La lettre volée

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Le principe du pays d'origine

On en dit du bien sur Econoclaste : "Si l'on veut réellement créer un marché commun et unir politiquement l'Europe il s'agit d'un mécanisme formidable qui pousse à ce qui n'a pas encore été possible jusqu'à maintenant, une harmonisation des législations fiscales et sociales. Il est dommage de voir cette opportunité sous l'angle de la concurrence déloyale du plombier polonais."

J'ai laissé un commentaire un peu long et décousu, que je reprends ici. D'abord c'est beau comme du Versac lisant LE numéro de Charlie hebdo dans le métro et s'étonnant de s'attirer un regard noir. Blague à part le "mécanisme formidable" sus-cité que'est censé être le PPO l'est cependant surtout vu à travers le microscope de l'économiste. Le plombier franchouillard a le droit d'avoir un autre point de vue et de réclamer de ne pas être aiguillonné trop vite.

Autre étonnement de ma part : le principe du pays d'origine c'est bien pour les européens, mais ça craindrait appliqué aux pays en voie de développement "Mais le principe du "pays d'origine" n'est pas indispensable à la libéralisation du commerce des services et ne saurait être un instrument réaliste si on songe à une libéralisation plus large vis-à-vis des autres économies de la planète et en particulier celles des pays en développement." Si le raisonnement relatif au PPO est bon pourtant, il doit l'être aussi pour les PVD. Ou alors c'est qu'on admet une intervention pour autoriser un peu d'aiguillon mais pas trop. Sur ce terrain sulfureux de l'interventionnisme (et rappelons nous, l'interventionnisme c'est MAL), on aimerait des chiffres, des études d'impact, des case studies.

Le bobo moyen qui assiste à cette course à celui qui aiguillonnera le mieux son prochain ("Union Européenne rempart contre la mondialisation" de son petit nom) se rend surtout compte qu'avec ces merveilleuses réformes, plus personne ne répond au renseignement téléphonique (le 12 ne répond plus, faites le 188 000, non le 37 18, non pardon le... ah mais je vais appeler le SAV moi. ah mais y'en a pas, en slovaquie c'est pas obligé et vous êtes chez un opérateur slovaque grâce au PPO et de toute façon ça répond en letton...)

Oui, je dérape. Mais pas tant que l'éconoclaste qui écrit, comme économiste, que le PPO harmonisera les législations "fiscales et sociales". Pourquoi s'arrêter là dans la généralisation rapide et ne pas écrire que cela obligerait les britanniques à rouler à droite ?

Je veux bien imaginer que le PPO harmoniserait les prix, peut-être les législations sociales (et encore à long terme, mais on sait où nous serons à ce moment là), mais la fiscalité, je reste sceptique.

Conclusion que j'ai laissée en commentaire : "je crains que votre chronique ne soit toute pleine d'idéologie eurolâtre. Merci quand même de continuer à aiguillonner nos réflexions !"


Réponse de l'auteur :

"Pour répondre à Edgar sur le principe du pays d'origine:

- Ce que je voulais dire en parlant de "mécanisme formidable", c'est que l'application de ce principe mettrait en concurrence des prestataires de service pas soumis aux mêmes règles et donc créerait une nécessité d'harmoniser les législations ou d'avoir des législations communautaires. C'est un mécanisme intéressant pour faire progresser la construction européenne car il y aurait une pression économique au changement politique. Maintenant vous avez raison, c'est "formidable" (cette fois au sens positif -je l'employais pour ma part dans le sens d' "efficace") si on est partisan d'une intégration européenne renforcée. Pour rester sur le plan du raisonnement économique, il y a du pour et du contre à harmoniser les politiques fiscales et sociales en Europe. Ce sont des considérations politiques qui à mon avis peuvent faire pencher nettement en faveur de cette harmonisation.

- J'aimerais cependant revenir sur l'argument du nivellement par le bas qui a été utilisé par tous les opposants à la directive Bolkestein (je m'éloigne là de votre commentaire mais j'y reviendrai après). Tout d'abord si on lit la directive, le PPO ne s'applique pas aux conditions de travail donc c'est un contresens majeur que d'y voir une sorte de mécanisme diabolique cette fois qui ferait disparaître le droit du travail. En fait ce qui est concrètement visé ce sont toutes les conditions pour exercer une activité comme l'inscription au registre du commerce, avoir le diplôme adéquat ou remplir les conditions pour exercer son activité. S'il faut qu'un prestataire s'enregistre dans les 25 Etats de l'Union et prouve à 25 administrations qu'il est en droit d'exercer son activité, c'est sûr que ça limite l'échange international de service. Il n'y a donc pas de raison de voir là un risque particulier pour le droit du travail ou la protection sociale.

- Maintenant pour revenir à votre question précise et intéressante, pourquoi pas le PPO pour les pays en développement aussi, je crois que ce principe nécessite d'avoir une certaine confiance dans les législations des pays avec qui on commerce. A l'intérieur de l'Union européenne, il y a des règles communautaires qui s'appliquent et les pays membres ont par définition rempli tous les critères d'adhésion qui garantissent des législations répondant aux mêmes normes que les nôtres. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas dans tous les pays en développement. Ceci dit au niveau bilatéral, dans le cadre d'accords commerciaux régionaux l'Union européenne pourrait très bien appliquer le principe du pays d'origine avec des pays qui donneraient les mêmes garanties. Et le principe ne pousse pas tant à une harmonisation au sens où les mêmes règles devraient s'appliquer partout mais au sens où le même sérieux dans le contrôle des prestataires de service devrait être opéré. On peut imaginer que si l'Union européenne commence à offrir le PPO à des pays en développement, ceux qui veulent accéder au marché européen des services seront incités à mettre en place des législations leur permettant de prétendre au PPO. Le mécanisme pourrait aussi marcher hors de l'Union européenne."


Ma réponse :

"pas franchement opposé à votre position, je le reconnais. je note juste qu'au fond on brade notre souveraineté nationale pour quelques mesures de simplification administrative. (je sais, il y a tellement d'autres avantages, chaque jour plus évidents, à la construction européenne)... "

avec quelques autres commentaires très pointus et pleins de renvois à des articles, j'espère que cet échange n'aura pas déparé dans ce blog "de référence"  !


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