapidement démontrer le contraire pour l'europe des 27 du moins.Pour feu l'europe des 15, on se souviendra avec amusement du virage de la rigueur de 1983, de ce qui le motivait. A moins d'imaginer que l'europe ait changé depuis..... on peut douter.
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G
"Il faut nationaliser les entreprises de bourse (chambres de compensation). Pour appliquer la règle 5, il ne faut pas compter sur autre chose que sur la puissance publique. Pour Lordon cela passe par une nationalisation (européenne)."Sur les questions financières, les haut-fonctionnaires français ont bien plus d'imagination et d'audace que les banques. D'ailleurs, ce système que dénonce Lordon a été mis en place par les états soucieux de financer leurs déficits structurels au moindre coût.D'où mon opinion : si c'est pour maintenir la finance mondialisée en place, il serait pire de la confier au régulateur public que de la laisser aux mains du privé. Il me semblerait bien plus constructif de réviser les règles générales de la finance, et notamment, règlementer plus sévèrement l'emprunt et la création monétaire par les banques et de la comptabilité : notamment en ce qui concerne l'inscription d'actifs invendables au bilan.D'un autre côté, le sujet de fond n'a strictement aucune importance réelle : la monnaie est un instrument, qui peut être détruit.
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