La lettre volée

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Dans la crise financière, l'Europe parfaitement inutile...

Lu ceci, au sujet de la crise financière internationale (Le Monde du 9/10/08) :

« Il est devenu impératif d'inventer les outils d'une puissance publique européenne voire mondiale, capable de faire évoluer des règles de régulation que les «Mozart» de la finance se sont jusqu'alors efforcés de déjouer », estime Michel Sapin, secrétaire national du PS à l'économie et ancien ministre des finances.

Tout le drame européen est dans cette "puissance publique européenne voire mondiale". Ce n'est pas qu'une formule peut-être maladroite, c'est un aveu clair du fait que face à la crise, l'Union européenne est un échelon inutile. Les problématiques importantes aujourd'hui sont mondiales ou ne sont pas. On pourrait plaider que l'unité européenne est si forte que l'Union impose des règles mondiales qu'aucun de ses états membres ne pourrait défendre. L'actualité montre la vanité de telles vues.

Tout d'abord, lorsque Sarkozy impose un soi-disant plan européen, c'est faux sur le fond : le plan "européen" n'est adopté qu'après que chaque état européen a essayé sa propre solution (en plus du plan Paulson), et qu'il apparût d'évidence que le plan britannique était le meilleur. Le plan européen est britannique. C'est faux sur la forme : Sarkozy n'a imposé son plan qu'en s'asseyant sur toutes les règles européennes (cf. le Financial Times : "Ardent Europeans in Brussels know that during the financial crisis the true religion of the “community method” was abandoned, in favour of the dreaded heresy of “intergovernmentalism”.) Il n'a eu toute latitude dans cette situation que parce que l'ampleur de la crise était exceptionnelle et, par ailleurs, n'a été au centre de la scène que parce que la France se trouvait par hasard à ce moment là occuper la présidence de l'Union (s'il faut attendre 6 mois tous les 15 ans pour apprécier l'Union européenne, on comprendra que les plus sages s'en détournent).

Le plan européen est donc un plan britannique survendu par un président qui se trouvait là par hasard, et qui a l'habitude de survendre tout ce qu'il touche. Ca peut réjouir les européens qui font profession de se réjouir de tout, mais guère au delà de ce cercle sans cesse plus restreint.

Ne peut-on cependant se féliciter de l'action européenne en faveur d'un plan mondial ? L'Europe ne permet-elle pas de donner le tempo à la communauté économique mondiale, en organisant un G20 ?

Le New York Times évoque cependant plus, à propos de ce G20, un sommet organisé par Bush, qui pose ses conditions pour le déroulement (lieu, liste des invités...), qu'une initiative européenne.

Pour peser efficacement, l'Europe devrait avoir une position à défendre. Il n'en est rien. L'Europe n'a aucune vision originale à proposer, le nouveau Bretton Woods partout évoqué ne trouvera en aucun cas une inspiration européenne. Lire sur le site du Cimbre un excellent (et long) article sur le sujet, consacré à l'Europe, incapable de dépasser le consensus de Washington - il faudra que je vous présente une autre fois le site du Cimbre (nom d'une tribu ancienne semble-t-il), rédigé par un ex-avocat aux USA devenu enseignant d'économie en faculté).

Naturellement, il y aura toujours des eurobéats, pour affirmer envers et contre toute évidence, qu'il nous faut plus d'Europe pour réussir (Tommaso Padoa-Schioppa : "Si l'Europe s'exprime avec vigueur, elle pourra peser"...)

Ce qui peut marcher, pour une gouvernance mondiale, c'est que la France, lorsqu'elle est animée de bonnes volontés (on ne peut pas reprocher à Sarkozy d'avoir recruté Stiglitz pour réfléchir à des indicateurs économiques par exemple), prenne appui non pas sur le boulet que représente l'Union, mais sur les pays, quels qu'ils soient, qui sont partants pour une réforme mondiale efficace - que ce soit la Chine, l'Inde, l'Afrique du sud, la Corée ou autres, peu importe. Au XXIème siècle qui a dit que l'action devait se limiter au cercle étroit des 27 pays blancs chrétiens ? En matière de négociations agricoles, l'un des lobbies les plus efficaces est constitué par le groupe de Cairns. Ces pays n'ont pas attendu de s'être mis d'accord sur la courbure idéale des bananes ou d'adopter une monnaie unique pour faire front commun, et de façon efficace.








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